Biotechnologies génétiques / Nouveaux OGM
Nouveaux OGM : un règlement qui met en danger notre agriculture et notre alimentation
Nous, associations de protection de l’environnement et de la société civile, organisations d’agriculteurs, opérateurs de la filière biologique, dénonçons la proposition de règlement européen sur les plantes issues des NTG en cours de discussion, qui fait peser des risques majeurs sur l’agriculture et notre alimentation.
Alors qu’une troisième réunion du trilogue a lieu aujourd’hui, nous exprimons notre profond désaccord vis-à-vis de ce texte aux conséquences irréversibles, et des arguments trompeurs défendus par Copa-cogeca et Euroseeds dans une lettre publiée le 10 novembre 2025.
Rappelons d’abord que Copa-cogeca ne représente pas la voix de tous les agriculteurs, et encore moins leurs intérêts. En février dernier, plus de 200 organisations européennes, parmi lesquelles des représentants d’agriculteurs et de semenciers, ont signé une déclaration commune alertant sur les risques liés à la déréglementation des nouveaux OGM, notamment concernant les enjeux de la propriété intellectuelle.
Rappelons également que les plantes issues des nouvelles techniques génomiques sont des OGM, ce qui a été confirmé par un arrêt de la CJUE en juillet 2018Arrêt de la CJUE dans l’affaire C‑528/16, 25 juillet 2018.
De nombreux sujets sont particulièrement problématiques dans le cadre de la proposition de règlement en discussion :
Brevets
La question des brevets est primordiale dans les discussions en cours et n’est étonnamment pas mentionnée dans la lettre de Copa-cogeca et Euroseeds. En l’état actuel, elle pose pourtant des problèmes insolubles pour les agriculteurs, sélectionneurs et semenciers, mais aussi pour l’ensemble de la chaîne de production agricole et alimentaire.
En effet, en l’absence de publication des méthodes de détection et d’identification, d’accès à une information claire, transparente et exhaustive concernant les variétés dépendantes de brevets, de limitation de l’extension de la portée des brevets aux seuls produits issus de l’invention brevetée, et de protection en cas de contamination fortuite, accepter de déréguler les plantes issues des NTG, c’est accepter la dissémination incontrôlée et irréversible de gènes brevetés dans l’environnement. C’est accepter que les semences européennes deviennent un véritable “champ de mine”, notamment en raison de l’empilement des caractères brevetés et de la superposition des brevets. Ce sont deux phénomènes inéluctables puisque les industriels ne se priveront pas de breveter les plantes issues des NTG – et qu’ils revendiquent même ce droit, tout en affirmant en parallèle que ces mêmes plantes seraient semblables à des plantes issues de la sélection conventionnelle. Un paradoxe évident puisque ces dernières ne sont légalement pas brevetables.
Cela engendrerait de nombreux risques pour les agriculteurs, sélectionneurs et semenciers, en raison de l’extension abusive de la portée des brevets et des risques de poursuites abusives en contrefaçon, contre lesquelles ils ne pourront pas se défendre puisqu’ils auront la charge de la preuve, sans en avoir les moyens scientifiques ni financiers.
Les semenciers, en tout cas ceux qui en ont les moyens, devront négocier des licences avec les détenteurs de brevets. Les autres seront contraints de se faire racheter ou d’arrêter leur activité, puisqu’ils seront restreints dans leur accès aux ressources génétiques et subiront des contaminations croissantes. Face aux incertitudes juridiques, les agriculteurs pourront de moins en moins recourir aux semences de fermes ou aux semences paysannes.
Concrètement, le règlement amplifiera le phénomène de concentration du marché des semences, accompagné d’une augmentation du prix de ces dernières, déjà à l’œuvre à l’échelle internationale. A terme, c’est notre souveraineté alimentaire qui est menacée.
Risques
La proposition de règlement prévoit d’exempter la quasi-totalité des plantes issues des NTG des procédures d’évaluation des risques environnementaux et sanitaires : il n’y aura donc aucune protection, ni assurance, ni responsabilité, à cet égard, quoiqu’en disent Copa-cogeca et Euroseeds. Par son projet, la Commission européenne offre un chèque en blanc aux biotechs au détriment des semenciers, des fermiers, des transformateurs, des distributeurs et des consommateurs.
Pourtant, l’Anses a elle-même affirmé l’existence de risques potentiels sur l’environnement et la santé humaine que feraient peser les plantes issues des NTG et recommande par ailleurs une évaluation des risques au cas par casRapport sur les risques et enjeux socio-économiques liés aux plantes NTG, Anses, 2024.
Traçabilité et étiquetage
La traçabilité documentaire et son complément analytique (publication des méthodes de détection et d’identification) est indispensable pour protéger l’intégrité des filières biologiques et sans OGM, pour protéger les agriculteurs et semenciers en cas de poursuites judiciaires abusives (pour contrefaçon de brevets), et pour assurer un suivi post-commercialisation et un retrait des produits en cas de dommages environnementaux et sanitaires avérés.
L’étiquetage consommateur est essentiel pour préserver le droit à l’information et la liberté de choisir une alimentation sans OGM, principes inscrits dans la loi européenne. La grande majorité des consommateurs veulent que les OGM, y compris ceux issus des NTG, soient étiquetésModified food, modified rights? Why genetically modify organisms labelling must stay, Brussels Times, 2025.
Critères d’équivalence
Il est primordial de rappeler que les plantes issues des NTG de catégorie 1 ne sont pas similaires à celles issues de la sélection conventionnelle. La Commission européenne le prétend, mais c’est erroné. Plusieurs agences scientifiques européennes, dont l’Anses en France, ont d’ailleurs critiqué les critères d’équivalence de la Commission, mettant en avant leur manque de justification scientifique et l’absence de lien entre ces critères et le niveau de risque associé aux modifications génétiques généréesAvis relatif à l’analyse scientifique de l’annexe I de la proposition de règlement de la Commission européenne du 5 juillet 2023 relative aux nouvelles techniques génomiques (NTG) – Examen des critères d’équivalence proposés pour définir les plantes NTG de catégorie 1, Anses, 2023.
Concurrence
Il n’y a de concurrence déloyale que celle actuellement organisée par l’Union européenne (entre autres), en signant des accords de libre-échange qui font pression à la baisse sur les prix et sur les normes sociales et environnementales. Il est temps de réellement protéger les agriculteurs, sélectionneurs et semenciers, opérateurs, distributeurs et citoyens des effets dévastateurs de la libéralisation de l’économie qui s’accompagnera inéluctablement d’une concentration du secteur agricole au profit d’une poignée d’entreprises internationales. Pour cela, une première action indispensable est de s’opposer à la déréglementation des plantes issues des NTG telle qu’elle est prévue par la Commission européenne.
Nous attirons donc l’attention des décideurs sur le fait qu’il n’y a aucune urgence à accepter un texte bancal, risqué et inadapté, répondant uniquement à des promesses de laboratoire qui sont en décalage complet avec les urgences réelles auxquelles le monde agricole et l’environnement font face. Les solutions pour répondre aux défis écologiques sont connues : un changement en profondeur des systèmes agricoles basé sur les principes de l’agro-écologie, et entre autres des semences cultivées par les agriculteurs et adaptées aux conditions locales de culture, combinées avec des pratiques respectueuses et restauratrices du Vivant.
Signataires :
Confédération paysanne, Bastien Moysan, secrétaire national
Foll’avoine, Mireille Lambertin, Porte-parole
FNAB, Loïc Madeline, Co-président
France Nature Environnement, Antoine Gatet, Président
GIET, Frédéric Jacquemart, Président
La Maison de la Bio, Christelle Le Hir, Vice-présidente
OZO, Philippe Mouchette, Porte-parole
POLLINIS, Julie Sohier, Déléguée Générale
Réseau Semences Paysannes, Simon Bridoneau, membre du Bureau
Synabio, Didier Perréol, Président
Vigilance OGM Pesticides 16, Patrick Rivolet, Porte-parole
Vigilance OGM 46, Bernard Pesant, Porte-parole