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Transparence et démocratie / Secret d'affaires

SECRET DES AFFAIRES : LES DÉPUTÉS FONT FI DU DROIT FONDAMENTAL À L’INFORMATION

Malgré les alertes et la mobilisation de la société civile, les députés ont adopté le 28 mars en première lecture la proposition de loi sur le secret des affaires. Pourtant, contrairement à ce qui a été affirmé par le rapporteur du texte, M. Gauvain, député LREM et avocat d’affaires, les dérogations prévues ne protégeront pas les droits des citoyens.

Date : 30 mars 2018

« Il faut d’urgence qu’il y ait un débat démocratique sur cette loi, qui est votée en procédure accélérée en dépit de l’inquiétude qu’elle suscite, estime Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS. Les dérogations proposées ne protégeront pas les droits des citoyens : les sénateurs doivent absolument restreindre le champ d’application de la loi aux seuls acteurs économiques concurrentiels, pour garantir le droit fondamental des citoyens à l’information. Tant qu’elle respecte l’esprit initial de la loi, la France a une marge de manoeuvre dans la transposition d’une directive européenne dans son droit national : c’est une question politique et non technique ».

POURQUOI LES DÉROGATIONS NE SUFFIRONT PAS

Cette loi agit avant tout comme une arme de dissuasion massive

Ceux qui s’aventureraient à rendre publiques des informations que les entreprises veulent garder secrètes s’exposeraient à une procédure judiciaire longue et coûteuse, que la plupart d’entre eux seraient incapables d’assumer financièrement face aux laboratoires, aux multinationales et aux banques dont les moyens sont quasiment illimités. Avec ce chantage financier, la loi sur le Secret des affaires encourage l’auto-censure des citoyens et des médias et constitue une entrave à la liberté d’informer et une grave régression de notre démocratie.

Cette loi fait peser sur les journalistes, lanceurs d’alerte et citoyens une très lourde charge de la preuve

Ce sera aux journalistes, aux lanceurs d’alertes et aux citoyens, une fois attaqués par les entreprises, d’apporter au juge la preuve de leur fonction, et de démontrer qu’ils ont agi dans l’intérêt général. Or, deux exemples datant de janvier dernier montrent que les tribunaux ne seront pas prompts à défendre l’intérêt général contre celui des entreprises :

  • le journaliste star de l’émission « Cash investigation », Edouard Perrin s’est vu dénier par le Tribunal de grande instance de Metz (qui suivait en cela l’argumentaire du cabinet d’avocats d’affaires PWC), le titre de journaliste et sa mission d’intérêt général ;
  • le tribunal de commerce de Paris a condamné le magazine Challenges arguant que l’information qu’il avait publié sur Conforama ne présentait aucun « caractère d’intérêt général », avec comme seul argument le fait qu’aucun autre média n’avait encore relayé l’information…

Pourquoi laisser ainsi à l’appréciation des tribunaux, a fortiori de tribunaux de commerce qui ont particulièrement à cœur de défendre l’intérêt des entreprises, le soin de trancher sur des valeurs aussi essentielles que l’intérêt général et les droits fondamentaux des citoyens comme la liberté de la presse ?

Le texte introduit donc une notion lourde de conséquences : l’inversion de la charge de la preuve. « Nous estimons que ce doit être aux entreprises d’apporter la preuve que l’information révélée a servi à l’enrichissement personnel du journaliste ou du lanceur d’alerte, ou que ce secret d’affaires a été transmis à un concurrent », déclare Nicolas Laarman.

POLLINIS et le collectif « Stop secret d’affaires » demandent donc aux sénateurs d’introduire des amendements à la proposition de loi de transposition n°675

  • pour clarifier l’objet du texte et le circonscrire à l’objectif initialement poursuivi, c’est à dire régler une situation entre des acteurs économiques concurrents ;
  • pour que la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante : l’entreprise doit démontrer que les informations qu’elle qualifie de secret d’affaires ont été obtenues et/ou divulguées dans un but de concurrence illégitime.

La pétition du collectif en ce sens a déjà atteint plus de 200 000 signatures.