LE PROJET : FAÇONNER UNE VALLÉE FAVORABLE AUX POLLINISATEURS

La Vallée de l’abeille noire prend racine sur un terrain de 20 hectares à Pont-de-Montvert, au cœur du Parc national des Cévennes, le long du Tarn. Initié par Yves Élie Laurent et Chantal Jean, apiculteurs, avec leur association L’Arbre aux Abeilles, ce projet agro-culturel et économique vise à réhabiliter ce territoire tout en offrant un cadre de vie sain et nourricier aux pollinisateurs.

Afin de créer un environnement favorable aux butineurs, il a fallu rouvrir un milieu abandonné depuis l’exode rural, débroussailler, replanter, greffer, et relancer la culture de plantes locales mellifères (butinées par les abeilles pour élaborer le miel). La plantation d’un verger composé d’essences anciennes et d’une prairie de fleurs sauvages mellifères permet aux abeilles de vivre en autonomie avec des ressources florales diversifiées et un périmètre de butinage non pollué par les engrais et les pesticides chimiques.

Grâce aux soutien des donateurs de POLLINIS, l’association a contribué financièrement et logistiquement à la mise en place de cette vallée, véritable havre de paix pour les pollinisateurs.

L'ENJEU : SAUVER L'ABEILLE NOIRE

Un pollinisateur irremplaçable

Apis mellifera mellifera est notre abeille locale. Installée depuis plus d’un million d’années dans le nord-ouest de l’Europe, l’abeille noire est la seule abeille à miel à avoir survécu à la dernière glaciation (achevée il y a 10 000 ans). Cette abeille, avec ses capacités extraordinaires de résistance et d’adaptation à nos climats et à nos plantes locales, est aujourd’hui menacée d’extinction. Comme beaucoup d’éléments de notre patrimoine biologique, elle a été malmenée par l’évolution des pratiques industrielles agricoles et apicoles.

Protéger notre abeille locale

Comme tous les pollinisateurs, l’abeille noire est victime de plusieurs facteurs : dégradation de son habitat naturel, pesticides, parasites et virus, espèces invasives… Elle est aussi victime de l’importation massive d’autres sous espèces d’abeilles et à l’hybridation qui en résulte : les abeilles issues de ces croisements sont inadaptées, fragiles et agressives.

Un sanctuaire pour les abeilles noires

Le précieux patrimoine de notre abeille locale est indispensable pour une véritable apiculture durable, qui puisse profiter aux générations futures. Pour éviter qu’il ne disparaisse, un Conservatoire de l’abeille noire a été mis en place dans les Cévennes dès 2008. La vallée compte aujourd’hui 150 colonies. C’est à partir de ce trésor vivant que s’est mis en place le projet de La Vallée de l’abeille noire : la construction d’un sanctuaire de l’abeille locale, au sein d’un paysage agricole mellifère et restauré, et un foisonnant modèle économique et culturel de développement.

« LA QUANTITÉ ET LA DIVERSITÉ DE FLEURS A DIMINUÉ, LE MENU DE L’ABEILLE S’EST TERRIBLEMENT APPAUVRI. ON PEUT PARLER DE MALBOUFFE DES POLLINISATEURS ».

Yves Élie Laurent, fondateur de La Vallée de l’abeille noire.

CE QUI A ÉTÉ FAIT

Fleurs, fruits et abeille : une histoire d’amour multimillénaire

Ont été plantés dans La Vallée de l’abeille noire des plantes et arbres à fleurs bénéfiques aux abeilles, notamment des arbres fruitiers anciens de la région – très résistants aux maladies et permettant de se passer de pesticides – qui ont été sauvés de l’oubli par l’association des Vergers de Lozère.Dans la partie forestière du lieu, la châtaigneraie, auparavant à l’abandon, a été progressivement rouverte avec le greffage de châtaigniers en espèces anciennes.

La ruche-tronc : témoin et passeur pour une apiculture plus durable

Les ruches-troncs, creusées à partir de troncs de châtaigniers, sont l’habitat traditionnel des abeilles cévenoles depuis des siècles. À l’intérieur, elles y mènent une vie très proche de l’état sauvage. En Cévennes, puisque le bois de châtaignier est imputrescible, on en trouve encore dans la région, à l’abandon ou restaurées.

La Vallée de l’abeille noire s’est dotée d’un rucher-tronc, à côté des ruches du Conservatoire. Elles ont été fabriquées avec l’aide  d’une association locale qui fait appel à des jeunes adultes en situation de handicap. Elles servent de témoins et de passeurs des pratiques apicoles respectueuses et durables qui ont permis à l’homme pendant des millénaires de coexister respectueusement avec l’abeille locale.

Sarrasin et fleurs sauvages : assurer le couvert aux pollinisateurs

Pendant trois ans, deux parcelles ont été dévolues à expérimenter une culture locale tombé en oubli, le sarrasin. Le nectar de cette plante mellifère possède une importante qualité nutritionnelle pour les pollinisateurs. Elle se cultivait autrefois sur des sols pauvres et acides, comme ceux de Lozère, et ne requiert ni désherbant ni pesticides.

Sa culture permet de produire pour les hommes une farine sans gluten, riche en protéines et en antioxydants, et du fourrage pour les animaux. Dans La Vallée, cette culture a permis de récolter jusqu’à 10 quintaux par hectare, sans traitement phytosanitaire ni irrigation. Mais, pour l’instant, faute d’avoir trouvé un porteur de projet désireux de reprendre et développer cette culture dans la vallée, les champs de sarrasin ont désormais fait place à une immense prairie fleurie.

19 variétés de fleurs sauvages mellifères y ont été plantées, parmi lesquelles des coquelicots, des bleuets, de la chicorée sauvage, de la vipérine vulgaire ou encore de la mauve musquée.

« C’EST TRÈS RASSURANT DE SAVOIR QUE SI AUJOURD’HUI ON A UN ENVIRONNEMENT SANS PESTICIDE ET DES PRATIQUES ADAPTÉES À LA BIOLOGIE DE L’ABEILLE, ON RETROUVE UNE SITUATION FAVORABLE POUR CE POLLINISATEUR. »

Chantal Jean, fondatrice de La Vallée de l’Abeille noire. 

LE RÔLE DE POLLINIS

Grâce aux dons de ses sympathisants, POLLINIS a pu apporter un soutien décisif au développement de La Vallée de l’abeille noire. Son aide financière a permis de concrétiser les différentes étapes du projet :

Payer le bail du terrain agricole et débroussailler.

Planter un verger, greffer et relancer la culture de plantes locales mellifères.

Installer des ruches supplémentaires dans le conservatoire.

Construire le rucher-tronc pédagogique.

Recueillir des données scientifiques : Ophélie Toudic, dans le cadre de ses études en génie biologique à l’IUT d’Avignon, avec l’appui de Lionel Garnery, chercheur au CNRS et spécialiste de l’abeille noire, ont étudié la diversité génétique de la population d’abeilles locales et les ressources mellifères du lieu. Le terrain a été analysé par des experts pour s’assurer de l’absence d’intrants chimiques dans les eaux et les sols, et pour mettre en place les conditions favorables à la plantation d’arbres fruitiers et à la culture de sarrasin.

Salarier une personne pendant un an et demi pour développer des partenariats locaux. 

LA VALLÉE ESSAIME

Ce foisonnant projet regroupe de nombreux acteurs : bénévoles, élus et collectivités locales, citoyens, apiculteurs, ingénieurs, propriétaires fonciers, agriculteurs…

Projet local, rayonnement national : quantifier l’intérêt des pratiques culturales et économiques favorables aux pollinisateurs

Le modèle qui se dessine, et qui doit être viable pour le territoire, est un modèle économique respectueux de la nature et des paysages, qui s’inspire des traditions.

À travers des stages et des journées de sensibilisation, la Vallée de l’abeille noire est déjà un lieu de transmission : amateurs, élèves ou étudiants y découvrent des pratiques agricoles en phase avec les pollinisateurs, et une apiculture respectueuse de la biologie de l’abeille noire.

Le projet s’insère aussi dans une dynamique de développement. L’ambition de La Vallée de l’abeille noire est de transmettre un modèle agro-culturel et écologique aux personnes qui, en Lozère et ailleurs, souhaitent mener des projets similaires, afin de développer ensemble une économie permettant la préservation des espèces locales et de l’environnement.

Un projet qui inspire d’autres initiatives

Comme POLLINIS l’espérait, le projet a prouvé qu’il était reproductible. Un projet d’éco-tourisme privé autour de la préservation des pollinisateurs est ainsi en cours d’élaboration sur le Causse de Sauveterre, avec la plantation d’une forêt mellifère.

Dans le Vaucluse, aux pieds du Mont Ventoux, la ville de Pernes les Fontaines a conclu un partenariat avec L’Arbre aux abeilles pour développer un conservatoire de l’abeille noire.  À l’initiative de François Vachet, apiculteur et ancien responsable de la communication de la mairie, une dizaine de ruches ont été installées en mai 2020 dans un espace naturel protégé de plusieurs dizaines d’hectares. En un an, ont été plantés thym, romarin, sauge, lavande, abricotiers, pommiers, amandiers, pruniers…

ET MAINTENANT ?

L’attrait éco-touristique de la Vallée de l’abeille noire a permis de sensibiliser les élus locaux, à commencer par ceux du Pont-de-Monvert, mais aussi des communes voisines (Communauté de Communes des Cévennes au Mont Lozère) à l’intérêt que représente ce type de projet pour le développement de leur territoire. Grâce à leur soutien, L’Arbre aux abeilles a même obtenu une aide de l’Union européenne, via son fonds Leader qui finance des projets de développement rural menés par des acteurs locaux.

Prochaines étapes : ceindre le verger d’une clôture anti-cervidés, rebâtir un abri agricole pour en faire un point d’information et de formation, mettre en place des panneaux pédagogiques sur chaque espèce végétale favorable aux pollinisateurs, acheter des tenues apicoles pour les visiteurs…

LES FONDATEURS

La vallée de l'abeille noireDepuis une dizaine d’années, Yves Élie LAURENT est retourné vivre dans la région de ses ancêtres, à Pont-de-Montvert, où il est apiculteur professionnel et conseiller municipal. Auparavant professeur d’allemand, traducteur à Hambourg, puis auteur et réalisateur de documentaires liés à la biologie des invertébrés et particulièrement des abeilles, aux pesticides, au monde paysan, à la flore et aux paysages des Cévennes… Il est lauréat du Muséum national d’Histoire naturelle et son dernier livre, « Chroniques des ruches troncs », paru en 2015, relate sa rencontre avec l’abeille noire.

Apicultrice pendant une trentaine d’années, Chantal JEAN a aussi été tour à tour éleveuse, ostéopathe équine, praticienne Shiatsu équin et humain, et intervenante de Tai Chi Chuan. Depuis 2008, elle participe avec Yves-Élie dans le cadre des activités de l’association à l’élevage des 250 ruches en apiculture traditionnelle dans différents lieux des Cévennes.

LES PARTENAIRES ET SOUTIENS

La Vallée de l’abeille noire revendique des liens humains puissants, une vie sociale riche, faite de transmission et d’entraide. Il compte donc de nombreux partenaires, notamment :

Cécile Reynes-Bridgens

Cécile REYNES-BRIDENS, présidente et fondatrice des Vergers de Lozère, un conservatoire de variétés locales. Cécile enquête pour retrouver des variétés perdues de pommes, poires, cerises, prunes, abricots… et propose des ateliers de greffe et de taille pour conserver ces savoir-faire. Son association a permis de sélectionner les variétés les plus adaptées à cette vallée au sol granitique et sableux qui retient peu l’eau, comme les pommes Djaleï ou Bouscasse du bayle.


Portrait Henri GiorgiD’abord apiculteur productiviste, Henri GIORGI promeut aujourd’hui une apiculture sédentaire et respectueuse de l’abeille. Il rénove et fabrique aussi des ruches troncs traditionnelles. Afin de transmettre ce savoir-faire, il organise des stages et a publié « Ruche-tronc. Une apiculture d’accompagnement des abeilles » en 2015.


VAN-minTous les bénévoles de l’association l’Arbre aux abeilles qui travaillent sur le terrain et font vivre ce projet.

Par son sérieux et son ambition de s’implanter dans le territoire,
La Vallée de l’abeille noire a gagné le soutien de l’Europe, de la Région et du Département de la Lozère, du Parc national des Cévennes et des communes autour du Mont Lozère.


DÉCOUVRIR LA VALLÉE DE L’ABEILLE NOIRE EN VIDÉO

POUR EN SAVOIR PLUS

Restaurer

Restaurer les ruchers-troncs des Cévennes

POLLINIS a participé à la rénovation de plusieurs ruchers-troncs, l'habitat traditionnel des abeilles à miel des Cévennes. Aujourd'hui, ce sont de véritables outils pédagogiques qui permettent de sensibiliser le public à l'importance de pratiquer une apiculture respectueuse des abeilles.

La

La Vallée de l'abeille noire : bilan d'un projet conservatoire inspirant

La Vallée de l'abeille noire, au cœur du Parc national des Cévennes, s'est imposée en quelques années comme un site de référence pour la conservation de notre abeille locale. Grâce au soutien des donateurs de POLLINIS, ce projet a pu grandir au point d'inspirer des initiatives similaires. 

Publication

Publication du livre « La Vallée de l'abeille noire » : retour d'expériences

Il y a plus de dix ans, Yves Élie s'était donné pour objectif de créer « le pays où les abeilles ne meurent pas ». Au cœur des Cévennes, grâce au soutien de POLLINIS, il a aménagé « La Vallée de l'abeille noire », à la fois site agricole et sanctuaire de l'abeille locale. De cette expérience, l'apiculteur a tiré un livre, publié en avril aux éditions Actes Sud.

Photos : ©POLLINIS – ©Yves Élie Laurent – ©Henri Giorgi – ©Vergers de Lozère – ©Philippe Besnard – ©Thierry Vezon