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Biotechnologies génétiques / Forçage génétique

EFSA et insectes OGM issus du forçage génétique : les termes biaisés du débat

Alors que des laboratoires envisagent de lâcher dans les champs des insectes OGM issus du forçage génétique – malgré les risques inédits et potentiellement dramatiques posés par cette nouvelle technique –, POLLINIS s'inquiète des termes utilisés par l’Autorité de sécurité des aliments de l’Union européenne (EFSA) dans une consultation publique.

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Date : 9 juin 2020

Préparant déjà un cadre règlementaire pour la mise sur le marché d’une nouvelle génération d’insectes OGM issus du forçage génétique (en anglais gene drive modified insects), la Commission européenne a demandé à l’Autorité de sécurité des aliments de l’Union européenne (EFSA) de déterminer dans quelle mesure les protocoles d’évaluation du risque des OGM traditionnels pouvaient s’appliquer à ces nouveaux OGM.

Inquiète de voir libérer dans la nature des abeilles et autres pollinisateurs génétiquement modifiés – en réalité, sans aucune maîtrise des conséquences –, POLLINIS a participé à la consultation publique ouverte par l’EFSA sur son travail d’évaluation et a envoyé ses commentaires le 24 avril dernier.

Doryphore (c) carolle - stock.adobe.com
Le doryphore, ses oeufs et ses larves sont une ressource alimentaire pour plusieurs autres espèces d’insectes parmi les coléoptères et les hémiptères. Lâcher dans la nature des doryphores modifiés par forçage génétique pour éradiquer les populations naturelles déséquilibrerait des pans entiers de l’écosystème. © carolle / Adobe

Disséminer dans la nature sans connaître les risques ?

L’association pointe les dangereuses conséquences de la proposition de l’EFSA. En effet, cette dernière reconnaît des « incertitudes » et des « risques inconnus » liés au forçage génétique. Elle note par ailleurs qu’aucun test en laboratoire ne permet d’évaluer les effets imprévisibles d’une dissémination de ces organismes modifiés dans la nature. Pourtant, elle envisage bel et bien cette dissémination, en l’accompagnant simplement de mesures d’atténuation (mitigation measures) et de checklists des risques éventuels (risk hypotheses and pathway to harm) pour limiter les risques « à un niveau acceptable »

Selon cette logique, donc, puisqu’il est impossible de connaître l’ensemble des risques en laboratoire, il faudrait immédiatement faire l’expérience dans la nature… même sans moyen d’anticiper des risques qui sont – de l’aveu même de l’EFSA – inconnus…  Les risques déjà connus incluent pourtant la modification irréversible d’espèces et des pans entiers de la biodiversité ou l’éradication de certaines populations animales. Des experts désignent d’ailleurs le forçage génétique comme une « technologie d’extinction »Forçage génétique – Introduction à une nouvelle technologie dangereuse qui menace les Africains. Rapport du groupe d’experts internationaux, ETC Group..

Dans ses commentaires, POLLINIS rappelle que, dans ces conditions, le principe de précaution impose d’interdire toute dissémination d’OGM issus du forçage génétique.

Une technologie imprévisible à garder confinée

Ces nouvelles technologies de « forçage génétique » (gene drive) permettent de lâcher dans la nature des organismes génétiquement modifiés qui vont, en se reproduisant avec leurs congénères naturels, imposer leurs modifications génétiques à toute leur descendance. De cette façon, ces modifications peuvent, en quelques générations, faire complètement disparaître les individus « naturels ».

Dans le domaine agricole, les premières applications envisagées de cette technologie comptent la libération d’insectes dits « nuisibles » modifiés génétiquement pour engendrer une progéniture stérile. Ainsi, en quelques mois, toute une population d’insectes pourrait être définitivement anéantie.

Les citoyens, absents du débat

Supprimer une espèce, même qualifiée de « nuisible », entraîne forcément un bouleversement de l’écosystème, avec de probables conséquences délétères insoupçonnées : occupation de la niche écologique laissée vacante par d’autres « nuisibles », disparition d’espèces dépendant de celle éradiquée (parce qu’elle constitue leur ressource alimentaire, par exemple), etc. La complexité des écosystèmes et la multiplicité des connections dans l’écosphère sont telles qu’aucune expérience scientifique ni aucune simulation n’est aujourd’hui capable de révéler tous les risques possibles.

Dans ses commentaires, POLLINIS estime enfin que le public doit impérativement être informé de ces nouvelles techniques génomiques qui pourraient bouleverser la faune, la flore et la santé humaine. L’association souligne que les citoyens doivent être impliqués dans ce débat qui touche à la nature même du vivant, aux côtés des biologistes et toxicologues, mais aussi de représentants des sciences sociales : sociologues, philosophes, éthiciens…