Le projet : Planter des haies et semer des graines (chez les écoliers)

Les pollinisateurs sont les garants de la souveraineté alimentaire : plus d’un tiers de la production agricole mondiale en dépend directement. Abeilles sauvages, papillons, syrphes et autres coléoptères disparaissent cependant à un rythme effrénéHallmann CA, Sorg M, Jongejans E, Siepel H, Hofland N, Schwan H, et al. (2017) More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. PLoS ONE 12(10): e0185809. en raison, notamment, de la perte d’habitat et de l’usage massif de pesticides. 

En parallèle de ses combats liés aux pesticides, POLLINIS participe donc à la restauration des habitats et des écosystèmes agricoles en finançant la plantation de haies, grandes disparues des champs français. Depuis 1950, 70 % des haies des bocages de l’Hexagone ont en effet été arrachées, et la tendance s’accélère : entre 2017 et 2021, le rythme d’arrachage de haies, s’élevait, en moyenne, à plus du double (23 500 kilomètres chaque année) du défrichement mesuré entre 2006 et 2014. 

Cette transformation radicale des paysages agricoles menace directement les insectes et la biodiversité : un réseau dense de haies, constitué de différentes essences d’arbres et d’arbustes, de ronces ou encore de branchages, héberge de nombreuses espèces animales. Les haies sont particulièrement importantes pour les pollinisateurs, qui s’alimentent du nectar et du pollen de ses fleurs, et qui y nidifient également. 

En 2023, POLLINIS a conclu un partenariat avec l’association Des Enfants et des Arbres, qui invite chaque année des milliers d’écoliers à planter des haies dans des exploitations agricoles. Premier volet de ce partenariat : le financement, pendant l’hiver 2023/2024, de cinq chantiers de plantation auprès d’agriculteurs engagés dans la transition écologique. Second volet : la création de ressources pédagogiques pour sensibiliser les futures générations à l’importance des pollinisateurs et à l’urgence de restaurer des habitats qui leur soient propices.

« POUR MOI, IL EST IMPORTANT DE POUVOIR TRANSMETTRE AUX JEUNES GÉNÉRATIONS MA SENSIBILITÉ ET MON ATTACHEMENT À LA NATURE QUI NOUS ENTOURE EN PARTICIPANT À CE GENRE D’INITIATIVE TRÈS ENRICHISSANTE ET CRÉATRICE DE LIEN »

Mathieu Latutrie, maraîcher en cours d’installation à Castelnau-de-Montmiral, dans le Tarn.

RESTAURER LES PAYSAGES AVEC DES ÉCOLIERS

Des paysages agricoles défigurés

Depuis 1950, 70 % des haies – environ 1,4 millions de kilomètres – ont disparu des bocages français. « Sous l’effet conjoint du remembrement agricole et du déclin de l’activité d’élevage, la surface en haies et alignements d’arbres en France métropolitaine est en constante diminution », indique ainsi un récent rapport du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). 

Cette disparition des haies qui hébergent la faune locale et participent à la régulation des écosystèmes provoque un manque crucial d’habitat pour les pollinisateurs. L’arrachage d’arbres et d’arbustes au profit de l’agriculture intensive contribue à la standardisation du paysage agricole, et conduit à l’effondrement des insectes pollinisateurs, indispensables à la souveraineté alimentaire, et à l’ensemble de la biodiversité.

Effondrement de la biodiversité 

Depuis près d’un demi-siècle, de nombreux rapports alertent sur un déclin ahurissant du vivant. L’activité humaine menace d’extinction un nombre d’espèces sans précédent. Selon l’IPBES IPBES: Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques., en moyenne, environ 1 million d’espèces sont déjà menacées d’extinction en raison des activités humaines. Faute de mesures adaptées, ce taux global va encore accélérer alors qu’il est déjà au moins des dizaines voire des centaines de fois plus élevé que la moyenne sur les 10 millions d’années écouléesRapport de la plénière de l'IPBES - Septième session. Aux côtés des pesticides, la perte d’habitat représente l’une des premières causes de cet effondrement. 

L’arrachage des haies, véritables refuges pour la biodiversité, conduit à la destruction des ressources florales et des lieux de nidification pourtant nécessaires aux abeilles sauvages, aux papillons, aux syrphes, aux coccinelles, aux oiseaux et autres auxiliaires de cultures. Les populations et la répartition des insectes floricoles comme les papillons de jour, souvent représentatifs de l’état de conservation des milieux naturelsNaturefrance - Le service public d'information sur la biodiversité , s’amenuisent d’année en année. Chazara briseis, un lépidoptère mieux connu sous son nom d’Hermite, a connu le plus fort taux de recul dans l’Hexagone : alors qu’il était présent dans 69 départements de la métropole avant 2000, il n’est à présent observé que dans 24 départementsOPIE - Plan national d’actions (PNA) en faveur des papillons de jour.

Les haies, indispensables aux pollinisateurs et aux agriculteurs

En priorisant la plantation des haies, les agriculteurs contribuent de ce fait à la restauration des habitats naturels pour les pollinisateurs. La participation des écoliers à la plantation d’arbres et arbustes est d’autant plus cruciale car elle sert de cadre idéal pour les sensibiliser à l’importance des abeilles, des syrphes, des papillons et des coléoptères pour la biodiversité.

Les agriculteurs bénéficient aussi du service rendu par les insectes butineurs, puisque 75 % des espèces de plantes cultivées dans le monde dépendent au moins partiellement des pollinisateurs pour la production des graines. Alors que les rendements des agriculteurs diminuent en l’absence de pollinisateursCollège de France - CESCO - La pollinisation en milieu agricole, une forte densité d’insectes pollinisateurs améliore la rentabilité économique de leurs exploitationsINRA - CNRS - La pollinisation par les abeilles accroît la rentabilité des cultures de Colza

PLANTATION ET SENSIBILISATION

Pour s’assurer des bénéfices à long terme des haies pour les écosystèmes et les agriculteurs, chaque projet de plantation retenu par l’association Des Enfants et des Arbres est accompagné par une structure technique. Ce partenaire aide notamment l’agriculteur dans le choix des essences à planter, veille au respect des bonnes pratiques de plantation et assure un suivi de chaque chantier les années suivantes.

Les essences choisies sont ainsi adaptées aux écosystèmes locaux, et leur cycle de développement s’articule avec celui des populations d’insectes de la région. Les projets de plantation privilégient également des essences aux périodes de floraison diverses pour garantir une nourriture abondante toute l’année (ou presque) aux pollinisateurs.

Chaque projet de plantation comporte un autre partenaire local, à savoir une école proche du champ. Les écoliers participant à la plantation se trouvent généralement en troisième cycle (du CM1 à la 5ᵉ) et abordent, par ce biais, les enjeux de la transition agroécologique autant que le rôle des haies dans la protection de la biodiversité. En amont de la plantation, l’agriculteur est ainsi convié à présenter son métier aux élèves, le déroulement de la plantation et son importance pour la ferme.

Dans le cadre de son partenariat avec Des Enfants et des Arbres, POLLINIS développe ainsi des ressources pédagogiques à destination des enseignants souhaitant former leurs élèves à l’importance de la pollinisation, et aux rôles que jouent les haies dans la protection des insectes pollinisateurs.

Pollinis à Vic-la-Gardiole
Le 9 février 2024, l’équipe de POLLINIS a testé une première ébauche de ressource pédagogique lors d’une plantation de haies à Vic-la-Gardiole, dans l’Hérault. – ©Philippe Besnard.

« IL Y A ENTRE 3 ET 4 ESPÈCES D’ABEILLES [EN FRANCE] » ESTIME LE JEUNE LUCAS, UN PLANT DE CHÊNE VERT (QUERCUS ILEX) À LA MAIN. « 900 ! » RENCHÉRIT SON CAMARADE JUDE, ARMÉ D’UN TRANSPLANTOIR ET BIEN PLUS PROCHE DES 950 AUJOURD’HUI RECENSÉESAscher, J. S. and J. Pickering. 2020.

LES PARTENAIRES : UNE DIVERSITÉ D’ACTEURS

Depuis sa création en 2019, l’association Des Enfants et des Arbres œuvre à la restauration d’habitats essentiels pour les insectes pollinisateurs en invitant, chaque année, des milliers d’écoliers ou de collégiens à planter des arbres dans des fermes de leurs départements. En plantant des arbres et des arbustes avec les agriculteurs de leurs territoires, ces derniers découvrent, bottes aux pieds et transplantoirs à la main, les rapports étroits entre agriculture, respect du vivant et souveraineté alimentaire. 

Chaque projet de plantation est accompagné par un partenaire technique spécialisé (opérateurs agroforestiers, chambres d’agriculture, parcs naturels…) possédant des compétences en agroforesterie, utilisées selon les spécificités locales et les besoins des agriculteurs (haie brise-vent, favoriser la présence et la diversité des pollinisateurs…).

Les agriculteurs sont sélectionnés, chaque année, au travers d’un appel à projets : pour être soutenus par Des Enfants et des Arbres, les exploitations doivent avoir une portée nourricière, et les haies comporter au moins une centaine d’arbres. Autres engagements pris par les lauréats : un suivi des haies pendant au moins trois ans, et l’organisation d’une visite à l’école partenaire pour présenter aux élèves le chantier de plantation.

L’association travaille à cet effet avec le réseau d’enseignants Profs en transition, qui réalise une mallette pédagogique – à laquelle POLLINIS contribuera également – pour « créer des passerelles entre le contenu des programmes du 3ème cycle et les plantations agroforestières et scolaires ».

En quatre saisons, Des Enfants et des Arbres a ainsi planté 100 000 arbres avec la complicité de 14 000 enfants auprès de 310 agriculteurs (vignerons, maraîchers, éleveurs, apiculteurs, céréaliculteurs…), dans 71 départements. Marie-France Barrier, fondatrice de l’association et également réalisatrice, espère ainsi concrétiser les enseignements qu’elle vulgarise à travers ses documentaires : passer des paroles aux actes en s’engageant aux côtés des acteurs de la transition agroécologique. 

La lutte contre l’extinction des pollinisateurs est le socle du partenariat entre POLLINIS et Des Enfants et des Arbres. Lors de l’hiver 2023/2024, POLLINIS a financé cinq chantiers de plantations de haies dans des exploitations soutenant toutes une agriculture respectueuse du vivant (agroforesterie, agriculture biologique,…) et compte en financer deux fois plus la saison prochaine.

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Le 23 janvier 2024, une partie des équipes de POLLINIS s’est rendue à Castelnau-de-Montmiral, dans le Tarn (81), pour y rencontrer Mathieu Latutrie, maraîcher en cours d’installation qui accueille ce matin-là une vingtaine d’élèves de CM1 et de CM2, venus à pied depuis l’école du village. À la fin de la journée, 350 arbres et arbustes (tilleuls, cormiers, noisetiers, cornouillers sanguins…) auront été plantés et protégés par des manchons en chanvre. Un chantier financé par POLLINIS.

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Face aux élèves de l’école Aristide Tornier, Mathieu Latutrie donne ses consignes de plantation : prêter attention à la largeur et la profondeur du trou, à la droiture de l’arbre une fois déposé, tasser la terre doucement autour de l’arbre pour reboucher le trou… Ces travaux pratiques font suite à deux séances lors desquelles le maraîcher est intervenu en classe pour présenter sa ferme, le déroulement de la plantation à venir ainsi que les multiples services qu’apportent les arbres dans le paysage agricole.
Photos : © Philippe Besnard

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Mathieu Latutrie (à gauche) est accompagné dans ce projet par Tom Pesenti, conseiller en agroforesterie pour l’entreprise PUR. « Les haies peuvent avoir différentes fonctions, pouvant par exemple couper le vent ou attirer les pollinisateurs. Nous piochons donc parmi 150 essences d’arbres et d’arbustes pour répondre au mieux aux besoins de chaque agriculteur », détaille ce dernier.

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Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS, accompagne ici un groupe de quatre écoliers dans la plantation d’une des deux haies prévues pour la journée. La première se situe dans un verger-maraîcher et permettra de créer une continuité écologique entre deux forêts et d’augmenter la biodiversité, utile pour la lutte contre les prédateurs des cultures maraichères ou pour la pollinisation des arbres fruitiers.

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Une fois plantés, les arbres et les arbustes sont recouverts de manchons de protection en chanvre pour éviter les pertes dues, notamment, à la faune sauvage.

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« Pour moi, il est important de pouvoir transmettre aux jeunes générations ma sensibilité et mon attachement à la nature qui nous entoure en participant à ce genre d’initiative très enrichissante et créatrice de lien » explique à POLLINIS Mathieu Latutrie.

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Le deuxième linéaire est planté près des futures serres de la ferme. Ici, cette haie servira principalement de brise-vent pour protéger les cultures maraichères et les infrastructures de production. Elle est à cet effet construite sur plusieurs étages, avec des cépées, c’est-à-dire des arbres pouvant être taillés près du sol pour qu’ils repoussent plus densément, et des arbres de haut-jet comme le tilleul ou le cormier. Tom Pesenti indique ainsi où planter ces derniers à l’aide de piquets.

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Quelques semaines après ce premier chantier, les équipes de POLLINIS se sont déplacées à Vic-la-Gardiole, dans l’Hérault. L’occasion pour les écoliers, venus cette fois-ci en vélo, de découvrir les insectes pollinisateurs lors d’ateliers dédiés entre deux arbres plantés.

LES PROCHAINES ÉTAPES

Grâce à l’aide des donateurs de POLLINIS, cinq agriculteurs et agricultrices ont été soutenus lors de l’hiver 2023/2024, dans des exploitations certifiées biologiques ou en cours de conversion. POLLINIS doit encore :

  • Élaborer des ressources pédagogiques à destination des enseignants pour faciliter l’organisation d’ateliers sur la pollinisation, son rôle pour les écosystèmes et l’importance des haies pour les pollinisateurs ;
  • Continuer l’accompagnement des agriculteurs dans l’indispensable travail de restauration des paysages agricoles et la sensibilisation des écoliers à l’importance des pollinisateurs aux côtés de Des Enfants et des Arbres en finançant 2 fois plus de chantiers de plantations de haies lors de la saison 2024/2025.

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Le 23 janvier 2024, une vingtaine d’élèves de Castelnau-de-Montmiral (Tarn) se sont rendus, à pied depuis leur école, à la micro-ferme biologique d’un jeune maraîcher pour planter des haies.

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