Biotechnologies génétiques / Pesticides ARNi
Règlement sur l’usage durable des pesticides : exclure les pesticides ARNi du biocontrôle
Alors que le projet de règlement sur l’usage durable des produits phytosanitaires (« règlement SUR ») est actuellement discuté au Parlement européen, POLLINIS demande aux eurodéputés d'exclure les pesticides ARNi de la définition de biocontrôle. Ces nouveaux pesticides posent des risques majeurs pour les pollinisateurs, dont les populations sont déjà fragilisées par des décennies d'agriculture intensive et d'exposition aux pesticides chimiques.
Alors que le projet de règlement sur l’usage durable des produits phytosanitaires (« règlement SUR ») est actuellement discuté au Parlement européen, des eurodéputés tentent d’inclure une nouvelle classe de pesticides génétiques dans la catégorie des solutions de biocontrôle ou des pesticides à faible risque. Ces pesticides, à base d’ARN interférent (« pesticides ARNi »), agissent en bloquant l’expression de gènes vitaux des espèces qu’ils ciblent. Ils posent des risques majeurs pour de nombreux insectes pollinisateurs, dont la protection des populations fragilisées par des décennies d’exposition aux pesticides chimiques est essentielle pour assurer la durabilité des systèmes alimentaires.
Une nouvelle génération de pesticides génétiques avec des risques majeurs pour les pollinisateurs et la biodiversité
Découverte grâce à la recherche médicale dans les années 1990, l’interférence par ARN (« ARNi »), qui a pour effet de perturber ou bloquer l’expression d’un ou plusieurs gènes, fait partie du fonctionnement biologique naturel des humains, des animaux et des végétaux. Sur la base de ces connaissances, les firmes de l’agrochimie ont développé de nouveaux pesticides « génétiques » qui ont déjà fait l’objet d’expérimentations en plein champs en France et dans d’autres pays européens, – consistant à administrer aux insectes considérés comme nuisibles pour les cultures des molécules d’ARNi recombinées en laboratoire, afin de bloquer l’expression de gènes essentiels à leur survie.
Présentés par l’agrochimie comme une alternative plus sûre que les pesticides chimiques, ces nouveaux pesticides génétiques sont pourtant loin d’être sans danger. Dans un rapport de 2020OECD, Considerations for the Environmental Risk Assessment of the Application of Sprayed or Externally Applied ds-RNA-Based Pesticides, Cancels & replaces the same document of 25 September 2020 Series on Pesticides No. 104, 17 mars 2023., l’OCDE préconise de s’intéresser au degré d’homologie, c’est-à-dire de « ressemblance » des chaînes de nucléotides, entre les séquences ADN des gènes ciblés par les pesticides ARNi et les gènes aux fonctions similaires chez d’autres insectes non ciblés. Des études scientifiques montrent en effet qu’au-delà d’un certain seuil d’homologie, le silençage d’un gène chez une espèce peut produire un effet équivalent sur une autreChen, J., Peng, Y., Zhang, H., Wang, K., Zhao, C., Zhu, G., Reddy Palli, S., & Han, Z. (2021). Off-target effects of RNAi correlate with the mismatch
rate between dsRNA and non-target mRNA. RNA Biology, 18(11), 1747–1759. https://doi.org/10.1080/15476286.2020.1868680.
POLLINIS a mené une analyse bio-informatiquePOLLINIS, Pesticides génétiques, les pollinisateurs victimes collatérales des nouveaux produits de l’agrochimie, 20 juin 2023. sur la base de 26 pesticides ARNi en cours de développement dans les laboratoires de l’industrie, ou sur le point d’être autorisés aux Etats-Unis ou dans des pays à la législation moins protectrice qu’en Europe. En comparant les séquences génétiques des ravageurs visés avec celles d’espèces non ciblées, cette recherche a révélé que 136 espèces de pollinisateurs (abeilles mellifères, abeilles solitaires, bourdons, lépidoptères et diptères…) pourraient être victimes d’effets collatéraux causés par les produits.
Une biotechnologie génétique aux antipodes du biocontrôle
Définis par le Conseil de l’UE comme les « ennemis, antagonistes ou concurrents naturels, ou d’autres organismes, utilisés pour lutter, soit directement, soit indirectement, contre les organismes nuisibles aux végétaux, y compris les organismes de quarantaine, en contrôlant leurs vecteurs, ainsi que contre les mauvaises herbes et les plantes exotiques envahissantes »Considérant 1 de la Décision (UE) 2021/1102 du Conseil du 28 juin 2021.Accessible ici., les agents de lutte biologique jouent un rôle central au sein du projet de règlement sur l’usage durable des pesticides (« SUR ») dont l’objet est de diminuer de 50 % l’usage des pesticides et de 50 % des pesticides les plus dangereux d’ici à 2030.
Plusieurs eurodéputés tentent d’utiliser cette définition comme un cheval de Troie en y incluant les pesticides ARNi, afin d’en promouvoir l’usage dans les années à venir et alléger leurs conditions de mise sur le marché. Au vu de l’impact inquiétant que ces pesticides génétiques ARNi pourraient avoir sur les pollinisateurs et le vivant, et en l’absence d’une évaluation scientifique robuste de l’ensemble de ces risques, l’application du principe de précaution exige au contraire que ces technologies soient immédiatement écartées du marché dans l’attente d’une évaluation complète par une agence indépendante des risques qu’ils représentent pour les abeilles, les pollinisateurs sauvages, la biodiversité et les écosystèmes.
La volonté de remplacer les pesticides chimiques par des pesticides génétiques est uniquement motivée par le fait de maintenir un système de dépendance à l’agrochimie, sous couvert de transition écologique. En effet, même si l’interférence par ARN repose sur un mécanisme génétique physiologique, la perturbation volontaire de l’expression d’un ou plusieurs gènes afin de provoquer la mort n’a rien de naturel, et présente de nombreux risques pour l’ensemble du vivant. Ces biotechnologies génétiques ne peuvent en aucun cas remplir les objectifs de réduction des pesticides que le règlement SUR entend atteindre, et que seul un réel changement de modèle agricole permettra de mettre en œuvre.
Les recommandations de POLLINIS
Face au déclin alarmant des insectes pollinisateurs et à l’impérieuse nécessité de réduire l’utilisation d’intrants chimiques en agriculture en transitant vers un modèle agricole vertueux et respectueux du vivant, l’utilisation de pesticides génétiques tels que les pesticides ARNi est tout à fait incompatible avec la notion de biocontrôle. POLLINIS et les 1,3 millions de citoyens qu’elle représente considèrent que :
- Le Parlement européen doit explicitement exclure les pesticides ARNi des solutions de biocontrôle au sein du projet de règlement SUR, et s’opposer de manière générale à l’utilisation de ces produits comme alternatives aux pesticides pour privilégier et soutenir toutes les mesures agro-écologiques permettant une réelle transition vers une agriculture résiliente, indépendante et souveraine, sans intrants chimiques ou génétiques.
- La Commission européenne doit fournir une liste restrictive des produits inclus dans le biocontrôle et les pesticides à faibles risque dans les annexes du règlement SUR, afin d’empêcher tout inclusion future des pesticides ARNi dans le spectre de cette définition.
- L’Union européenne doit appliquer le principe de précaution sur ces produits, et les tenir écartés du marché tant qu’une évaluation complète de leurs risques pour les abeilles, les pollinisateurs sauvages, la biodiversité et les écosystèmes n’aura été menée par une agence indépendante.