Pesticides / Justice pour le vivant
L’agrochimie vole encore au secours de l’État pour garantir son inaction, confirmée par le plan Ecophyto 2030
Phyteis, le lobby de l’agrochimie en France, a confirmé ce vendredi 3 mai sa volonté d’intervenir, en appel, dans le recours Justice pour le Vivant introduit par un collectif de cinq ONG contre l’inaction de l’État face à l’effondrement de la biodiversité en cours. Comme en première instance, l’industrie apporte son soutien au gouvernement pour assurer que rien ne change au modèle d’évaluation, d’autorisation et d’usage des pesticides en France. Le plan Ecophyto 2030, dévoilé aujourd’hui, symbolise les renoncements du gouvernement face à l’effondrement de la biodiversité.
Phyteis s’invite une fois encore dans le recours Justice pour le Vivant, cette fois-ci en appel, en déposant ce vendredi 3 mai un mémoire en intervention pour défendre les intérêts des géants de l’agrochimie (Bayer-Monsanto, Syngenta-Chemchina, BASF…), et voler au secours du gouvernement.
Après le jugement historique rendu le 29 juin 2023 par le Tribunal administratif de Paris, qui a reconnu la responsabilité de l’État dans l’effondrement du Vivant, et ses insuffisances dans l’évaluation des risques sur les pesticides – POLLINIS, Notre Affaire à Tous, ANPER TOS, ASPAS et Biodiversité sous nos pieds – ont fait appel devant la Cour administrative d’appel de Paris pour obliger l’État à corriger les failles du système d’homologation des pesticides. Le gouvernement, condamné à réduire l’usage des pesticides sur son territoire, a, lui aussi, fait appel de la décision, et vient de proposer un nouveau plan Ecophyto qui ne permettra pas d’enrayer l’effondrement de la biodiversité.
« Cette nouvelle intervention de Phyteis, prouve que le système d’homologation des pesticides mis en œuvre répond aux impératifs économiques des firmes de l’agrochimie – et donne un accès libre sur le marché à des substances toxiques au détriment de la protection de la biodiversité. Tant qu’une « coalition » agrochimie – État perdure et que le gouvernement s’enfonce dans l’inaction, nous continuerons à défendre devant la justice la biodiversité et les intérêts du Vivant » martèlent les associations.
Ecophyto 2030
Dans sa décision du 29 juin 2023, le tribunal a enjoint l’État à prendre avant le 30 juin 2024 « toutes les mesures utiles » afin de respecter les objectifs de réduction de l’usage des pesticides, notamment prévus par les précédents plans Ecophyto et pour protéger, comme la loi l’y oblige, les eaux souterraines des pesticides et de leurs résidus. L’appel de l’État refusant ce jugement ainsi que le contenu du plan Ecophyto 2030 démontrent son manque de volonté politique.
« Le plan Ecophyto 2030 annoncé aujourd’hui ne limitera pas suffisamment l’impact des pesticides sur la biodiversité, et ignore le jugement de Justice pour le Vivant, dénoncent les associations. Il n’intègre aucune amélioration de l’évaluation des risques des pesticides en France, dont le Tribunal administratif avait pointé les limites, se fixant des objectifs à un échelon européen qu’il ne maîtrise pas alors qu’il a la possibilité d’agir dès maintenant au niveau national ; et il choisit l’indicateur HRI1 – dont l’adoption a été saluée par Phyteis –, qui ne permettra pas de mesurer de réelle diminution de l’usage des pesticides, alors qu’il a été condamné à renouer avec les précédents objectifs de réduction ».
Une révision de l’évaluation des risques des pesticides est indispensable à toute politique de limitation de leur impact sur la biodiversité. C’est même une obligation, soulignée par un récent arrêt (C-308/22) de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Selon cet arrêt, l’État ne peut se contenter d’une évaluation des risques qui ne tient pas compte « des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale ».
En première instance, Phyteis avait défendu le gouvernement avec zèle et avait usé de la stratégie du doute afin de brouiller les cartes et nier, malgré les études scientifiques établies, le rôle majeur des pesticides dans le déclin de la biodiversité. Symbole fort : l’avocat de Phyteis était le seul présent pour défendre le gouvernement le 1ᵉʳ juin 2023 lors de l’audience. Joignant à nouveau ses forces à celles du gouvernement, Phyteis a demandé à intervenir et a produit un mémoire dans chacune des deux procédures en appel – l’appel des associations et celui de l’État. Les associations de Justice pour le Vivant ont pour le moment un mois pour répondre à ces nouveaux éléments.