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Pesticides / SDHI

Boscalid : POLLINIS demande des comptes à la Commission européenne

Date : 19 juillet 2022

POLLINIS a demandé à la Commission de réexaminer sa décision scandaleuse de prolonger pour la cinquième année consécutive l’approbation du boscalid. Cette décision permet à l’agrochimie de commercialiser une année de plus ce fongicide SDHI, en dépit des risques avérés pour l’environnement documentés depuis l’alerte donnée par des scientifiques en 2017.

Le 2 juillet, POLLINIS a adressé une demande de réexamen interne à la Commission européenne visant à faire révoquer la prolongation de l’autorisation du boscalid dont l’approbation initiale a expiré en 2018. Cette substance active de la classe des SDHI est la plus utilisée en Europe, et l’un des pesticides les plus fréquemment détectés dans l’environnement et l’alimentation.

« Cette nouvelle prolongation – la cinquième depuis 2018 – est contraire au principe de précaution et à l’exigence d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, qui sont pourtant garantis tant par les traités européens que par la Charte des droits fondamentaux de l’UE et la réglementation européenne en matière de pesticides », rappelle Julia Thibord, responsable juridique de POLLINIS.

La demande de POLLINIS s’appuie sur le règlement Aarhus (article 10) qui confère aux ONG environnementales le droit de demander le réexamen interne d’un acte administratif lorsque ce dernier est contraire au droit de l’environnement, et, en cas de refus, de saisir la justice.

Approuvé en 2008 pour dix ans la période maximale le boscalid devait faire l’objet d’une réévaluation en 2018 par l’Agence sanitaire européenne (EFSA) afin d’obtenir un éventuel renouvellement de son approbation. Mais des retards inexpliqués ont entravé cette procédure de réexamen, poussant la Commission à prolonger année après année son autorisation.

Pour justifier ces prolongations, la Commission européenne estime que l’évaluation du boscalid a « été retardée pour des raisons indépendantes de la volonté des demandeurs » et qu’il y a donc « lieu de prolonger la validité de [sa] période d’approbation afin d’accorder le temps nécessaire à la réalisation de l’évaluation ».

Si la réglementation européenne prévoit la possibilité de prolonger, à titre transitoire, la durée d’approbation d’une substance en cas de retard dans la procédure de réévaluation, cette possibilité est en réalité utilisée par la Commission pour des durées excessives et de manière systématique pour pallier des retards chroniques dans les procédures. Ainsi, la décision contestée par POLLINIS prolonge la durée d’approbation de 41 substances en plus du boscalid, dont certaines pour lesquelles l’autorisation aurait dû expirer en 2015.

Pour respecter le principe de précaution, les extensions doivent obligatoirement rester limitées dans le temps et prendre en compte les risques potentiels pour la santé humaine et l’environnement. Alors que les autorisations sont données pour des durées de 10 ans, une prolongation de cinq ans constitue de facto une nouvelle autorisation.

En outre, ces prolongations automatiques n’incitent pas les demandeurs à faire preuve de diligence mais les encouragent, au contraire, à déposer des données incomplètes ou à fournir des informations complémentaires au compte-goutte afin de ralentir le processus d’évaluation, notamment pour les substances qui risquent de ne pas être renouvelées.

« La Commission a outrepassé ses pouvoirs en utilisant des prolongations de manière systématique, en contradiction avec le principe de précaution. Il est temps de mettre fin à cette mascarade et de suspendre l’approbation du boscalid, un SDHI dont les risques potentiels sur la santé humaine et l’environnement sont alarmants. » rappelle Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS.

Produits phares de l’agrochimie, les fongicides SDHI sont utilisés depuis les années 2000 en quantité industrielle pour tuer les champignons et moisissures dans les cultures européennes (blé tendre, orge, fruits et légumes …) etc. Commercialisé par BASF, le boscalid est supposé exercer une faible toxicité aiguë, mais sa toxicité chronique et ses effets sublétaux sur des espèces non ciblées telles que les abeilles, les vers de terre ou encore les cellules humaines, même à de très faibles concentrations, ont été démontrés scientifiquement.

Le report systématique de la réévaluation du boscalid est d’autant plus irresponsable que les connaissances scientifiques récentes montrent aussi que la toxicité des fongicides SDHI, dont le boscalid, est mal évaluée. Un article scientifique paru en 2019 a démontré que les conditions des tests réglementaires actuels de toxicité masquent un effet très important des SDHI sur des cellules humaines. Ces fongicides induisent un stress oxydatif dans ces cellules, menant à leur mort. Cet article montre aussi qu’au moins une des substances SDHI analysées est plus toxique pour les abeilles que pour les champignons qu’elle est censée cibler.

Alors que plus de 421 000 citoyens ont signé la pétition de POLLINIS demandant un retrait immédiat des fongicides SDHI, la Commission européenne doit cesser cette reconduction illégale et systématique de l’autorisation du boscalid et mettre à jour la procédure d’évaluation des risques des pesticides afin de réévaluer correctement les risques des SDHI et de leur mode d’action spécifique.