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Conserver les pollinisateurs

Disparition rapide des insectes : conséquences en cascade sur le vivant

Le déclin spectaculaire de nombreuses espèces d'insectes provoquera des réactions en chaîne dans la nature avec un effondrement des écosystèmes et la disparition de nombreuses espèces d’amphibiens, de poissons, de petits mammifères ou d’oiseaux. Cette catastrophe menace aussi la production agricole.

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Date : 25 août 2019

Les rapports scientifiques se multiplient avec des constats toujours plus alarmants : le déclin massif des insectes est en cours, et il se produit à une vitesse vertigineuse. En 2019, 41 % des espèces d’insectes sont en danger d’extinctionSánchez-Bayo, Wyckhuys, 2019. Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers.Biological Conservation. Cet Armageddon provoque déjà des réactions en cascade chez les animaux et les végétaux qui dépendent d’eux directement, mais aussi chez des espèces plus éloignées.

Premières victimes de cette crise des insectes : les animaux qui s’en nourrissent, notamment les oiseaux. Des relevés constatent qu’en trente ans, l’Europe a ainsi perdu plus de 420 millions d’oiseaux, avec 90 % de diminution chez des espèces communes comme la perdrix rouge, l’alouette des champs, le moineau et l’étourneau…Ingere et al., 2014. Common European birds are declining rapidly while less abundant species’ numbers are rising.Ecology Letters. D’autres insectivores – amphibiens (grenouilles, crapauds, salamandres…), poissons, lézards, petits mammifères (hérissons, chauves-souris, musaraignes, taupes…) sont eux aussi impactésSäterberg et al., 2013. High frequency of functional extinctions in ecological networks.Nature.

oiseau mangeant un insecte DR Thomas Wilken PIXABAY

90 % des espèces communes d’oiseaux ont diminué, en grande partie car les insectes dont ils se nourrissent ont disparu. ©T. Wilken / PIXABAY

En toute logique, ce serait ensuite au tour des prédateurs de ces animaux insectivores de disparaître… Mais plusieurs études indiquent que la complexité du vivant provoque des effets dominos difficilement prévisibles : selon une étude publiée en 2013, la simple diminution des effectifs d’une espèce peut provoquer l’extinction pure et simple d’une autre, et la première espèce à disparaître n’est pas forcément le prédateur de l’espèce en voie de disparition…Säterberg et al., 2013. High frequency of functional extinctions in ecological networks.Nature

Effondrement des écosystèmes

Le monde végétal va également être affecté par l’effondrement des insectes, notamment car 80 % des plantes à fleurs dépendent des pollinisateurs pour leur reproduction. Sans abeilles domestiques et sauvages, mouches, fourmis ou papillons, plus de fleurs… et plus de fruits. Ce sera alors au tour des animaux frugivores de ne plus trouver de subsistance.

Par ailleurs, certaines plantes à fleurs dépendent d’une seule espèce d’insecte pour leur pollinisation. Si cet insecte « spécialiste » venait à disparaitre, la plante ne pourrait pas lui survivre. C’est le cas par exemple du figuier et de sa pollinisatrice attitrée, la guêpe du figuier, seul insecte capable de féconder ses fleurs qui éclosent à l’intérieur d’un réceptacle refermé sur lui-même : « Des centaines d’espèces vertébrées dépendent de la ressource figue en milieux tropicaux. Si vous perdez les pollinisateurs de ce fruit, ça aura un impact sur 1 500 espèces de vertébrés, dont des chauves-souris et des oiseaux », explique Jean-Yves Rasplus, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra)France info, 26 février 2019 : Pourquoi un monde sans insectes doit-il vraiment nous inquiéter..

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Le monde végétal est affecté par l’effondrement des insectes : 80 % des plantes à fleurs dépendent des pollinisateurs pour leur reproduction. Photo PxHere

La disparition du service de pollinisation fourni gratuitement par les insectes menace aussi la sécurité alimentaire des hommes. Les cultures pollinisées représentent 75 % des espèces végétales vivrières : fruits (pommes, abricots, pêches…), légumes (courgettes, potiron), fruits à coque (amande), café… Or il s’agit des cultures les plus précieuses en termes de nutriments (vitamines), et leur variété assure une alimentation équilibrée. Sans pollinisateurs, il ne resterait principalement dans nos assiettes que les céréales pollinisées par le vent ou par autofécondation (blé, riz…).

Fin du recyclage organique

Dans les champs, certains insectes sont aussi des alliés précieux parce qu’ils se nourrissent des insectes ravageurs des cultures. Avec leur disparition, le risque est de voir proliférer un petit nombre d’espèces problématiques, profitant de la déstabilisation des écosystèmes. Déjà, 5 % des espèces d’insectes ont vu leur population augmenter, parmi lesquelles celles qui s’adaptent rapidement aux changements climatiques et des espèces généralistes qui s’accommodent plus facilement de la perte de diversité dans leur milieuSánchez-Bayo, Wyckhuys, Op. cit.Biological Conservation.

Autres auxiliaires indispensables : les bousiers, les fourmis ou les insectes xylophages (se nourrissant de bois) qui jouent un rôle essentiel dans le recyclage des matières organiques et maintiennent ainsi l’équilibre et la fertilité des solsScience et vie, 23 juin 2019 :Déclin des insectes : alerte aux réactions en chaîne.. Ils participent à la décomposition des feuilles et bois morts, des déjections et des cadavres. Sans eux, les sols seraient couverts de matières organiques en décomposition, et menacés d’asphyxie.

Nombre d’insectes tout aussi précieux pour les réseaux écologiques terrestres demeurent inconnus : certaines espèces s’éteignent en silence sans jamais avoir été répertoriées, et sans que l’on connaisse encore leurs rôles dans les écosystèmes. Les inconnues sont si nombreuses, et les interactions dans la nature si complexes et subtiles, qu’il reste difficile d’appréhender l’ampleur des répercussions de la disparition des insectes sur l’ensemble du monde animal et végétal.