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Pesticides / SDHI

Une étude illustre la toxicité des SDHI sur des cellules humaines et animales

Alors que l'autorité sanitaire française (ANSES) a conclu à l'absence d'éléments pour une alerte sanitaire au sujet des fongicides SDHI, Pierre Rustin, directeur de recherche émérite au CNRS, et Paule Bénit, ingénieure de recherches à l’INSERM, ont démontré in vitro l’effet toxique très inquiétant de ces pesticides sur des cellules humaines et animales.

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Date : 30 novembre 2019
Pulvérisation pesticides - crédit The Detox project

Produits phares de l’agrochimie, les SDHI sont vendus depuis les années 2000 comme des fongicides s’attaquant aux champignons et aux moisissures dans les cultures en étouffant leurs cellules. Leur mode d’action consiste à perturber la SDHSDH : succinate déshydrogénase. Le I est ajouté pour inhibitor, inhibiteur en français., une enzyme des mitochondries, ces petits organites présents dans les cellules, qui permettent leur respiration.

Mais une étude indépendante vient de mettre en évidence que huit molécules SDHI sont aussi capables in vitro de bloquer la SDH pas uniquement des champignons mais également du ver de terre, de l’abeille et de cellules humaines. Publiée en novembre 2019 dans la revue scientifique PLOS ONEPaule Bénit et al., 2019. Evolutionarily conserved susceptibility of the mitochondrial respiratory chain to SDHI pesticidesPLOS ONE, cette étude, que POLLINIS a contribué à financer, questionne l’avis de l’ANSES, l’agence sanitaire française, qui avait conclu en janvier 2019 à l’absence d’éléments en faveur d’une alerte sanitaire sur ces fongicidesAnses, 15 janvier 2019SDHI : l’Anses présente les résultats de son expertise.

Pulvérisation pesticides - crédit The Detox project

Depuis les années 2000, les SDHI sont utilisés à grande échelle pour tuer champignons et moisissures dans les cultures (orge, blé…), et les terrains de sport. ©The Detox Project

Par ailleurs, cette étude démontre que les tests règlementaires, qui ont servi à évaluer les SDHI avant leur commercialisation, ont occulté la toxicité de ces molécules : le glucose – utilisé dans le milieu de culture des cellules – permet à celles-ci de continuer à fonctionner « artificiellement » alors même que leurs mitochondries ont pu être endommagées. Pour mener une véritable évaluation, les cellules doivent être placées dans un milieu pauvre en glucose, ce que savent les scientifiques spécialistes des mitochondries depuis les années 1990CNRS le journal, 2020. « Appliquer le principe de précaution à l'égard des SDHI ». Selon les chercheurs qui ont mené l’étude, la manière dont sont conduits les tests par les industriels « masque un effet très important des SDHI sur des cellules humaines. Ces fongicides induisent un stress oxydatif dans ces cellules, menant à leur mort »CNRS, 2019Les fongicides SDHI sont toxiques pour les cellules humaines.

Autre problème de taille : pour tester la toxicité des SDHI, les expériences ont porté sur des espèces (souris et rats) qui ne réagissent pas comme l’Homme lorsque l’on bloque la SDH.

Les données de cette étude, menée par Pierre Rustin, directeur de recherche émérite au CNRS, et Paule Bénit, ingénieure de recherches à l’INSERM, viennent étayer l’alerte lancée par ces deux chercheurs dès 2017. A l’époque, ces spécialistes des maladies mitochondriales avaient découvert – en testant par pure curiosité scientifique des SDHI dans leur laboratoire – que ces molécules pouvaient agir sur les cellules humaines et celles des vers de terre.

De fait, l’enzyme SDH qu’inhibent les SDHI est présente – et essentiellement identique – dans les mitochondries des cellules de la quasi-totalité des êtres vivants. Les SDHI ne ciblent donc pas uniquement les champignons, et seront délétères pour tous les organismes vivants, à de très rares exceptions. Très inquiets des conséquences potentiellement dramatiques du déversement massif de ces molécules dans les champs, les chercheurs avaient alors tenté d’alerter l’ANSES. Après avoir, à reculons, lancé une expertise, l’agence avait finalement conclu, en janvier 2019, à l’absence d’éléments en faveur d’une alerte sanitaire.

Cependant Pierre Rustin et Paule Bénit remettent en cause ces conclusions. Ils se disent « surpris de constater qu’aucun des experts missionnés par l’agence n’était spécialiste des maladies mitochondriales, c’est-à-dire du sujet traité ». Ils se sont aussi étonnés que le mécanisme d’action très particulier des SDHI sur les cellules n’ait pas été pris en compte dans l’examen du dossier, notamment l’examen des dérégulations épigénétiquesUne perturbation dans l’environnement des gènes, qui peut conduire à l’apparition de tumeurs. que pourraient provoquer les SDHI. Ils ont dénoncé l’obsolescence des études règlementaires sur lesquelles s’est fondée l’agence française pour écarter l’alerte.

Les SDHI « ne sont pas du tout des fongicides, ce sont des pesticides au sens large, des poisons qui empêchent les cellules de n’importe quel être vivant de respirer », s’alarme Pierre Rustin . Les données de l’étude publiée dans PLOS ONE viennent ainsi illustrer ce que les chercheurs dénoncent depuis 2017 : les SDHI sont une menace considérable pour la santé et pour la biodiversité.

Le lendemain de la parution de cette étude, l’ANSES a rappelé qu’elle poursuivait « ses travaux concernant de potentiels effets de ces substances » Anses, 2019.Point sur les SDHI. L’agence a également annoncé s’être à nouveau saisie fin 2019  de la question des SDHI et mobiliser « ses collectifs d’experts dans l’objectif de passer en revue les données de la littérature les plus récentes et d’en tirer d’éventuels enseignements nouveaux par rapport à l’expertise menée en 2018 ».

Toutefois, selon le professeur Pierre Rustin, il est inutile de temporiser en multipliant les recherches et les expertises : les preuves ont été faites de la toxicité des SDHI pour le vivant. L’urgence, désormais, est d’appliquer le principe de précaution et de retirer ces pesticides du marché.