Biotechnologies génétiques / Forçage génétique
Au congrès de l’UICN, POLLINIS défend un moratoire sur la dispersion d’espèces génétiquement modifiées dans l’environnement
D’ici au 15 octobre, les membres de l’UICN devront se prononcer sur un sujet fondamental : la place à accorder à la biologie de synthèse dans les stratégies de protection de la biodiversité. Face à la tentation de réécrire le code génétique des espèces sauvages - pour les rendre résistantes à certaines maladies, ou encore éradiquer des populations jugées indésirables - POLLINIS demande la suspension de l’usage de ces techniques, tant que leurs effets n’auront pas été correctement évalués.

« La science doit servir le Vivant, et non l’inverse ! » C’est ce qu’a rappelé Nicolas Laarman, fondateur de POLLINIS, à l’occasion d’une conférence de presse, donnée dans le cadre du congrès mondial de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) ce 10 octobre. Présente à Abu Dhabi pendant toute la durée des négociations, l’ONG se bat avec ses alliés pour faire adopter une motion, qui sera soumise au vote d’ici au 15 octobre, date de clôture du congrès.
Cette motion (appelée motion 133), soutenue par une centaine d’associations à travers le monde, vise à imposer un moratoire sur l’usage de la biologie de synthèse comme outil de protection de la nature. Concrètement, de plus en plus d’acteurs sont tentés d’utiliser la génétique comme solution pour lutter contre l’effondrement de la biodiversitéSelon l’IPBES, en 200 ans les extinctions d’espèces ont accéléré de 10 à 1 000 fois par rapport à leur rythme naturel., en modifiant le génome d’une espèce pour la rendre plus résistante à des maladies ou aux effets du réchauffement climatique, par exemple.
En avril dernier, la start-up américaine Colossal Biosciences a ainsi annoncé la naissance de trois louveteaux génétiquement modifiés pour ressembler au loup sinistre (Aenocyon dirus), une espèce éteinte depuis près de 10 000 ans. La firme se réjouit d’avoir « ressuscité » l’animal et aspire à restaurer l’espèce dans des réserves aux Etats-Unis.
Un moratoire nécessaire, pour laisser du temps à la science et aux responsables politiques
Si l’idée peut paraître séduisante, elle cache en réalité de nombreuses incertitudes et de potentiels risques, qu’il convient d’évaluer correctement avant toute dissémination d’espèces génétiquement modifiées dans la nature. C’est ce que défendent POLLINIS et ses alliés auprès des membres de l’UICN, en demandant l’adoption d’un moratoire.
« Nos cadres réglementaires n’ont pas été conçus pour gérer des organismes capables de se disséminer, d’évoluer et de franchir les frontières. Or, les abeilles, comme le vent et l’eau, ne s’arrêtent pas aux limites d’un pays. Les micro-organismes génétiquement modifiés qu’ils transportent dans une région pourraient avoir des effets dans une autre, sans aucun mécanisme international pour en gérer les conséquences », explique Nicolas Laarman.
Loin de vouloir freiner l’innovation, la motion 133 vise à remettre le principe de précaution au centre des discussions. Les membres de l’UICN peuvent encore prendre ce chemin, en votant ce texte qui donnera aux scientifiques et aux responsables politiques le temps d’encadrer la pratique de la biologie de synthèse et d’en évaluer les effets.