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Pesticides

L’INDUSTRIE AGROCHIMIQUE BLOQUE LES ALTERNATIVES AU TOUT-PESTICIDE

L’utilisation massive et systématique de pesticides accélère le développement de résistances chez les insectes cibles, entraîne l’agriculture dans une impasse, et détruit les écosystèmes, compromettant la sécurité alimentaire en Europe. Des solutions existent pour enrayer cette spirale infernale, sabotées systématiquement par l'agrochimie.

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Date : 28 septembre 2015
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Le développement de l’agriculture intensive est étroitement lié à la mise en place de traitements chimiques sur les cultures pour les protéger des bioagresseurs. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est le DDT qui est utilisé massivement en agriculture. Il est vite  devenu célèbre pour ses ravages sur l’environnement et sur la santé de milliers de paysans.

Les premiers signes de résistance des bioagresseurs apparaissent sept ans plus tard. La nature résiste et s’adapte, même au contact des molécules les plus toxiques. Elle s’abime bien sûr, s’appauvrit, se dépeuple… Mais les insectes, les champignons et les mauvaises herbes, que les pesticides sont censés détruire, finissent toujours par résister : une étude bibliographique récente, conduite par POLLINIS, montre que des mécanismes de résistance ultra-sophistiqués s’activent dès les premières expositions aux produits toxiques pour sauvegarder l’espèce.

La spirale infernale du tout-pesticide

Depuis lors, l’industrie agrochimique n’a eu de cesse de chercher des produits toujours plus toxiques, pour faire face à des ravageurs toujours plus résistants : organophosphatés, carbamates, pyréthrinoïdes, benzoylurées, néonicotinoïdes, et tout récemment, sulfoxamines. Chaque nouvelle génération de pesticides est plus toxique que la précédente, pour lutter contre des bioagresseurs qui finissent toujours par s’adapter et par rendre le produit obsolète. Aujourd’hui déjà, plus de 500 espèces de ravageurs ne sont plus sensibles à un ou plusieurs types d’insecticides Gut L., Schilder A., Isaacs R., McManus P. How pesticide resistance develops, Fruit Crop Ecology and Management, chapitre 2 : Managing the Community of Pests and Beneficials, sur grapes.msu.edu. Consulté en juin 2015. http://grapes.msu.edu/integrated_pest_management/how_pesticide_resistance_develops.

Très tôt, dès les années 1970, les spécialistes de la protection des cultures se sont inquiétés de ce problème et ont tiré la sonnette d’alarme. Ils ont compris que ce système entraînait ainsi l’agriculture dans une spirale infernale : au fur et à mesure que les nuisibles développaient des résistances, il fallait augmenter les doses et trouver des produits de plus en plus toxiques, de façon perpétuelle, exponentielle. Sans savoir s’il existerait toujours, ou si nous aurions les moyens d’inventer, des molécules capables de contrer des bioagresseurs super résistants. Certains scientifiques craignent déjà qu’il n’y ait bientôt plus de solution chimique pour protéger les cultures contre les insectes ravageurs qui les menacent P. Ricci, S. Bui, C. Lamine. Repenser la protection des cultures : Innovations et transition, Educagri Editions, 2012.. En outre, le coût d’élaboration et de mise sur le marché de nouvelles molécules rendent les solutions chimiques ruineuses pour les agriculteurs.

Des initiatives pour éviter la crise alimentaire

Depuis une quarantaine d’années, des ingénieurs agronomes, des chercheurs, des agriculteurs et des techniciens ont tenté de repenser le système pour échapper à cette spirale inéluctable des pesticides. Ils ont mis au point un ensemble de principes et de pratiques agricoles qui permettent d’encourager les mécanismes de protection naturelle des cultures. La PIC, la Protection intégrée des cultures, préconise de n’utiliser de pesticide qu’en cas d’attaque constatée, en quantité minimale et proportionnée à la réalité de l’attaque, et en n’utilisant que des produits ciblés et non persistants. Un pas de géant vers une véritable agroécologie.

Ce pas, l’Union européenne était prête à le franchir : en 2009, consciente des risques réels du tout-pesticides, elle engageait tous les États européens à adopter au plus vite les principes de la PIC (ou IPM pour Integrated Pest Management en anglais). Les choses n’ont que très peu bougé depuis, malgré les discours et les engagements répétés des pays européens.

En revanche, les tenants de l’agrochimie, et notamment les fabricants de néonicotinoïdes, sont parvenus à brouiller les pistes en sous-entendant que ces pesticides – les plus utilisés en Europe sur plus de 80% des grandes cultures – étaient compatibles avec la PIC. Une aberration : les néonics sont des pesticides systémiques (les molécules se propagent dans toute la plante au fur et à mesure de sa croissance) et sont vendus principalement sous forme de semences enrobées, ce qui oblige les agriculteurs à traiter de façon systématique, qu’il y ait ou non un risque d’attaque de ravageurs dans leurs champs. Une logique qui s’oppose foncièrement à celle de la PIC puisqu’elle recommande un usage des pesticides en tout dernier recours.

Bras de fer avec les lobbies de l’agrochimie à Bruxelles

Pour alerter les instances européennes sur l’incompatibilité de la PIC avec les pesticides systémiques, POLLINIS a participé en juillet dernier à une conférence qui s’est tenue au Parlement, au sein de la Commission Environnement Climat Biodiversité présidée par le député Pavel Pocz. Pendant cette conférence, les représentants de l’agrochimie et de l’agro-industrie, venus en force, ont martelé leur point de vue et accusé Bruxelles de leur mettre des bâtons dans les roues en rendant trop contraignants les processus de mise sur le marché de nouvelles molécules POLLINIS face aux lobbiesPOLLINIS, qui considère la PIC comme un levier décisif pour sortir rapidement l’agriculture de la spirale infernale du tout-pesticides, milite à Bruxelles pour sa réelle mise en œuvre. L’association présentera fin novembre une étude détaillant les avancées et les échecs des programmes mis en place par les pays européens pour appliquer les principes de la PIC. Le compte à rebours est enclenché : chaque année, l’industrie agrochimique mène l’agriculture dans une voie sans issue. C’est pourquoi POLLINIS, les associations et les citoyens soucieux de l’environnement et de l’alimentation, s’opposent de toutes leurs forces à ces lobbys, en poussant le système agricole vers des alternatives respectueuses de la nature et des insectes auxiliaires dont dépend la sécurité alimentaire en Europe.