Pesticides / SDHI
En s’attaquant au boscalid, POLLINIS s’oppose aux prolongations des pesticides en Europe
Le 16 février 2023, POLLINIS a déposé un recours devant le Tribunal de l'Union européenne pour annuler la cinquième prolongation d’approbation du boscalid, un fongicide SDHI dont l’autorisation de mise sur le marché a expiré en 2018. Un cas loin d’être isolé : plus du tiers des substances actives pesticides autorisées dans l’Union européenne bénéficient à ce jour de prolongations indues – au mépris du principe de précaution.
Développé par le géant allemand de l’agrochimie BASF, le boscalid est un fongicide SDHI (inhibiteur de la succinate déshydrogénase) approuvé dans l’Union européenne depuis 2008. Conformément au règlement en vigueur, cette première autorisation a expiré dix ans plus tard, en 2018.
Sa réautorisation aurait alors dû passer par un réexamen de ses risques pour l’environnement et la santé publique, le boscalid a vu son approbation prolongée administrativement à cinq reprises – malgré les alertes scientifiques demandant l’application urgente du principe de précaution quant à l’utilisation des pesticides SDHI.
Face à cette prolongation abusive et répétée, et face au refus de la Commission européenne de revenir sur cette décision, POLLINIS a déposé, le 16 février 2023, un recours devant le Tribunal de l’Union européenne pour annuler la dernière prolongation en date du fongicide, accordée par la Commission européenne – en même temps que 49 autres substances actives – dans le règlement d’exécution (UE) 2022/708 du 5 mai 2022.
Les recherches menées par les équipes de POLLINIS sur le boscalid ont par ailleurs révélé une faille généralisée du système de réautorisation des pesticides en Europe. En effet, 118 autres pesticides de synthèse, parmi les 453 substances actives autorisées dans l’Union, bénéficient à ce jour de prolongations de leur mise sur le marché sans réexamen de leurs risques, au mépris du principe de précaution et des objectifs de protection de la santé et de l’environnement.
En cause, l’interprétation erronée que fait la Commission européenne de l’article 17 de la loi encadrant la mise sur le marché des pesticidesRèglement (CE) N° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil. Ce dernier prévoit, en cas de retard dans la procédure de renouvellement et si le retard est dû à « des raisons indépendantes de la volonté du demandeur », l’octroi d’une prolongation d’approbation pour une durée censée permettre de mener la réévaluation des risques.
Dans le cas du boscalid, les résultats de la réévaluation ne sont toujours pas disponibles cinq ans après la fin de son autorisation initiale, et au terme de cinq prolongations successives. La Commission a d’ailleurs elle-même reconnu, dans sa réponse à la demande de réexamen interne de POLLINIS, ne pas avoir enquêté sur le rôle qu’a pu jouer BASF dans l’ajournement du réexamen de son pesticide.
POLLINIS a également identifié, dans ces recherches, 35 substances actives ayant bénéficié, depuis 2011, d’une ou plusieurs prolongations d’une durée d’un à sept ans, pour être finalement interdites en raison de leurs risques avérés et/ou du manque de données pour mener à terme la réévaluation.
Insecticide particulièrement utilisé pour le colza en France, le phosmet a par exemple été approuvé par l’UE en octobre 2007 et interdit en février 2022, soit 4 ans et 4 mois après l’expiration de son approbation. Son interdiction a été justifiée par un haut risque pour les abeilles et les arthropodes non-ciblés, un risque reproductif pour les mammifères et les oiseaux, ainsi qu’un manque d’informations dans le dossier soumis par le demandeur. Entre 2018 et 2021, 1385 tonnes de phosmet ont été vendues en France.
Deuxième exemple, le bromoxynil, un herbicide approuvé en 2005. C’est en septembre 2021, soit 5 ans et 6 mois après l’expiration de son approbation, qu’il est finalement interdit en raison d’un risque pour les enfants résidant près des zones d’application (exposition non-alimentaire) et d’un haut risque pour les mammifères sauvages (exposition alimentaire). Entre 2016 et 2021, 283 tonnes de bromoxynil ont été vendues en France.
Herbicide appliqué sur les cultures de maïs, de soja ou encore de tournesol, le S-métolachlore a été approuvé en 2005. En mai 2022, la Commission européenne a prolongé pour la septième fois son autorisation de mise sur le marché. Ce 15 février 2023, l’ANSES a pourtant annoncé l’interdiction de ses principaux usages en France en raison de la contamination des eaux souterraines causée par la substanceANSES, 15 février 2023.S-métolachlore : vers l’interdiction des principaux usages pour préserver la qualité des eaux souterraines. – un risque que la Commission avait elle-même identifié dès 2004Le Monde, 15 février 2023. Les autorités sanitaires interdisent un herbicide majeur.. Entre 2016 et 2021, 11 432 tonnes de S-métolachlore ont été vendues en France.
En déposant un recours contre le boscalid, POLLINIS s’attaque à l’utilisation automatique et abusive des prolongations par la Commission européenne, qui continue de mettre en danger les pollinisateurs, la biodiversité et la santé publique.