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COMPTE RENDU DE LA CONFÉRENCE « AGRICULTURE ET CHANGEMENT CLIMATIQUE »

Le 26 janvier 2016, s’est tenue à Paris la conférence organisée par EurActiv intitulée « Agriculture et Changement climatique : interactions et défis ». Comment l’agriculture peut-elle contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, quelle place pour l’agroécologie, quels moyens pour changer notre alimentation...

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Date : 29 janvier 2016
Agroforesterie4-traditionnelle-mais-peupliers-crédit-©agroof

Sur le constat effectué par Jean JOUZEL, climatologue, l’ensemble des intervenants sont du même avis : le réchauffement climatique est bien présent et il est indéniable qu’il est du aux activités humaines.

L’agriculture est à la fois émettrice de gaz à effet de serres (CO2, méthane), porteuse de solutions, et affectée par le réchauffement climatique. Elle est en effet responsable de 25% des émissions de GES mondiales, en prenant en compte la déforestation. En France, il s’agit de 21% des émissions.

Pourtant, les représentants syndicaux agricoles majoritaires ont été hermétiques à ces questions. Et la COP 21 n’a pas abordé la question du devenir de l’agriculture, et des mesures qui doivent être mises en place pour réduire son impact sur le climat.

Quelles solutions peuvent être proposées pour que le monde agricole relève les défis du changement climatique ?

Eric ALLOZET, député écologiste, pense que les exploitations agricoles doivent être autonomes tant au niveau protéique qu’au niveau énergétique (par exemple avec des cultures de légumineuses, fixatrices naturelles d’azote) et s’affranchir des fluctuations des prix du marché. Une économie circulaire et collaborative doit être développée afin de permettre une valorisation directe, sans intermédiaire, permettant de vendre à des prix réels et décents les produits de la ferme. Pour arriver à ces objectifs, il estime que l’agriculture biologique est un aboutissement ultime. Mais une refonte totale du système, c’est-à-dire du fonctionnement des filières agroalimentaires, doit être envisagée pour que ces solutions soient pérennes.

Cyrielle DENHARTIG, du Réseau Action Climat, est pour un changement de fond du modèle agricole et non pour une amélioration des pratiques, afin d’aller vers une agriculture réellement écologique. Elle a notamment abordé la nécessité de prendre en compte les services environnementaux, c’est-à-dire de rémunérer les agriculteurs lorsqu’ils maintiennent les écosystèmes en bonne santé, car ceux-ci nous rendent des services qui ne sont pas comptabilisés dans l’économie (filtration de l’eau, retenue des sols, absorption du CO2 et création d’oxygène…). Les fabrications d’engrais de synthèse et d’aliments pour les animaux d’élevage sont en France les principaux postes de pollutions liés au changement climatique et la suppression de ces engrais azotés sur le long terme est nécessaire. Elle recommande vivement de nourrir les animaux à l’herbe et de se tourner vers une alimentation de qualité.

Gilles LUNEAU, auteur réalisateur, a développé un exemple tiré de son film « L’urgence climatique » présenté au Sénat le 20 octobre 2015, concernant la viticulture en région Aquitaine. Dans cette région, une hausse de 4 à 4,8°C est prévue d’ici 2050, ce qui posera d’énormes problèmes au niveau de la quantité de sucres dans les baies de raisins, facteur important dans le titrage alcoolique des vins (l’augmentation de la quantité de sucres signifie l’augmentation du degré d’alcoolémie). Il insiste sur les problèmes que soulève la fixation du CO2 dans le sol : il rend les sols plus acides, ce qui n’a pas été pris en compte pas les pouvoirs publics pour leurs objectifs de 4 pour 1000 (programme international qui a pour objectif d’améliorer les stocks de matière organique des sols de 4 pour 1000 par an). Il indique un besoin d’accentuer la recherche afin d’évaluer le taux de saturation des sols en CO2. Il souligne également que la crise que traverse l’agriculture est une crise des gros et moyens élevages qui ont absorbé leurs voisins en rachetant leurs terres. Il rappelle qu’offrir de nouvelles subventions aux exploitants en réponse à cette crise est inefficace et qu’il faut passer par un changement radical du modèle agricole.

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L’agro-écologie, une solution pour répondre aux défis du changement climatique. Ici une association de cultures (maïs/peupliers). ©agroof

Pour Thierry CACQUET, chef du département Ecologie, forêts, prairies et milieux aquatiques (EFPA) de l’INRA (Institut Nationale de Recherche Agronomique), l’agriculture a toujours su s’adapter aux changements climatiques, c’est d’ailleurs son essence. Le problème que les agriculteurs rencontrent aujourd’hui est que ces changements interviennent de plus en plus fréquemment et à grande vitesse. Il mentionne cependant plusieurs pratiques alternatives qui permettent de s’adapter à la crise actuelle : les semis sous couvert (forme d’agriculture sans labour de la terre), un moindre travail du sol, la sélection de variétés plus résilientes… Devant l’urgence, l’INRA a été pris de court puisque cet institut à l’habitude de mener des recherches sur un pas de temps important (10, 15 ou 20 ans) avant de proposer des solutions solides. Surtout, pour qu’une innovation soit développée et exploitée, il faut environ 25 ans… Mais devant l’urgence, des solutions devant être trouvées rapidement, Thierry CACQUET assure que les chercheurs de l’INRA sont sur le qui-vive.