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Frelon asiatique

Hacène Hebbar fait le point sur notre projet anti-frelon asiatique sans chimie

Imaginer, fabriquer, expérimenter différentes solutions techniques et tirer les leçons de ces essais pour avancer : Hacène Hebbar, coordinateur des projets de POLLINIS, revient sur les objectifs et l’historique du projet « anti frelon asiatique » de notre association, à l’heure où des tests à grande échelle se préparent.

Date : 17 octobre 2019

Alors que les derniers prototypes de son outil de lutte contre le frelon asiatique sont en train d’être testés près de Nantes, sur l’île de Groix et dans les Hauts-de-Seine, Hacène Hebbar, à l’initiative de ce projet au sein de POLLINIS, revient sur les grandes étapes de cette aventure technique et humaine, indispensable pour réduire l’impact de ce prédateur sur les abeilles affaiblies du Vieux Continent.

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Hacène Hebbar, coordinateur des projets chez POLLINIS, met au point un prototype de lutte contre les nids de frelons asiatiques, sans produit toxique.

Des solutions de lutte contre le frelon asiatique existent déjà. Pourquoi POLLINIS développe-t-elle une alternative ?

Tout simplement parce que les solutions utilisées aujourd’hui n’empêchent pas sa prolifération et provoquent des dégâts ! Toutes les solutions de piégeage du frelon asiatique que vous pourrez trouver ont deux inconvénients : elles piègent également d’autres insectes et, surtout, elles ne sont pas vraiment efficaces car, pour neutraliser un nid, il faut détruire au moins 90 % de ses occupants. Or un nid génère plus de 10 000 frelons sur la saison ! Avec le piégeage actuel, on est très loin de ce nombre.

Parmi les solutions qui s’attaquent aux nids, la plus utilisée est chimique, essentiellement à base de perméthrine, un insecticide dont les dommages collatéraux sont considérables. Les nids traités et laissés sur place sont de véritables bombes chimiques abandonnées dans la nature ! Les risques sont multiples, aussi bien pour les insectes qui se trouvent dans l’environnement immédiat du nid que pour les animaux qui s’en nourrissent. Sans parler des riverains qui voient se déverser à proximité de leurs habitations ces produits hautement toxiques, ni des professionnels désinsectiseurs, qui commencent eux-mêmes à s’inquiéter des effets, sur leur santé, des produits qu’ils utilisent…

Quelle alternative avez-vous imaginée pour éviter les effets pervers de la lutte chimique ?

Comme sur le terrain des pratiques agricoles, POLLINIS lutte contre l’emploi systématique de pesticides. Il n’était donc pas question pour nous d’inventer un nouveau produit chimique pour combattre le frelon asiatique. Nous avons au contraire fait le pari du biomimétisme : nous nous sommes inspiré des abeilles asiatiques. Celles-ci sont confrontées au frelon local depuis bien plus longtemps que leurs cousines européennes, et elles ont appris à se défendre.

Leur technique est aussi simple que fascinante ! Elles jouent sur la différence de température létale entre elles et le frelon : elles supportent des températures jusqu’à 53 °C, alors que le frelon succombe dès 45 °C. Elles encerclent donc le frelon et battent des ailes pour réchauffer l’air autour de lui jusqu’à cette température fatale de 45 °C.

On appelle cela le thermo-balling et cela nous a donné l’idée de combattre le frelon par l’hyperthermie plutôt que par la chimie. Depuis, nous avons essayé différentes méthodes pour produire et diffuser la chaleur à l’intérieur du nid, en tenant compte de nombreuses contraintes incontournables pour offrir une solution propre comme alternative à la chimie qui provoque toujours des dégâts dans l’environnement.

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Les nids de frelons asiatiques sont parfois situés à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol. POLLINIS a donc conçu un dispositif léger qui peut être hissé au bout d’une perche télescopique.

Quelles sont ces contraintes ?

En dehors de l’impératif d’efficacité, évident, nous avons identifié quatre contraintes : 1. que l’équipement soit simple, léger et facile à assembler ; 2. qu’il soit facile à utiliser dans des conditions maximales de sécurité ; 3. qu’il soit peu onéreux afin d’en faciliter l’usage par le plus grand nombre ; 4. que les professionnels puissent continuer à utiliser les cannes télescopiques dont ils disposent déjà pour atteindre tous les nids, notamment à la cime des arbres.

Partant de ces contraintes, quelles méthodes avez-vous testées ?

Avec l’aide de deux ingénieurs polytechniciens, nous avons développé un premier prototype, fondé sur une production de chaleur par infra-rouge et une diffusion de cette chaleur par ventilation. Mais ce dispositif s’est révélé trop lourd et trop cher pour espérer une large diffusion auprès des désinsectiseurs. Nous nous sommes alors tournés vers la projection d’air chaud comprimé.

Cette méthode a donné de bons résultats en laboratoire mais s’est avérée moins efficace sur le terrain car il est difficile de conserver une bonne qualité de compression en continu quand on traite des nids à 20 mètres de hauteur. Nous avons alors conçu un prototype de troisième génération, combinant une résistance électrique et un ventilateur autonome.

Nous avons mené des essais en plusieurs endroits de France à l’automne 2018 avec des résultats encourageants en termes d’efficacité. Mais nous avons rencontré un cas d’autocombustion lente sur un des nids, malgré une diffusion de chaleur contrôlée pour l’éviter. Nous avons donc développé une nouvelle technique qui élimine tout risque de départ de feu.

lutte anti frelon asiatique pollinis
Le dispositif de lutte contre les nids de frelons asiatiques développé par POLLINIS se met en place en quelques minutes. Il peut être alimenté sur une prise de courant ou un groupe électrogène.

En quoi consiste la technique mise au point ?

Notre nouveau prototype est fondé sur la production de vapeur : une chaleur humide et non plus sèche, donc, mais tout aussi efficace dans la montée en température. Les tests en laboratoire se sont révélés très prometteurs. Nous avons commencé à expérimenter plusieurs variantes du dispositif sur le terrain en septembre.

Ces tests nous ont déjà permis de recueillir des retours cruciaux pour améliorer les performances. Et nous attendons avec une grande impatience les retours d’autres interventions qui seront réalisées par nos bêta-testeurs volontaires pour dégager les meilleures pratiques.

Quand ces tests ont-ils lieu ?

C’est une contrainte supplémentaire ! La fenêtre de tir est très courte : les nids ne sont facilement repérables qu’entre septembre et novembre, quand ils sont suffisamment gros et deviennent visibles car les feuilles des arbres tombent. Heureusement, plusieurs désinsectiseurs et des collectivités sont intéressés par notre projet et sont prêts à tester notre prototype dès qu’on leur signalera des nids.

Certains ne jurent que par la chimie pour nous débarrasser du frelon asiatique. Que leur répondez-vous ?

Que c’est illusoire ! Le frelon asiatique est maintenant bien implanté en France et déverser massivement des produits chimiques partout dans notre environnement, y compris en ville près des écoles, n’est certainement pas la solution. D’ailleurs, la chimie est utilisée depuis plus d’une dizaine d’années et cela n’a pas empêché la progression du frelon asiatique jusqu’en Grande-Bretagne ou en Belgique !

Par ailleurs, des désinsectiseurs nous signalent de plus en plus de frelons recouverts de poudre chimique qui les attaquent, ce qui n’avait jamais été observé avant ! Si les insectes commencent à résister au produit, cela montre bien que cette voie est sans issue.

Notre vision est à la fois plus ambitieuse et plus réaliste : ce que nous voulons, c’est réduire dans le temps la pression des frelons asiatiques avec un meilleur rendu écologique et en préservant la santé des opérateurs et des riverains. L’arrivée de ce nouveau prédateur d’abeilles, particulièrement redoutable, a créé un déséquilibre. L’objectif de notre projet, c’est de rétablir un équilibre sans avoir recours à ces solutions trop nocives.

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