Pesticides / Néonicotinoïdes
LOI BIODIVERSITÉ : LES AMENDEMENTS « STOP NÉONICS » DISCUTÉS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
L’examen en deuxième lecture du Projet de loi “Biodiversité” commence aujourd’hui en séance à l’Assemblée Nationale. Parmi les amendements déposés par les députés, 25 concernent les néonicotinoïdes. Les arguments avancés par les lobbies agrochimiques et agro-industriels sont bien présents. POLLINIS fait le point.

Les groupes PS, LR, UDI et Radicaux se sont mobilisés sur le sujet et formulent plusieurs propositions pour sécuriser, repousser ou encore supprimer l’interdiction des néonicotinoïdes. Certains proposent d’interdire les néonics en 2020, après les prochaines élections présidentielles, plutôt qu’en 2017 comme c’est prévu actuellement dans le texte du projet de loi, après la réintroduction de la mesure Stop Neonics lors de l’examen en commission.
Plusieurs députés PS, les mêmes qui ont réintroduit l’interdiction (Gérard Bapt, Delphine Batho, Geneviève Gaillard…), ont déposé des amendements qui maintiennent ou repoussent un peu l’interdiction des néonics, mais qui ont été modifiés pour tenir compte du compromis proposé par le gouvernement pour éviter un rejet pur et simple en séance.
Il faut avoir en tête qu’une majorité de députés espèrent encore supprimer purement et simplement l’interdiction des néonics sur la base des arguments avancés par les lobbies agrochimiques et agro-industriels : la mesure serait incompatible avec le droit européen ; elle risquerait de fragiliser les agriculteurs. Autant d’arguments contre lesquels POLLINIS s’insurge depuis les débats et qui sont très bien décryptés dans ce très bon article du Monde.
Voici le détail des amendements sur les néonicotinoïdes déposés par les députés (Amendements à l’article 51 quaterdecies) :
- Amendement N100 de Pascal Terrasse (PS) proposant l’interdiction pure et simple des néonicotinoïdes au 1er janvier 2017.
- Amendement N517 de Delphine Batho, Gérard Bapt, Geneviève Gaillard et leurs collègues PS : l’amendement repousse l’échéance au 1er septembre 2017 (au lieu du 1er janvier) et ajoute des “dérogations provisoires” concernant les pulvérisations foliaires de néonicotinoïdes “en cas de danger grave pour les cultures, dès lors qu’il n’existe pas de solution alternative”.
- Amendement similaire N161 de la rapporteure Geneviève Gaillard (PS) qui conserve l’échéance du 1er janvier 2017 pour l’interdiction des néonics, mais qui complète cette disposition en introduisant des dérogations provisoires pour les pulvérisations foliaires de ces substances en cas de danger grave pour les cultures, dès lors qu’il n’existe pas de solution alternative”
- Amendement N501 de Bertrand Pancher et de ses collègues UDI qui repousse l’interdiction des néonicotinoïdes en France au 1er janvier 2022.
- Amendement N502 de Bertrand Pancher et de ses collègues UDI qui repousse l’interdiction des néonicotinoïdes en France au 1er janvier 2020.
- Amendement N332 de Jean-Marie Sermier (R) qui propose de repousser l’interdiction des néonicotinoïdes en France au 31 juillet 2020.
- Amendement similaire N419 des Radicaux qui repousse l’interdiction des néonicotinoïdes en France au 1er janvier 2018.
- Amendement N68 de Dino Cineri et ses collègues LR : l’amendement vise à supprimer l’article 51 quaterdecies qui interdit les pesticides de la famille des néonicotinoïdes au 1er janvier 2017, sur la base d’un argumentaire reprenant les faux arguments des lobbies de l’agrochimie et de l’agro-industrie.
- Amendement N73 de Jean-Charles Taugourdeau, Pierre Morel à l’Huissier et M. Jean-Claude Mathis (LR) : amendement qui supprime l’interdiction des néonicotinoïdes, sur la base d’un argumentaire reprenant mot pour mot les faux arguments des lobbies de l’agrochimie et de l’agro-industrie :
- Incompatibilité avec le droit communautaire (article 44 du règlement européen qui fixe les modalités de retrait ou de modification des AMM)
- L’Anses ne préconise pas d’interdire les néonicotinoïdes – l’interdiction est vue comme “démesurée”
- Violation de l’article 71 du règlement 1107/2009 permettant aux États membres d’adopter des mesures d’urgence conservatoires et provisoires
- Risque d’un un recours en manquement contre la France, voué au succès, devant la Cour de justice de l’Union européenne.
- Amendement N328 de Jean-Marie Sermier (LR) : vise à supprimer l’interdiction des néonicotinoïdes sur la base d’un argumentaire reprenant mot pour mot les faux arguments des lobbies de l’agrochimie et de l’agro-industrie :
- Pas de solutions alternatives
- Impact sur la diversité cultivée
- La mortalité des abeilles a des causes multifactorielles et il n’existe pas de solution unique à ce problème
- “La protection des abeilles ne doit pas se faire au détriment des agriculteurs.“
- Amendement N385 de Jean-Louis Bricout (PS) : cet amendement propose une expérimentation sur une région donnée mesurant “les conséquences économiques, notamment en termes d’éventuelles pertes d’exploitation, d’une interdiction des néonicotinoïdes à compter du 1er janvier 2017, afin d’envisager le cas échéant la mise en place de mesures de compensation”. Avant de préciser qu’“En cas de risque avéré, à l’appui de nouvelles données le Gouvernement peut mettre fin à cette expérimentation“.
- Amendement N504 de Bertrand Pancher, Stéphane Demilly et leurs collègues UDI : cet amendement reprend la mesure de compromis proposée au Sénat (mesure d’encadrement) qui stipule que le gouvernement veille à faire appliquer l’avis de l’Anses du 7 janvier par voie réglementaire au regard des alternatives disponibles et de la production agricole des exploitants, et ajoute que “dans un délai de trois mois après la promulgation de la future loi le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures à prendre pour interdire toutes les utilisations des substances néonicotinoïdes au niveau européen, en mettant en place un moratoire sur ces pesticides”. Pour ces députés l’interdiction au 1er janvier 2017 des néonicotinoïdes n’est “pas une décision raisonnable”.
- Amendement N179 de Christian Jacob, Benoît Apparu et groupe LR : cet amendement vise à restaurer la version de l’article 51 quaterdecies adoptées par le Sénat c’est à dire la mesure qui dispose que le gouvernement tient compte de l’avis de l’Anses pour encadrer les néonicotinoïdes, au regard des conséquences sur les productions agricoles.
- Amendement N615 de Nicolas Bays (PS) : cet amendement vise à restaurer la version de l’article 51 quaterdecies adoptées par le Sénat au motif qu’interdire l’utilisation totale des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes reviendrait à conduire de nombreuses exploitations dans des impasses techniques”.
Grâce à la mobilisation exceptionnelle des citoyens et des électeurs qui ont fait pression directement sur les députés, la cause des abeilles, de l’agriculture et de la nature a énormément progressé en France ces derniers mois. C’est la grande leçon que nous pouvons tirer du débat qui a lieu en ce moment même à l’Assemblée Nationale. Ne lâchons rien : nous sommes en train de gagner ensemble la bataille des idées !