Dans les réserves naturelles françaises, la menace silencieuse des pesticides

Si plusieurs études pointent une pollution alarmante des réserves naturelles en Europe, la contamination de ces espaces essentiels à la biodiversité reste peu documentée en France. Depuis un an, POLLINIS parcourt le territoire pour réaliser des prélèvements dans ces zones protégées, à l’image de la réserve naturelle des Coteaux de la Seine qui a accepté de participer au projet.

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Date : 28 mai 2025
POLLINIS a réalisé des prélèvements dans le parc naturel des Coteaux de la Seine, pour mesurer la contamination aux pesticides.

En 2017, une étude allemande révélait un effondrement de 76 % de la masse des insectes volants dans plus de 60 aires protégées du pays, en l’espace de moins de 30 ansHallmann CA, Sorg M, Jongejans E, Siepel H, Hofland N, Schwan H, et al. (2017) More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. PLoS ONE 12(10): e0185809.. Un constat alarmant, qui démontre que les réserves naturelles – ces espaces où la faune, la flore et les paysages sont particulièrement préservés – ne sont pas épargnées par les contaminations aux pesticides.

En France, cette réalité reste pour le moment très peu documentée. Depuis un an, POLLINIS sillonne donc le territoire pour réaliser des prélèvements de sol et de plantes et mesurer leur contamination. Après s’être concentrées sur le sud du pays en 2024, les recherches se poursuivent en 2025, cette fois-ci en Ile-de-France, avec l’échantillonnage de trois réserves naturelles nationales.

Au mois de mai, Petra Roussel – docteure en physiologie et biologie des organismes et chargée de recherche scientifique à POLLINIS – s’est rendue dans la réserve naturelle nationale des Coteaux de la Seine, pour y prélever des échantillons. À l’ouest de Paris, à deux pas de la Normandie, la réserve longe une boucle de la Seine et s’étend sur 268 hectares.

  • POLLINIS a réalisé des prélèvements dans le parc naturel des Coteaux de la Seine, pour mesurer la contamination aux pesticides.

    La réserve naturelle nationale des Coteaux de la Seine abrite l’un des ensembles de pelouses calcaires les plus importants du bassin parisien. Les étendues d’herbe et de forêts de la réserve sont bordées de plusieurs exploitations agricoles, majoritairement céréalières. L’écrasante majorité utilise des pesticides. À l’échelle de tout le Parc naturel régional du Vexin Français, organisme gestionnaire de la réserve, seulement 3 % des surfaces agricoles sont cultivées en bio.

  • POLLINIS a réalisé des prélèvements dans le parc naturel des Coteaux de la Seine, pour mesurer la contamination aux pesticides.

    Dans cet espace exceptionnel, on recense plus de 500 espèces végétales, dont 13 protégées au niveau régional. Aux mois de mai et juin, on peut ainsi observer une multitude d’anacamptides pyramidales (Anacamptis pyramidalis), des orchidées aux fleurs violettes.

  • POLLINIS a réalisé des prélèvements dans le parc naturel des Coteaux de la Seine, pour mesurer la contamination aux pesticides.

    Plus de 300 espèces d’insectes ont été identifiées dans la réserve naturelle des Coteaux de la Seine. En 2007, une nouvelle espèce de cigale – la cigale fredonnante (Cicadetta cantilatrix) – y a même été découverte. Parmi tous ces insectes, on retrouve aussi de nombreux pollinisateurs, dont une grande variété de papillons. Ici, un argus bleu (Polyommatus icarus).

  • POLLINIS a réalisé des prélèvements dans le parc naturel des Coteaux de la Seine, pour mesurer la contamination aux pesticides.

    Pour mener à bien ses prélèvements, POLLINIS collabore directement avec les réserves naturelles échantillonnées. La conservatrice de la réserve naturelle des Coteaux de la Seine a ainsi sélectionné trois lieux aux caractéristiques différentes : une zone à proximité directe des champs, une zone séparée des champs par des bosquets, puis une zone de forêt plus éloignée des exploitations et proche d’une source.

  • POLLINIS a réalisé des prélèvements dans le parc naturel des Coteaux de la Seine, pour mesurer la contamination aux pesticides.

    Sur ces trois sites, Petra Roussel a effectué des prélèvements de sol et de fleurs. Les douze sachets récoltés sont confiés à un laboratoire accrédité, qui doit analyser la présence de 650 pesticides et métabolites dans chaque échantillon. Une fois l’ensemble des échantillons analysés, POLLINIS sera également en mesure d’identifier le risque d’exposition aux substances trouvées dans les prélèvements pour les pollinisateurs, grâce à un partenariat avec le département d’agriculture, des forêts et des sciences alimentaires de l’Université de Turin.