Frelon asiatique
HeatNest : cinq années de recherches et d’ingéniosité pour freiner le frelon asiatique
En 2015, POLLINIS se lançait dans une aventure épique : trouver un moyen de détruire les nids de frelons asiatiques, prédateurs des abeilles, sans recours aux produits chimiques. Des prémices aux tests de terrain, la mise au point de l'appareil HeatNest aura nécessité patience, persévérance et beaucoup d'huile de coude.
Tout commence en 2013, lorsque Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS, et Hacène Hebbar, coordinateur des projets de l’association, font la connaissance de trois jeunes ingénieurs de l’École Polytechnique, Jérémie Laurent, Guillaume Losfeld et François Espinet. Fils d’un apiculteur également président du conservatoire d’abeilles noires des Cévennes, Jérémie suit de près les démêlés de son père avec le frelon asiatique. Il embarque ses camarades dans un projet de recherche audacieux : trouver un moyen de détruire les nids de ce prédateur des abeilles sans recours à la chimie de synthèse.
Convaincu de l’importance de ce projet, à la fois pour alléger la pression que fait déjà peser le frelon asiatique sur les ruchers, mais aussi pour réduire l’usage des pesticides, POLLINIS participe financièrement aux travaux.
Les bases du futur outil HeatNest, sont rapidement : il doit se fixer sur une perche télescopique et s’insérer dans le nid pour diffuser une chaleur intense. ©POLLINIS
Les principes fondateurs
Les ingénieurs misent sur une méthode naturelle, fondée sur le biomimétisme. Ils s’inspirent du « heatballing », la stratégie de défense adoptée par les abeilles asiatiques, qui jouent sur la différence de température létale entre elles et le frelon : les abeilles supportent en effet des températures allant jusqu’à 53 °C quand leur prédateur succombe aux alentours de 45°C. Elles s’agglutinent donc autour de leur assaillant et produisent de la chaleur en battant des ailes jusqu’à atteindre la température fatale.
Jérémie, Guillaume et François imaginent donc un outil qui se fixe sur une perche télescopique à hauteur modulable et qui s’insère dans le nid, où il diffuse une chaleur intense qui va « cuire » les frelons. Les bases de l’outil, qui sera nommé bien plus tard HeatNest, sont posées.
Un travail scientifique et technique de longue haleine
Le premier prototype, fondé sur une production de chaleur par infra-rouge et une diffusion de cette chaleur par ventilation, s’avère trop lourd et trop cher pour espérer une large diffusion auprès des désinsectiseurs. L’élaboration d’un tel outil prend du temps et les polytechniciens doivent passer la main, Hacène Hebbar reprend alors les rênes du projet.
Il estime que l’appareil doit répondre à quatre contraintes principales et être :
- simple, léger et facile à assembler ;
- facile à utiliser dans des conditions maximales de sécurité ;
- peu onéreux afin d’en faciliter l’usage par le plus grand nombre ;
- adapté aux cannes télescopiques dont les professionnels disposent déjà pour atteindre tous les nids, notamment à la cime des arbres.
Grâce aux dons des sympathisants de l’association, et à la persévérance de la petite équipe de POLLINIS, quatre prototypes vont successivement voir le jour. Le second utilise la projection d’air chaud comprimé. Cette méthode donne de bons résultats en laboratoire mais est moins efficace sur le terrain car il est difficile, pour traiter des nids situés à 20 mètres de hauteur, de conserver une bonne qualité de compression en continu avec les compresseurs d’entrée de gamme du marché.
L’équipe conçoit alors un prototype de troisième génération, combinant une résistance électrique et un ventilateur autonome. Plusieurs essais sont menés en France à l’automne 2018, avec des résultats encourageants. Mais, malgré une diffusion de chaleur contrôlée, un cas d’auto-combustion lente sur un nid met fin aux espoirs de POLLINIS : il faut trouver une nouvelle technique qui élimine tout risque de départ de feu.
Une percée décisive
Le quatrième prototype est mis au point, cette fois en utilisant de la vapeur : une chaleur humide et non plus sèche, mais tout aussi efficace dans la montée en température. Les tests en laboratoire sont très prometteurs et les expérimentations sur le terrain démarrent à l’automne 2019. POLLINIS conclut alors des partenariats avec des désinsectiseurs, des associations d’apiculteurs et des organismes publics qui sont dotés gratuitement de prototypes de l’appareil HeatNest.
« Cette dernière version du combiné air-vapeur a permis une destruction propre et efficace d’un nid de frelons très actif. C’est une première dans l’histoire de la lutte contre le frelon asiatique en France ! se félicite alors Hacène Hebbar. Cette méthode va permettre de respecter l’environnement ainsi que la santé des opérateurs et des riverains qui sont exposés à la chimie dispersée durant les opérations classiques de destruction ».
Ce test est rapidement confirmé par un autre essai à Rambouillet le 2 décembre 2020 : après l’utilisation du HeatNest, la population de frelons sortant du nid après le secouement des branches est passé de 60 à 10 au bout de 2 jours, et le nid n’indique plus de signe d’activité après 3 jours.
Mais la saison s’achève : les nids sont peu à peu désertés par les reines qui vont se nicher à l’abri du froid (fissures, creux de troncs d’arbres, sol…) pour passer l’hiver. Les mâles et les ouvrières mourront. Il faut attendre le printemps 2021 pour lancer une nouvelle phase du projet : Hacène Hebbar en profite pour mettre au point un nouveau prototype, encore plus léger et plus puissant. Prochaine étape : la signature de partenariats avec des collectivités et des groupements d’apiculteurs qui expérimenteront HeatNest tout au long de la prochaine saison.