LES ABEILLES SAUVAGES

Des championnes de la pollinisation

Moins connues que leurs cousines domestiques, les abeilles sauvages sont pourtant des chaînons-clés de la pollinisation. Les bourdons, abeilles solitaires, halictes, mégachiles et autres xylocopes contribuent à polliniser plus de 80 % des plantes à fleur, étape nécessaire à la formation des fruits et des graines. Avec leur corps velu et leurs langues de différentes tailles, adaptées à chaque fleur, ce sont d’excellents pollinisateurs et un maillon essentiel de la biodiversité et de notre alimentation.

Des insectes indispensables et méconnus

Faute d’études, on ne connait pas l’état des effectifs de la grande majorité (79 %) des espèces d’abeilles sauvagesEuropean Red List of Bees.. Elles sont pourtant capitales pour la reproduction des fleurs et la beauté de nos paysages, mais aussi pour la qualité, la quantité et la diversité de notre alimentation. Leur présence dans un champ permet d’augmenter – parfois de doubler – les rendements de certains fruits et de légumesScience Mag, Wild Pollinators Enhance Fruit Set of Crops Regardless of Honey Bee Abundance. Les tomates ne peuvent être pollinisées efficacement que par les bourdons, les seuls à pouvoir faire vibrer ces fleurs pour qu’elles libèrent leur pollen ! Futura Science, Les bourdons doivent faire vibrer la fleur de tomate.... Mais les abeilles sauvages sont menacées par les pesticides, la monoculture, la suppression des haies, l’urbanisation, les maladies… On sait par exemple que près de la moitié (46 %) des espèces de bourdons d’Europe sont déjà en déclin…

LE PROGRAMME APIFORMES

Le terme « Apiformes » est le nom scientifique qui regroupe toutes les abeilles. Parce que ces pollinisateurs essentiels ne produisent pas de miel (et ne présentent donc pas d’intérêt économique direct) ils ont été trop peu étudiés jusqu’ici. Apiformes est le programme scientifique de l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, et de la Bergerie Nationale, qui a pour buts de :   

Recenser enfin les abeilles sauvages

En France, il existe près d’un millier d’espèces d’abeilles sauvages (l’abeille domestique se limite à cinq sous-espèces), un véritable arc-en-ciel de formes et de couleurs qui a coévolué avec les fleurs. Ces pollinisateurs sont méconnus ; certaines espèces restent même à découvrir… Il est urgent d’en faire l’inventaire. 

Étudier le rythme et les causes de leur disparition

Pratiques agricoles, urbanisation, maladies… Pour mettre en place des politiques de protection, il faut comprendre pourquoi des pollinisateurs sauvages sont en déclin et à quel rythme ils disparaissent.

Établir leurs liens avec les cultures

Les abeilles sauvages, comme les abeilles domestiques, ont un impact sur les rendements et la qualité des produits agricoles. Il est donc vital de déterminer quelles espèces correspondent à quelles cultures, quels services elles rendent et avec quelle efficacité pollinisatrice.

 Sensibiliser les futurs agriculteurs à leur rôle 

L’atout de ce projet scientifique repose sur l’implication de plusieurs centaines de lycéens agricoles en France. Ce sont eux qui collectent les hyménoptères sauvages dans leurs exploitations agricoles pédagogiques avec des coupelles de liquide ou des filets à papillons. Le protocole est encadré par les professeurs, formés par les scientifiques de l’INRA. Les insectes sont ensuite envoyés au laboratoire d’Avignon pour identification. Dans les lycées, des hôtels à abeilles ont été installés et des journées portes ouvertes organisées. Ce processus permet de sensibiliser les agriculteurs de demain au rôle primordial des abeilles sauvages, et à l’impérieuse nécessité de les protéger en faisant évoluer leurs pratiques agricoles. Car les études récentes démontrent que l’agriculture industrielle (pesticides, monocultures…) joue un rôle majeur dans le dramatique déclin des insectes pollinisateurs.

« LE TRAVAIL DE POLLINIS NOUS RAPPELLE QUE CERTAINS ÊTRES VIVANTS N’ONT PAS DE REPRÉSENTANTS POLITIQUES. ILS N’EN SONT PAS MOINS IMPORTANTS POUR AUTANT. »

Dr. Bernard Vaissière, INRAE d’Avignon, directeur du projet. 

LES ACTEURS DU PROJET

bernard vaissière pollinis BERNARD VAISSIÈRE

Chargé de recherche à l’INRAE, au sein de l’unité « Abeilles et environnement ». Il dirige le volet scientifique du programme Apiformes. Il est l’un des meilleurs spécialistes français du lien entre les pollinisateurs et l’agriculture et est membre du Haut conseil des biotechnologies en charge des thèmes « Pollinisation entomophile » et « insectes pollinisateurs » et du Comité scientifique de l’Agroscope en Suisse.


la-bergerie-nationale-logo LA BERGERIE NATIONALE

Centre de ressources au développement durable depuis 1994, la Bergerie nationale coordonne le programme Apiformes au niveau des lycées agricoles participants.


apiformes pollinis DES CENTAINES DE LYCÉENS

Répartis dans 25 lycées agricoles volontaires, ils contribuent au programme en collectant les pollinisateurs sauvages.


CE QUI A ÉTÉ ACCOMPLI

Entre 2007 et 2013, l’équipe du Dr. Bernard Vaissière a validé la démarche scientifique d’Apiformes qui combine sciences participatives avec les lycéens et identification des spécimens collectés par l’INRA. Les enseignants ont été formés par les scientifiques de l’INRA et le premier protocole de captures a été établi. L’arrêt du financement du ministère de l’Écologie en 2014 a failli réduire à néant tous ces efforts. Mais une première demande de dons réalisée à l’époque par POLLINIS a permis la poursuite du programme jusqu’à aujourd’hui. 

Depuis 2007 :

4 574 spécimens d’abeilles sauvages, appartenant à 195 espèces différentes, ont été collectés et identifiés.

Les résultats de ces recherches ont été publiés en octobre 2016 dans la revue scientifique Journal of Insect Conservation, accessible gratuitement sur InternetSpringer Link, Journal of Insect Conservation..

 Ces résultats prouvent que la diversité des espèces pollinisatrices augmentent avec les espaces semi-naturels herbacés, et en réduisant les monocultures. Mais aussi que l’identification des espèces est capitale pour détecter les effets des changements environnementaux sur les abeilles.

LES PROCHAINES ÉTAPES

L’équipe scientifique de Bernard Vaissière poursuit son travail et va :

Lancer la phase 2 du programme, avec capture des abeilles sauvages au filet sur les cultures.

Poursuivre l’identification des pollinisateurs sauvages. Tous les pollinisateurs doivent être envoyés à des spécialistes en France, en Suisse, en Belgique et en Allemagne ou en Autriche pour être identifiés. Une opération onéreuse (en moyenne 3,5 euros par spécimen capturé) mais essentielle pour ne pas passer à côté d’une espèce encore inconnue et pouvoir effectuer l’analyse statistique des résultats.

Établir le protocole scientifique qui permettra l’analyse de l’impact de chaque espèce sur la pollinisation des cultures.

Guider les mesures de préservation à l’échelle nationale pour sauvegarder les pollinisateurs sauvages.

POUR ALLER PLUS LOIN

RÉSEAU

RÉSEAU APIFORMES : LA FORMATION DES ENSEIGNANTS, UNE ÉTAPE ESSENTIELLE

En quoi consiste une session de formation, étape initiale et essentielle d’Apiformes ? Questions simples et réponses express avec José Ratrimoharinosy, chargé de mission à la Bergerie Nationale.

VIDÉO

VIDÉO PROJET APIFORMES : POLLINIS PROTÈGE LES POLLINISATEURS SAUVAGES

Pollinis vous propose un reportage vidéo sur le projet Apiformes, qui recense les abeilles sauvages, précise les causes de leur disparition rapide et guide les mesures pour leur préservation dans notre pays.

PORTRAIT

PORTRAIT D'APIFORMES : L'ABEILLE SOLITAIRE ANTHIDIUM FLORENTINUM

Depuis son lancement, Apiformes a déjà permis d'identifier 324 espèces d'abeilles sauvages sur le territoire français. Gros plan sur l'une d'elles avec Laurent Guilbaud.

GRÂCE AUX DONS DES CITOYENS, POLLINIS SE BAT POUR LA PRÉSERVATION DES POLLINISATEURS SAUVAGES ET DE LEUR ENVIRONNEMENT

AIDEZ-NOUS DANS CE COMBAT

Photos : © Nicolas Morison – © Laurent Guilbaud – © Emmanuelle Grimaud/Shutterstock