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Conserver les pollinisateurs

Insectes pollinisateurs : des ouvriers agricoles efficaces et irremplaçables

Nécessaires à la reproduction de presque toutes les espèces cultivées pour notre alimentation, les pollinisateurs améliorent aussi la quantité, la qualité des productions agricoles et la résilience des cultures. Menacés d'extinction, ils sont pourtant les garants de notre sécurité alimentaire.

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Date : 7 janvier 2019
Abeille sauvage fleur de pomme de terre PIXABAY CC0

Les cultures pollinisées par des animaux se déclinent en une large palette de couleurs et de goûts : les rosacées fruitières (pommiers, cerisiers, amandiers, abricotiers…), les oléagineux (tournesol et colza), les cucurbitacées (melon, courgette), les légumineuses mais aussi les fruits à coque, les épices, le café, le cacao… Les pollinisateurs sont indispensables à la reproduction de 75 % des espèces cultivéesFAO Action mondiale en faveur des services de pollinisation pour une agriculture durable. . Ils assurent ainsi aux humains une alimentation diversifiée et riche en nutriments (fibres, vitamines, minéraux…), protégeant ainsi notre santé.

200 000 espèces de pollinisateurs

Le service de pollinisation des plantes est rendu gratuitement par des milliers d’animaux : outre l’abeille mellifère, on dénombre plus de 25 000 espèces d’abeilles sauvages sur la planèteFAO Chiffres de 2016 , auxquelles s’ajoutent papillons, coléoptères, mouches et même quelques oiseaux (comme le colibri), reptiles et petits mammifères (la chauve-souris notamment). Ce ne sont pas moins de 200 000 pollinisateurs au total qui assurent la survie et l’évolution des plantes.

Une meilleure qualité nutritionnelle

L’intervention des insectes pollinisateurs influence aussi la qualité nutritionnelle de certaines productionsBommarco, Marini, Vaissière, 2012Insect pollination enhances seed yield, quality, and market value in oilseed rape. Oecologia: 1–8. Wallace, Lee, 1999Pollen source, fruit set and xenia in mandarins J Hortic Sci Biotech. 74: 82–86. . Plus les grains de pollen déposés sur les pistils des fleurs sont nombreux, plus ces dernières peuvent sélectionner les meilleurs gamètes, et développer des fruits gros et riches en nutriments.

Ce vaste brassage génétique influence à la fois la diversité, la quantité et la qualité des sucres, des fibres, des vitamines et des minéraux que contiennent les aliments. Dans les cultures d’amandes, la pollinisation augmente les concentrations en acides gras poly-insaturés des amandes, des acides gras essentielsAcides gras indispensables à l’être humain, mais qu’il ne peut synthétiser lui-même. Ils doivent donc être apportés par une alimentation équilibrée. impliqués dans le bon fonctionnement du système cardiovasculaire.

Abeille sauvage fleur de pomme de terre PIXABAY CC0

Abeille sauvage sur une fleur de pomme de terre. © Pixabay

Des rendements plus importants

La présence d’une grande variété de pollinisateurs dans les cultures permet aussi d’augmenter les rendementsGaribaldi et al., 2011Global growth and stability of agricultural yield decrease with pollinator dependence. : 20 % pour la production de fraises et de colza, 71 % pour le sarrasinBartomeus et al., 2014 Contribution of insect pollinators to crop yield and quality varies with agricultural intensification.. La présence de bourdons et d’Anthophora urbana, une abeille sauvage solitaire, dans les cultures de tomates augmente la production de 45 %, avec des fruits presque trois fois plus lourdsGreenleaf, Kremen,  2006  Wild bee species increase tomato production and respond differently to surrounding land use in Northern California. Biological Conservation 133, 81–87.. Autre exemple : pour certaines variétés de pommes, l’intervention de pollinisateurs permet de doubler la production, d’augmenter le temps de conservation (grâce à une plus grande concentration en calcium), et de multiplier par cinq le nombre de graines dans un fruitGarratt et al., 2014Avoiding a bad apple: Insect pollination enhances fruit quality and economic value..

La diversité des espèces, clé de la pollinisation

Pour une pollinisation efficace, les cultures nécessitent une grande diversité de butineurs. Toutes les espèces ne travaillent pas dans les mêmes conditions climatiques ni aux mêmes heures de la journée ; elles n’ont pas les mêmes préférences florales…

Selon une étude menée en Belgique, les insectes sauvages pollinisent jusqu’à 85 % des cultures, contre seulement 15 % pour les abeilles mellifèresTerzo, Rasmont, 2007 Cf. cas de la Wallonie. Ils sont plus efficaces, visitent les fleurs plus souventGaribaldi et al., 2013 Wild Pollinators Enhance Fruit Set of Crops Regardless of Honey Bee Abundance., leurs caractéristiques morphologiques sont plus performantes (poils longs pour mieux collecter le pollen, par exemple) et parfois spécifiques à certaines plantes.

C’est ainsi que quelques centaines d’osmies (petites abeilles sauvages) suffisent pour polliniser un hectare de pommiers, quand des dizaines de milliers d’abeilles mellifères sont requises pour la même tâcheVicens, Bosch, 2000Pollinating Efficacy of Osmia cornuta and Apis mellifera (Hymenoptera: Megachilidae, Apidae) on ‘Red Delicious’ Apple. . Et même en présence d’abeilles domestiques dans les cultures, les pollinisateurs sauvages (syrphes et abeilles sauvages) multiplient la production de fruits par deuxGaribaldi et al., 2013Wild Pollinators Enhance Fruit Set of Crops Regardless of Honey Bee Abundance..

La reproduction chez les végétaux

 

  • La reproduction sexuée :

Elle nécessite le transport du pollen des organes mâles (étamines) aux organes femelles (pistils) des fleurs. Le brassage génétique, c’est-à-dire le mélange des patrimoines génétiques des deux parents, permet une grande capacité d’adaptation des nouvelles générations aux conditions de leur milieu. Une fois fécondées, les fleurs forment des fruits, contenant les graines qui donneront naissance à de nouvelles plantes.

– Dans près de 90 % des cas, ce sont les animaux butineurs qui assurent ce transport du pollen.

– 10 % des espèces de plantes sont, elles, pollinisées par le vent, principalement les conifères, et rarement par l’eau.

– Mais une fleur peut aussi se féconder elle-même (autogamie) et donner naissance à une nouvelle plante. C’est le cas des céréales comme le blé, l’orge, le riz…

 

  • La multiplication végétative ou reproduction asexuée :

Certaines plantes (oignons, pommes de terre, fraises…) recourent, en plus de leur reproduction sexuée, à une autre stratégie : la multiplication végétative. Celle-ci fait intervenir des organes, comme les rhizomes, les stolons, les bulbilles ou encore les drageons, qui donneront naissance à de nouvelles plantes clones, issues de la plante mère. Cette stratégie s’affranchit du service de pollinisation, mais n’assure pas de brassage génétique : toutes les plantes issues de la multiplication végétative possèdent le même bagage génétique que leur parent, elles sont identiques et sensibles aux mêmes maladies, ce qui limite leur résilience.

Insectes et résilience des modèles agricoles

En assurant le brassage génétique des plantes, les pollinisateurs leur permettent de s’adapter à leur environnementTerme désignant les écosystèmes incluant des systèmes agricoles avec lesquels ils sont en interaction. , aux changements de climat et de surmonter les situations de stress.

Même en l’espace de quelques générations, les plantes évoluent. Des chercheurs ont mené l’expérience suivante : ils ont placé des fleurs de Brassisa rappa dans deux espaces distincts, l’un contenait des bourdons et l’autre des syrphes (petites mouches).

Ils se sont aperçus que lorsque les plantes étaient pollinisées par les bourdons, les fleurs devenaient plus grosses à chaque génération, avec un parfum attractif et des couleurs qui émettaient des rayons ultra-violets, auxquels les bourdons sont particulièrement sensibles.

Lorsque ces mêmes plantes étaient pollinisées par des syrphes, les fleurs étaient de plus en plus petites, moins parfumées et s’auto-pollinisaient davantage, pour compenser la faible pollinisation des syrphes, insectes moins efficaces. Même à court terme, un changement d’insectes dans leur environnement influence l’évolution des plantes, de leurs fleurs et donc de leurs fruitsGervasi, Schiestl, 2017 Real-time divergent evolution in plants driven by pollinators..

Un équilibre fragile

Au cours de millions d’années d’évolution, plantes et insectes se sont adaptés pour interagir entre eux, s’apporter des bénéfices mutuels et survivre. Mais en un demi-siècle, l’agriculture conventionnelle a créé des déserts biologiques, des millions d’hectares de monocultures abreuvés de pesticides qui polluent durablement l’air, l’eau et les fleurs dont les pollinisateurs dépendent, contaminant leur alimentation et menaçant leurs habitats. L’agriculture est en train d’éradiquer les pollinisateurs dont les cultures ont besoin… En Europe, la masse des insectes volants a diminué de 70 % en moins de 30 ans : ce déclin dramatique doit être enrayé de toute urgence, au risque de voir disparaître des maillons essentiels de notre alimentation, et de menacer notre sécurité alimentaire.