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Pesticides / Néonicotinoïdes

DÉCLIN DES ABEILLES : UNE FAIBLE DOSE D’INSECTICIDE SUFFIT À DÉSORIENTER LES ABEILLES

Deux nouvelles études publiées simultanément dans la très respectée revue américaine Science, le 29 mars 2012, mettent en évidence le rôle de deux insecticides néonicotinoïdes très couramment utilisés pour expliquer le déclin des abeilles. Les procédures d’évaluation et d’autorisation des pesticides sont à revoir de toute urgence.

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Date : 12 juillet 2012
abeille sauvage fleur jaunce fond vert Javier Robles PIXABAY

L’effet de certains pesticides sur les insectes pollinisateurs se précise. Deux études parues le 29 mars 2012 dans la revue Science révèlent la manière dont deux insecticides de la famille des néonicotinoïdes – introduits au début des années 1990 et devenus maintenant les pesticides les plus couramment utilisés sur les cultures du monde entier – agissent sur le développement et le comportement de l’abeille domestique et d’une espèce de bourdon pollinisateur sauvage. Le tout – et c’est une grande première – dans les conditions de plein champ et non en laboratoire, comme c’était le cas jusqu’à présent.

La première étude, réalisée sous la direction de Penelope Whitehorn et Dave Goulson de l’Université de Stirling au Royaume-Uni, pourrait expliquer, au moins en partie, le déclin de certaines des 20 000 espèces pollinisatrices sauvages.

« Certaines espèces de bourdons ont énormément baissé en nombre. En Amérique du Nord, par exemple, certaines qui étaient largement répandues ont plus ou moins disparu de tout le continent. Au Royaume-Uni, trois espèces sont désormais éteintes », explique Dave Goulson.

Les chercheurs ont exposé des colonies de bourdons Bombus terrestris à de faibles niveaux d’un néonicotinoïde appelé Imidaclopride, utilisé pour fabriquer le fameux Gaucho. Les doses utilisées étaient comparables à celles auxquelles sont exposées les insectes qui butinent dans la nature les cultures traitées avec ces pesticides. Les chercheurs ont placé les colonies dans un terrain clos où les bourdons ont pu s’alimenter pendant six semaines dans des conditions naturelles. Au début et à la fin de l’expérience, les chercheurs ont pesé chacun des nids de bourdons qui comprenaient les animaux, la cire, le miel, les larves et le pollen pour déterminer de combien avait augmenté la colonie.

Il s’avère que les colonies exposées à l’Imidaclopride avaient pris moins de poids comparées aux colonies contrôle, ce qui suggère qu’elles s’étaient moins nourries. A la fin de l’expérience, elles étaient 8 à 12 % plus petites en moyenne que les colonies contrôle. Elles avaient aussi produit 85 % de reines en moins !

Ce point est particulièrement important car la production de reines est en lien direct avec l’établissement de nouveaux nids après le dépérissement hivernal. D’où une réduction significative de leur capacité à se régénérer qui pourrait expliquer le déclin constaté depuis un certain nombre d’années.

« Les bourdons polinisent beaucoup de cultures et de fleurs sauvages. L’utilisation de néonicotinoïdes dans les cultures est clairement une menace pour leur santé et doit être revue de toute urgence », indique Dave Goulson.

Dans le second article de Science, une équipe française a trouvé que l’exposition à un autre néonicotinoïde perturbait la capacité des abeilles à retrouver leur ruche, ce qui entraînait la mort de beaucoup d’entre elles.

Mickaël Henry, de l’INRA d’Avignon, et ses collègues ont équipé 653 abeilles domestiques (Apis mellifera) de micro-puces RFID. Ce dispositif a permis aux chercheurs de suivre les abeilles dans leurs allées et venues entre la ruche et l’environnement. Puis ils ont donné à la moitié d’entre elles une dose faible, non létale, de thiaméthoxam, une substance de la famille des néonicotinoïdes avec laquelle on fabrique notamment le fameux Cruiser.

Comparées aux abeilles contrôle qui n’avaient pas été exposées au produit, les abeilles traitées avaient deux à trois plus de risques de mourir à l’extérieur de la ruche. Ces décès, avancent les chercheurs, se produisaient probablement parce que le pesticide interférait avec le système de localisation de la ruche des abeilles.

Dans une seconde partie de leur étude, les chercheurs ont utilisé des données de l’expérience de marquage des abeilles pour développer un modèle mathématique qui simule la dynamique de population des abeilles. Lorsque la mortalité due à leur manque de localisation a été incorporée à ces simulations, le modèle a prédit que les populations d’abeilles exposées au pesticide devaient chuter à un niveau tel qu’il ne permettait plus leur rétablissement.

Les procédures d’autorisation des pesticides sont à revoir

« Notre étude soulève la question importante des procédures d’autorisation des pesticides. Jusqu’à présent, elles demandaient surtout aux fabricants de s’assurer que les doses rencontrées sur le terrain ne tuaient pas les abeilles, mais elles ont complètement négligé les conséquences de doses non létales qui peuvent cependant provoquer des problèmes de comportement », ajoute l’auteur de l’étude Mickaël Henry.

À la suite de ces études, le Ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll a fait interdire la vente du Cuiser OSR dont les apiculteurs réclamaient le retrait depuis des années déjà.

Cet événement hautement médiatisé va dans le bon sens évidemment. Mais il dissimule totalement le fait qu’il reste plusieurs insecticides Cruiser toujours autorisés en France, et de nombreux insecticides de la famille des néonicotinoïdes dont la toxicité pour les abeilles a déjà été prouvée par de nombreuses études de l’INRA et du CNRS, et par d’autres labo, aux Etats-Unis, au Canada, en Royaume-Uni et en Allemagne.