Conserver les pollinisateurs
Abeilles et autres pollinisateurs en danger : les scientifiques sonnent l’alerte
Les abeilles et d’autres insectes pollinisateurs voient leur nombre chuter de façon inquiétante, ce déclin pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les écosystèmes et l’agriculture. Les changements dans l’utilisation des pesticides pourraient être responsables de l’effondrement de colonies entières d’abeilles.
De plus en plus d’études scientifiques semblent indiquer que les changements dans les pratiques fermières pourraient rendre les populations d’abeilles vulnérables aux épidémies et aux parasites, augmentant dangereusement leurs taux de mortalité. Les changements dans l’utilisation des pesticides pourraient même être responsables de l’effondrement de colonies entières d’abeilles.
Des chercheurs de l’Inra viennent de montrer que c’est la combinaison d’un agent infectieux et d’un insecticide qui menace les ruches. Un cocktail mortel qui devrait obliger à revoir la procédure d’évaluation des pesticides.
L’Imidaclopride, agent actif du Gaucho, un insecticide systémique, et Nosema Ceranae, un microparasite de l’intestin, affaiblissent conjointement les abeilles, voire les tuent massivement.
C’est ce qu’ont montré Cédric Alaux, Yves Leconte et leurs collègues de l’Inra d’Avignon, dans une étude passée curieusement inaperçue : « Notre étude montre que si elles sont contaminées par Nosema, les abeilles exposées à l’Imidaclopride, même en quantité infime, succombent à la nosémose », explique Yve Leconte.
Un résultat qui pourrait éclairer d’un jour nouveau le déclin et les mortalités massives observées dans les colonies d’abeilles, aux Etats-Unis, en France, et dans la plupart des pays européens. Car aujourd’hui, d’après l’Afssa (l’Agence de sécurité sanitaire et de l’alimentation, aujourd’hui rebaptisée Anses), on retrouve des résidus d’Imidaclopride dans 50% des ruches de l’Hexagone. Et la présence de Nosema Ceranae est avérée dans la quasi-totalité d’entre elles depuis au moins 2002, comme l’a montré Marie-Pierre Chauzat – toujours pour l’Afssa.
Or, jusqu’à là, comme l’industrie phytopharmaceutique ne cesse de le claironner, l’insecticide, pris seul, n’est pas considéré comme mortel à faibles doses. Pas plus que la Nosema d’ailleurs – Marc-Edouard Colin, de Supagro (Montpellier) a déjà montré en 2006 que Nosema était présent dans des ruches qui fonctionnaient tout à fait normalement. En revanche, la combinaison des deux constitue une bombe à retardement.
LE CONSTAT
Le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles
Les disparitions d’abeilles ne sont pas un phénomène nouveau. Elles ont été régulièrement observées et décrites localement depuis 1896. Mais un phénomène plus important et généralisé semble toucher les abeilles domestiquées depuis la fin des années 1990 (les autres espèces sont à peine étudiées et encore moins surveillées !)
On a pu observer au cours des sept dernières années des taux de mortalité inexplicablement élevés parmi les populations d’abeilles, un phénomène baptisé « Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles » (Colony Collapse Disorder, ou CCD). Des colonies apparemment saines s’effondrent soudainement, abandonnant le couvain (les larves) et les réserves de nourriture, et laissant parfois seulement la reine dans la ruche.
Ce syndrome est jugé très préoccupant par les apiculteurs eux-mêmes bien sûr, mais aussi par de nombreux économistes et de plus en plus d’experts scientifiques, en raison de l’importance écologique et économique des abeilles.
L’abeille est généralement considérée comme une « sentinelle » révélatrice de l’état de l’environnement, en raison de sa présence sur presque tous les continents, de sa capacité à collecter, via le pollen et le nectar, des doses même infimes de polluants et de l’observation dont elle est l’objet par les apiculteurs, dont les revenus dépendent de la santé des ruches.
La ou les causes(s) précises(s) du syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles n’ont pas encore été officiellement identifiées. Un certain nombre de facteurs sont considérés comme contribuant à ce déclin, y compris l’émergence de nouveaux virus et le changement du climat. Mais, les pratiques agricoles modernes (prédominance de fermes en monocultures et dépendance vis-à-vis des pesticides) pourraient être un élément-clé.
L’hypothèse selon laquelle les pesticides neurotoxiques joueraient un rôle déterminant rencontre un soutien croissant parmi les scientifiques et les membres de la communauté des apiculteurs. De fait, les données disponibles semblent présenter une corrélation élevée entre les pays rencontrant les pertes d’abeilles les plus importantes et ceux utilisant le plus de pesticides.
Un exemple précédent de taux de mortalité élevés parmi les abeilles en France a été démontré comme étant le résultat de l’enrobage de pesticides utilisé sur les graines de tournesol (jusqu’à l’interruption de cette pratique avec certains pesticides). Le pic des nouveaux effondrements de colonies d’abeilles s’est produit au printemps 2008 en France, en Allemagne, en Italie et en Slovénie, où une quantité élevée de pesticides neurologiques était présente dans l’air, suite à des semailles de semences traitées.
Rapport du PNUE sur la disparition des abeilles
Un rapport publié en mars 2011 par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le PNUE, rassemble et analyse les dernières données scientifiques sur l’effondrement des colonies d’abeilles.
L’étude intituléee « Global Bee Colony Disorder and other threats to Insect Pollinators » détaille les multiples facteurs soupçonnés de décimer les populations d’abeilles à travers le monde.
En Europe, la baisse des colonies d’abeilles remonte au milieu des années 1960. Elle s’est accéléré depuis 1998, notamment en Belgique, en France, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Espagne et au Royaume-Uni.
En Amérique du Nord, depuis 2004, la disparition des colonies d’abeilles domestiques a atteint des niveaux préoccupants. Le niveau des populations de ces pollinisateurs n’a jamais été aussi bas qu’au cours de ces 50 dernières années.
Les apiculteurs chinois qui gèrent des espèces occidentales et orientales d’abeilles, ont récemment noté plusieurs signaux inexplicables et complexes d’altération des colonies, et ce pour les deux espèces.
Un quart des apiculteurs japonais ont récemment été confrontés à la perte subite de leurs colonies d’abeilles.
En Afrique, les apiculteurs qui exercent le long du Nil égyptien ont également déclaré avoir remarqué des signes précoces d’effondrement des colonies d’abeilles, même si à ce jour il n’y a pas d’autres réelles preuves confirmées sur le reste du continent africain.
Pic de disparition au printemps 2007
En 2007, un pic alarmant de disparition d’abeilles est jugé catastrophique par les spécialistes, menaçant la pollinisation de plusieurs cultures maraîchères et fruitières aux Etats-unis notamment.
Les pommiers, mais aussi les amandiers, les avocatiers, les cerisiers, les oignons, les concombres, le coton, l’arachide, le melon, etc. dépendent à 90 %, voire à 100 % des abeilles pour leur pollinisation.
Les services de pollinisation rendus par les abeilles sont estimés à environ quinze milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Certains apiculteurs ont perdu 70% de leurs abeilles cette année-là.
Quelques chiffres :
En 2007, le taux de ruches abandonnées ou presque désertées atteignait 70 % voire 80 % dans les régions et pays les plus touchés. Un quart du cheptel des ruchers des Etats-Unis aurait disparu pendant le seul hiver 2006-2007, et 35 Etats auraient été touchés selon un rapport du Congrès américain de juin 2007.
En Europe, de nombreux pays ont annoncé des pertes importantes (France, Belgique, Italie, Allemagne, Suisse, Espagne, Grèce, Portugal, Pays-Bas, dès l’an 2000. Dans les ruchers les plus touchés, jusqu’à 90% des abeilles ont disparues.
LES CAUSES
Les pesticides
De nombreux apiculteurs et scientifiques mettent en cause la nouvelle classe d’insecticides, les insecticides systémiques néoninicotinoïdes, comme principal facteur qui explique la disparition massive des abeilles ces dernières années.
Nous avons déjà recensé près d’une cinquantaine d’études scientifiques dénonçant les effets catastrophiques que ces insecticides néonicotinoïdes pouvaient avoir sur les abeilles.
Tasq Force, un groupe indépendant de 53 scientifiques du monde entier, a mené dans le plus grand secret une étude sur les pesticides néonicotinoïdes – suspectés de décimer les abeilles.
Leurs conclusions sont sans appel : non seulement ces pesticides sont très nocifs pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs, mais ils nuisent également aux oiseaux, à la faune aquatique, aux mammifères et même peut-être à l’Homme.
Nous vous invitons à parcourir ces études sur le site de POLLINIS, pour vous faire une idée par vous même de l’état des connaissances sur le sujet.
Mono-culture et disparition des haies
Plusieurs études scientifiques suggèrent que l’une de causes de la disparition des abeilles serait l’ affaiblissement de leur système immunitaire, lié notamment à une alimentation appauvrie. Des chercheurs de l’INRA d’Avignon par exemple, ont démontré dans une étude publié en janvier 2010 l’importance de la variété des pollens sur la santé des abeilles. L’étude de Cédric Alaux pour l’Inra d’Avignon « Diet effects on honeybee immunocompetence », publié dans Biology Letters :rsbl.royalsocietypublishing.orgAfin de tester l’effet de la quantité de protéines fournies par le pollen et la diversité des pollens sur l’immunité et la santé des abeilles, des groupes de 80 abeilles ont été nourris avec du pollen issu d’une seule variété de fleur, et d’autres groupes avec le pollen de six fleurs différentes. L’expérience a été répétée sur cinq colonies.
Les chercheurs ont constaté au bout de quelques semaines que les abeilles qui avaient un régime varié, avec un mélange de pollen, présentaient aussi un taux plus important d’une enzyme particulière (la glucose oxidase). C’est grâce à cette enzyme que les abeilles fabriquent les produits antiseptiques (les « médicaments » naturels) que l’on retrouve dans l’alimentation des larves et dans le miel. Ces médicaments servent à stériliser l’alimentation de toute la colonie d’abeilles, et contribuent donc à la prévention des maladie à l’intérieur de la colonie.
Les abeilles nourries avec le pollen d’une seule fleur produisent moins d’antiseptique que celles nourries avec le pollen de plusieurs fleurs, et par conséquent la colonie devient plus sensible aux maladies.
Et plus intéressant encore, dans la même expérience, les chercheurs ont constaté que la biodiversité du pollen est plus importante en elle-même que sa teneur en protéines, pourtant indispensables au développement des jeunes larves. A taux de protéines égale, les pollens issus de cinq espèces différentes nourrissent mieux l’abeille que celui d’un seule espèce .
Une étude similaire réalisée sur l’alimentation des larves de bourdons L’étude sur le bourdon « Nutritive value of 15 single pollens and pollen mixes tested on larvae produced bu bumblebee workers », publié » dans Apidologie :www.apidologie.org a donné les mêmes résultats. Les larves nourries avec plusieurs pollens étaient plus grosses que celles ayant été nourries avec un seul.
« Les résultats sont spectaculaires », assurent les chercheurs qui vont poursuivre leurs travaux pour identifier maintenant quel mélange de pollen est optimal pour développer l’immunité des abeilles.
Rétablir au plus vite une riche diversité naturelle
La constitution de jachères fleuries dans les grandes zones de monocultures, où l’on ne cultive qu’une seule variété de céréale (du blé ou du colza par exemple) est une des solutions généralement retenue pour obtenir une alimentation équilibrée pour les abeilles.
Mais ce n’est certainement pas la seule.
C’est surtout l’enrichissement du paysage agricole en éléments semi-naturels, comme les haies, les bosquets ou les friches en bordure de champs, riches en fleurs de toutes sortes, qui demeure la clé de cette alimentation diversifiée et d’une riche biodiversité.
Les cultures OGM
La question sur les OGM (organisme génétiquement modifiés) reste difficile à aborder. Les conséquences sur la santé des hommes et sur l’environnement sont toujours mal connues et les expériences menées, souvent contradictoires dans leur conclusion. Après les pesticides et les herbicides, il semblerait que les OGM, soit à leur tour responsables de la mort des abeilles.
Définition d’un Organisme Génétiquement Modifié
C’est un organisme (animal, végétal, bactérie) dont on a modifié le matériel génétique (code génétique) par une technique récente dite de « génie génétique », la transgénèse, pour lui conférer une caractéristique nouvelle (exemple : aptitude à repousser les insectes parasites ou à résister au froid… ). On sélectionne un ou plusieurs gènes appartenant à une espèce déjà existante et on les introduit dans le patrimoine génétique de l’espèce que l’on veut modifier. La transformation génétique peut être effectuée sur de nombreuses espèces végétales, céréales, légumes ou même arbres. En tout, plus de 60 espèces ont déjà été transformées. Les OGM les plus avancés sont surtout des espèces de grande culture comme le maïs, la betterave et le colza. Les gènes introduits sont très divers mais pour le moment les caractères utiles à l’agriculture sont privilégiés.
Sachant que les OGM végétales ne sont pas à proprement parler des espèces « naturelles », quels impacts ont-ils sur leur principal pollinisateur, les abeilles ?
Le mécanisme de fonctionnement des OGM se fait par des inhibiteurs de protéases (IP). Ce sont des protéines fabriquées par des plantes génétiquement modifiées, mais que l’on peut aussi se procurer à l’état purifié, dans la nature. À certaines concentrations, les IP ont des effets plus ou moins nocifs sur le tube digestif de l’abeille, pouvant bloquer des enzymes importantes pour sa digestion.
Une étude consistant à introduire des gènes qui fabriquent des inhibiteurs de protéase (IP) dans des plantes mellifères a permis trois types d’observations : le comportement lors du butinage, la capacité d’apprentissage(10) et la durée de vie de l’abeille. Selon les résultats de cette étude, il n’y avait pas de différences de comportement des abeilles lors du butinage, qu’elles aient butiné les plantes modifiées (gènes introduits) ou les plantes témoins. Concernant la capacité d’apprentissage, il n’y avait pas non plus de différences entre les abeilles qui avaient butiné les plantes modifiées et celles qui avaient butiné les plantes témoins. Enfin, la durée de vie des larves et des abeilles dépendait de la concentration des IP ; à l’état naturel, la concentration de ceux-ci ne causait pas plus de mortalité par rapport à la culture témoin.
Cette étude démontre que les risques encourus par les abeilles face au l’OGM reste moindre et sont pour le moment acceptables. Les OGM ne sont donc pas la cause principale du syndrome d’effondrement des ruches.
Les plantes O.G.M. inquiétantes pour les abeilles sont celles qui produisent un insecticide et celles qui produisent une protéine leur conférant une résistance à un herbicide.
Actuellement les seules cultures de plantes O.G.M. autorisées en France sont celle du colza produisant un insecticide IP (inhibiteur de protéase) et celle du maïs produisant l’insecticide Bt. Dans le premier cas, l’insecticide en question est une protéine qui bloque une enzyme essentielle dans la digestion des coléoptères. Or, l’abeille ne possède pas cette enzyme et de ce fait est indifférente à cette protéine. Des expériences menées en laboratoire et sous tunnel ont confirmé que l’ingestion de cette protéine ne l’affectait pas, même à long terme. De plus, cette protéine n’est présente ni dans le nectar ni dans le pollen. Cette protéine est d’ailleurs produite naturellement dans le riz et dans le soja.
En ce qui concerne le maïs Bt, le gène introduit provient de la bactérie Bt, Bacillus thuringiensis, et produit une protéine qui détruit les cellules épithéliales du tube digestif des lépidoptères (papillons). Il est utilisé pour lutter contre la pyrale. Cette protéine est présente dans le pollen du maïs, mais est inoffensive pour les abeilles. Cette protéine est d’ailleurs bien connue des apiculteurs puisque le Bt est utilisé depuis longtemps en agriculture biologique et en apiculture, sous le nom commercial de B 401, pour le traitement des cadres contre la fausse teigne (qui est un lépidoptère).
En ce qui concerne les O.G.M. possédant un gène de résistance à des herbicides, il faut tout d’abord savoir comment fonctionne l’herbicide en question.
L’herbicide le plus connu est le glyphosate (Round Up) ; le glyphosate est une molécule qui bloque une enzyme essentielle de l’assimilation chlorophyllienne, ce qui entraîne la mort de la plante. Cet herbicide n’agit que sur les parties vertes des plantes et n’a donc aucune action sur les abeilles. Pour rendre une plante résistante à cet herbicide, on lui transfère un deuxième exemplaire du gène de cette enzyme, mais en le modifiant très légèrement dans une région n’intervenant pas dans la fonction de l’enzyme. De cette façon, l’enzyme garde toutes propriétés, mais n’est plus bloquée par le glyphosate et la plante peut se développer normalement. Cette plante O.G.M. ne possède aucun gène étranger et est donc, pour l’abeille comme pour l’homme, équivalente à la plante non transformée.
Un autre herbicide contre lequel des plantes O.G.M. sont mises au point est le glufosinate (Basta). Le glufosinate est une molécule qui bloque le fonctionnement d’une enzyme permettant la synthèse de la glutamine et provoquant de ce fait une accumulation d’ammonium qui conduit à l’intoxication puis à la mort de la plante. Pour rendre une plante résistante à cet herbicide, on n’y introduit aucun gène étranger, mais on lui rajoute un autre exemplaire du gène de l’enzyme en question. Il y a alors surproduction de l’enzyme et le glufosinate ne peut plus en bloquer qu’une partie, la part non bloquée de l’enzyme en excès permet à la plante de se développer normalement. Comme dans le cas précédent, il n’y a aucune protéine étrangère dans la plante et celle-ci est, pour l’abeille, comme pour l’homme, équivalente à la plante non transformée.
Par contre la culture de cette plante implique l’utilisation du glufosinate comme herbicide. L’homme possède l’enzyme que bloque cette molécule, mais il n’est pas intoxiqué car il dispose d’autres voies de synthèse de la glutamine qui peuvent prendre le relais. Pour l’abeille, il n’est pas exclu que l’insecticide en question puisse présenter un danger même si cela n’a pas encore été démontré; la toxicité a été mise en évidence pour un petit papillon.
Le frelon asiatique
Les frelons asiatiques (Vespa velutina ) se trouvent généralement en Inde, en Chine, en Indonésie… et depuis fin 2004, en France. Il y avait, en 2007, 1500 nids en Gironde, autant en Dordogne et beaucoup plus dans le Lot et Garonne.
La prolifération de l’espèce a des conséquences importantes pour l’abeille européenne.
Le frelon asiatique s’attaque aux abeilles pour nourrir les larves.
On raconte que le frelon Vespa velutina a voyagé jusqu’en France à bord d’un cargo dont la cargaison de poteries chinoises a été débarquée dans le Lot et Garonne. L’espèce s’est facilement adaptée au climat et à l’environnement de l’Hexagone. Elle prolifère aujourd’hui avec d’autant plus de facilité qu’elle ne connaît quasiment aucun prédateurs sur notre sol.
Notre abeille européenne (Apis mellifera) est totalement démunie devant les attaques de ce tueur insatiable. Contrairement aux abeilles asiatiques (Apis cerana), qui ont développé au cours de leur évolution une méthode efficace pour se défendre : elles ripostent conjointement et forment une grappe d’abeilles autour de chaque frelon pour le tuer en faisant augmenter la température de son corps – l’abeille ayant une température corporelle supérieure de 2° environ à celle des frelons.
Assez curieusement, les abeilles européennes ne réagissent pas à l’attaque de frelons asiatiques. Et laissent les assaillants décimer systématiquement les butineuses.
Car le frelon asiatique se poste devant l’entrée de la ruche en vol stationnaire et attaque les abeilles chargées de pollen. Il les saisit et leur coupe la tête avec ses mandibules pour les dépecer un peu plus loin, puis il fait une boulette avec le thorax démembré pour nourrir ses larves. Il est capable de tuer et d’emporter deux abeilles en trois secondes.
Le frelon adulte se nourrit pourtant de fruits mûrs et de nectar.
Le nid est construit au printemps par la reine, il est le plus souvent très en hauteur dans les arbres, à 12 ou 15 mètres du sol. Chaque nid peut comporter jusqu’à 2000 frelons. Il sera ensuite abandonné en hiver.
Les parasites et nouvelles maladies
Varroa destructor
Varroa destructor est un acarien originaire d’Asie qui a colonisé peu à peu les essaims du monde entier à partir des années 1950. Il est repéré pour la première fois en France en 1982. Une ruche sur deux est atteinte aujourd’hui à travers toute la France.
Il est à l’origine le parasite d’Apis cerana, l’espèce d’abeille commune en Asie, qui le tolère bien dans la ruche.
Mais avec le développement des échanges internationaux, l’importation d’essaims, et le croisement des espèces, le varroa a colonisé progressivement les ruches dans le monde entier.
Il ressemble à un petit crabe rouge aplati de 1 à 1.8 millimètre de long sur 1.5 de large. Il a des pattes courtes, qui lui permettent de s’accrocher aux abeilles, et le corps recouvert de soie.
La femelle varroa pond des œufs des les cellules des larves d’abeilles. Les œufs fertilisés par le mâle varroa deviendront des femelles alors que ceux non fécondés deviendront des mâles. Les jeunes se nourrissent de la nourriture des larves et les femelles adultes se nourrissent du «sang» des abeille (l’hémolymphe). Les femelles sont adultes en 9 jours et les mâles en 7 jours. Le mâle dépend de la nourriture donnée à la larve, il doit donc féconder la femelle avant que l’abeille ne sorte de la cellule, il meurt peu après par manque de nourriture. Les femelles vivent plus longtemps et suivent les déplacements des abeilles en s’accrochant aux ouvrières et aux faux bourdons, elle peut donc changer de ruche facilement et coloniser une région.
Une même abeille peut en héberger plusieurs, on comprend ainsi pourquoi les abeilles finissent par mourir. Ce parasite provoque des malformations des larves d’abeilles, et endommage ainsi à long terme la ruche entière. S’il prolifère, la colonie est rapidement dépeuplée. Le varroa est difficilement repérable du fait de sa petite taille.
Certaines sous-espèces d’Apis mellifera sont plus résistantes et détruisent les cellules de la ruche où logent des varroas qui ont déjà produit une descendance, les cellules renfermant des varroa femelles stériles ne sont pas détruites.
Le champignon Nosema Ceranae
Nosema ceranae est un protozoaire, un être unicellulaire, qui s’attaque aux cellules épithéliales de l’intestin de l’abeille. Il est lui aussi originaire d’Asie. On ne connaît pas les chemins qu’il a empruntés pour conquérir l’Europe, mais il est désormais bien installé dans le paysage apicole français.
Il impacte les colonies déjà affaiblies par une mauvaise alimentation, par des conditions climatiques défavorables ou la transhumance..
Une fois ingérée par l’abeille, cette microsporidie entre dans les cellules épithéliales de l’intestin et s’y reproduit par mitose, créant des spores qui vont à leur tour se multiplier dans une autre cellule et la détruire, et ainsi de suite jusqu’à détruire presqu’entièrement la paroi intestinale de l’insecte.
Les cellules ainsi endommagées ne peuvent plus produire l’enzyme permettant de catalyser l’hydrolyse des aliments en nutriments, absorbés ensuite dans l’hémolymphe (le « sang » de l’abeille). Carences en protéines, mauvaise digestion, perte d’énergie et dysenterie (diarrhée) sont autant de conséquences de cette contamination… L’abeille ne mange plus, puisant dans les réserves destinées aux autres abeilles ou au couvain, ce qui affaiblit la ruche.
Contamination :
La contamination se fait par le pollen et les déjections des abeilles déjà infestées. Lorsque les abeilles forment une pelote, elles collent les grains de pollen avec le miel ou le nectar contenu dans leur jabot qui peut contenir des spores de noséma ceranae (lorsqu’elles sont infectées). Si une autre abeille vient à en consommer une, les spores de noséma ceranae arrivent dans son intestin et elle est contaminée. Les déjections d’abeilles sont aussi un intermédiaire de contamination car l’abeille contaminée étant prise de dysenterie se voit parfois déféquer dans la ruche. Là, les spores de noséma ceranae, qui sont résistant au chaud comme au froid et pourvus d’une enveloppe qui les protège, peuvent survivre jusqu’à 1 an et voire plus dans les excréments et, si une autre abeille les mange (ce qui arrive), elle est elle aussi contaminée.
La contamination se fait aussi par le biais des abeilles mortes dans lesquelles les spores de noséma ceranae restent en vie 5 à 6 semaines et peuvent donc jusque là contaminer d’autre abeilles.
L’hiver est la meilleure saison pour infester la ruche : les abeilles y font leurs besoins (elles ne sortent que rarement) et mangent les réserves (dont certaines contiennent des spores de noséma ceranae), et les abeilles mortes se trouvent dans la ruche ; il y a donc plus de chance pour une abeille saine d’être contaminée.
Effets sur la ruche :
De par leur nombre qui diminue, les abeilles ne sont plus assez nombreuses pour s’occuper du couvain : les butineuses (moins nombreuses et plus fatiguées) ramènent moins de nourriture, donc le couvain est moins bien nourrit et donne naissance à moins de butineuses, qui ramènent moins de nourriture, etc.
- Si la reine est touchée par noséma ceranae, elle peut devenir stérile ou pondre des œufs de mauvaise qualité (si les ovaires sont abîmés) ou mourir elle aussi. Dans ce cas, il y a deux issues :
- Si la saison est propice et qu’il reste assez de nourriture pour élever une reine, la ruche se dépêche d’élever une autre reine et la colonie a un sursis ;
- Si la saison n’est pas propice ou qu’il ne reste pas assez de nourriture, la ruche est orpheline et s’effondre.
Effets indirects :
Nosema ceranae s’attaque aussi aux cellules macrophages des abeilles (de la même façon que pour les cellules épithéliales de l’intestin). Sans paroi intestinale et sans défense immunitaire, les abeilles sont plus vulnérables aux autres maladies et virus qui, sans obstacle à leur prolifération, peuvent « aider » noséma ceranae à tuer les abeilles.
Donc, les abeilles contaminées par noséma ceranae meurent d’affaiblissement (loin de la ruche, ce qui fait qu’on retrouve peu de corps) et de dysenterie. Elles peuvent aussi mourir de maladies qui profitent de leur faiblesse pour les « achever », mais elles sont également plus vulnérables aux effets des pesticides, ce que soupçonne le chercheur Joe Cummins qui, après des expériences sur la pyrale du maïs (chenille parasite dévorant les épis de maïs), a révélé que les insectes infectés par nosema ceranae sont plus sensibles aux effets des insecticides.