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Frelon asiatique

HeatNest : cinq années de recherches et d’ingéniosité pour freiner le frelon asiatique

En 2015, POLLINIS se lançait dans une aventure épique : trouver un moyen de détruire les nids de frelons asiatiques, prédateurs des abeilles, sans recours aux produits chimiques. Des prémices aux tests de terrain, la mise au point de l'appareil HeatNest aura nécessité patience, persévérance et beaucoup d'huile de coude.

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Date : 9 avril 2021

Tout commence en 2013, lorsque Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS, et Hacène Hebbar, coordinateur des projets de l’association, font la connaissance de trois jeunes ingénieurs de l’École Polytechnique, Jérémie Laurent, Guillaume Losfeld et François Espinet. Fils d’un apiculteur également président du conservatoire d’abeilles noires des Cévennes, Jérémie suit de près les démêlés de son père avec le frelon asiatique. Il embarque ses camarades dans un projet de recherche audacieux : trouver un moyen de détruire les nids de ce prédateur des abeilles sans recours à la chimie de synthèse.

Convaincu de l’importance de ce projet, à la fois pour alléger la pression que fait déjà peser le frelon asiatique sur les ruchers, mais aussi pour réduire l’usage des pesticides, POLLINIS participe financièrement aux travaux.

test nature HeatNest

Les bases du futur outil HeatNest, sont rapidement : il doit se fixer sur une perche télescopique et s’insérer dans le nid pour diffuser une chaleur intense. ©POLLINIS

Les principes fondateurs

Les ingénieurs misent sur une méthode naturelle, fondée sur le biomimétisme. Ils s’inspirent du « heatballing », la stratégie de défense adoptée par les abeilles asiatiques, qui jouent sur la différence de température létale entre elles et le frelon : les abeilles supportent en effet des températures allant jusqu’à 53 °C quand leur prédateur succombe aux alentours de 45°C. Elles s’agglutinent donc autour de leur assaillant et produisent de la chaleur en battant des ailes jusqu’à atteindre la température fatale.

Jérémie, Guillaume et François imaginent donc un outil qui se fixe sur une perche télescopique à hauteur modulable et qui s’insère dans le nid, où il diffuse une chaleur intense qui va « cuire » les frelons. Les bases de l’outil, qui sera nommé bien plus tard HeatNest, sont posées.

Apis cerrana heatballing frelon - libre
Les abeilles asiatiques s’agglutinent autour d’un frelon et produisent de la chaleur pour venir à bout de leur assaillant : c’est la technique dite du « heatballing », mise au point par Apis cerana, l’abeille asiatique. DR

Un travail scientifique et technique de longue haleine

Le premier prototype, fondé sur une production de chaleur par infra-rouge et une diffusion de cette chaleur par ventilation, s’avère trop lourd et trop cher pour espérer une large diffusion auprès des désinsectiseurs. L’élaboration d’un tel outil prend du temps et les polytechniciens doivent passer la main, Hacène Hebbar reprend alors les rênes du projet.

Il estime que l’appareil doit répondre à quatre contraintes principales et être :

  •  simple, léger et facile à assembler ;
  •  facile à utiliser dans des conditions maximales de sécurité ;
  •  peu onéreux afin d’en faciliter l’usage par le plus grand nombre ;
  •  adapté aux cannes télescopiques dont les professionnels disposent déjà pour atteindre tous les nids, notamment à la cime des arbres.

Grâce aux dons des sympathisants de l’association, et à la persévérance de la petite équipe de POLLINIS, quatre prototypes vont successivement voir le jour. Le second utilise la projection d’air chaud comprimé. Cette méthode donne de bons résultats en laboratoire mais est moins efficace sur le terrain car il est difficile, pour traiter des nids situés à 20 mètres de hauteur, de conserver une bonne qualité de compression en continu avec les compresseurs d’entrée de gamme du marché.

L’équipe conçoit alors un prototype de troisième génération, combinant une résistance électrique et un ventilateur autonome. Plusieurs essais sont menés en France à l’automne 2018, avec des résultats encourageants. Mais, malgré une diffusion de chaleur contrôlée, un cas d’auto-combustion lente sur un nid met fin aux espoirs de POLLINIS : il faut trouver une nouvelle technique qui élimine tout risque de départ de feu.

Une percée décisive

Le quatrième prototype est mis au point, cette fois en utilisant de la vapeur : une chaleur humide et non plus sèche, mais tout aussi efficace dans la montée en température. Les tests en laboratoire sont très prometteurs et les expérimentations sur le terrain démarrent à l’automne 2019. POLLINIS conclut alors des partenariats avec des désinsectiseurs, des associations d’apiculteurs et des organismes publics qui sont dotés gratuitement de prototypes de l’appareil HeatNest.

Après plusieurs essais, le tout premier succès est enregistré en Octobre 2019 à Nantes avec une première version sur un nid très actif. L’outil est amélioré et le deuxième succès est enregistré le 24 novembre 2020, à Saint-Christophe-du-Ligneron (Vendée), sur un nid de frelons d’environ 80 cm de diamètre et situé sur une branche d’arbre à 9 mètres du sol. Le nid est anéanti sans attaque sur l’opérateur, ni fuite de frelons. Un protocole de suivi sur l’activité du nid est effectué avant et après l’intervention sur deux minutes : la population sortante a été divisée par 10, passant de 60 à 6 frelons, un résultat très impressionnant sur un temps aussi court.
HeatNest est un succès
Jean-Jacques Andrianada (droite) a conduit un test concluant avec HeatNest le 2 décembre 2020 à Rambouillet (Yvelines). Résultat : plus de signe d’activité dans le nid après 3 jours. ©POLLINIS

«Cette dernière version du combiné air-vapeur a permis une destruction propre et efficace d’un nid de frelons très actif. C’est une première dans l’histoire de la lutte contre le frelon asiatique en France ! se félicite alors Hacène Hebbar. Cette méthode va permettre de respecter l’environnement ainsi que la santé des opérateurs et des riverains qui sont exposés à la chimie dispersée durant les opérations classiques de destruction ». 

Ce test est rapidement confirmé par un autre essai à Rambouillet le 2 décembre 2020 : après l’utilisation du HeatNest, la population de frelons sortant du nid après le secouement des branches est passé de 60 à 10 au bout de 2 jours, et le nid n’indique plus de signe d’activité après 3 jours. 

Mais la saison s’achève : les nids sont peu à peu désertés par les reines qui vont se nicher à l’abri du froid (fissures, creux de troncs d’arbres, sol…) pour passer l’hiver. Les mâles et les ouvrières mourront. Il faut attendre le printemps 2021 pour lancer une nouvelle phase du projet : Hacène Hebbar en profite pour mettre au point un nouveau prototype, encore plus léger et plus puissant. Prochaine étape : la signature de partenariats avec des collectivités et des groupements d’apiculteurs qui expérimenteront HeatNest tout au long de la prochaine saison.


Retour en images sur 5 années de recherches qui ont abouti à la création de HeatNest.

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    Tout commence en 2013, avec trois jeunes ingénieurs de l’École Polytechnique, Jérémie Laurent, Guillaume Losfeld et François Espinet. Sensibilisé aux problèmes que son père, apiculteur et président du Conservatoire d’abeilles noires des Cévennes, rencontre avec le frelon asiatique, Jérémie embarque ses camarades dans un projet de recherche novateur : trouver un moyen de détruire les nids de frelon sans recours à la chimie. POLLINIS est convaincue de la nécessité de mener à bien ces recherches et aide financièrement les ingénieurs à poursuivre leurs travaux, grâce au soutien de ses donateurs.

  • Hyperthermie

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    Les premiers tests en laboratoire commencent. Ils montrent que les frelons n’ont pas de conduite de fuite coordonnée face à une exposition prolongée à la chaleur. Les ingénieurs décident de travailler sur le principe de l’hyperthermie : ils misent sur une méthode naturelle, fondée sur le biomimétisme, en s’inspirant du « heat-balling », la stratégie de défense adoptée par les abeilles asiatiques. Elles s’agglutinent autour d’un frelon et battent des ailes pour réchauffer l’air autour de lui, jouant sur la différence de température létale, pour le frelon dès 45 °C contre 53 °C pour les abeilles.

  • HeatNest historique

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    Le premier prototype est ambitieux. Une enveloppe gonflable fixée sur une perche télescopique vient englober le nid de frelons asiatiques et diffuse des magnétrons auxquels succomberaient proprement tous les frelons en quelques secondes sans possibilité d’attaques. Problème : le prototype fonctionne grâce à l’émission de micro-ondes chauffant l’eau contenue dans la matière exposée… L’émission de micro-ondes hors des habitations est réglementée, et le dispositif est difficile à mettre en œuvre.

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    Les ingénieurs se penchent sur une solution fondée sur les infra-rouges. Un tube de lampes infra-rouges avec de petits ventilateurs très puissants chauffe directement le nid et attire les frelons avec la lumière.

  • projet-anti-frelon-asiatique-pollinis-hacene-hebbar

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    En 2017, les polytechniciens passent le relais à POLLINIS. Avec la persévérance de la petite équipe réunie autour d’Hacène Hebbar, d’autres prototypes plus maniables basés sur l’injection d’air chaud puis de vapeur sont développés.

     

  • Frédéric Wets

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    Entre 2016 et 2019, de nombreuses expériences sont menées. Ces différentes expérimentations se déroulent au sein de l’incubateur d‘innovations industrielles parisien UsineIO, avec son directeur technique, Frédéric Wets.

     

  • Prototype air comprimé

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    Un nouveau prototype utilise la projection d’air chaud comprimé. Cette méthode donne de bons résultats en laboratoire mais s’avère moins efficace sur le terrain. Il est en effet difficile de conserver une bonne qualité de compression en continu lorsque l’on traite des nids à 20 mètres de hauteur avec les compresseurs d’entrée de gamme du marché, et POLLINIS veut développer une solution peu onéreuse.

  • Prototype air chaud

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    Hacène Hebbar conçoit alors un prototype de troisième génération. Ce nouveau-né combine une résistance électrique et un ventilateur autonome puissant pour diffuser de l’air chaud et sec dans le nid.

  • Essais terrain

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    Les deux premiers essais sur le terrain sont encourageants en termes d’efficacité, mais un cas d’auto-combustion lente sur l’un des nids se produit, malgré une diffusion de chaleur contrôlée pour l’éviter… POLLINIS cherche alors un moyen de contrôle plus efficace de la chaleur produite, et se lance aussitôt dans l’exploration de l’option vapeur.

  • Le plastique fond

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    Un nouvel inconvénient apparaît sur les prototypes créés grâce aux techniques d’impression 3D. Le plastique casse et fond lorsqu’il est chauffé trop longtemps, même lorsqu’il est prévu pour de hautes températures. La résine, elle, finit par se briser. Il faut donc tâtonner pour trouver un juste milieu entre les paramètres d’impression et l’exposition prolongée à la chaleur de certains des éléments du dispositif.

  • Nouveau prototype

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    POLLINIS poursuit les améliorations et met au point un nouveau prototype. Ce dernier mise sur la production de vapeur et non plus sur l’air sec. Un premier prototype muni d’une garde permettant de buter à l’entrée du nid pour ne pas le transpercer de part en part est élaboré. Et vite abandonné ! Ce système se révèle en effet peu maniable dans les branches.

  • Essais à Groix

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    À l’automne 2018, d’autres essais sont menés en France. Ils se déroulent notamment sur l’île bretonne de Groix, en compagnie de l’entomologiste américain Jeffery Pettis et de l’apiculteur Christian Bargain. Découverte : l’une des versions du prototype vapeur, de couleur noire, attire les frelons asiatiques, qui l’attaquent avec virulence !

  • Prototype vapeur

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    Cette fois-ci, c’est le bon. En 2019, le prototype HeatNest vapeur voit le jour.

  • HeatNest fonctionne

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    Octobre 2019 : 1er succès. HeatNest est testé à Nantes sur un gros nid et 4 jours plus tard, le constat est sans appel : il est totalement inactif. Larves et frelons cuits, tombés au sol sans aucun produit chimique, seront picorés par les oiseaux.

  • HeatNest est un succès

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    Le principe d’injection de vapeur dans les nids est validé, grâce à des tests réussis le 24 novembre 2020 à Saint-Christophe-du-Ligneron (Vendée) sur un nid de frelons d’environ 80 cm de diamètre, situé sur une branche d’arbre à 9 mètres du sol, et le 2 décembre 2020 à Rambouillet (Yvelines) sur un nid d’environ 60 cm. Ces deux essais ont été conduits par Jean-Jacques Andrianada, l’un des désinsectiseurs partenaires de POLLINIS. Dans les deux cas une diminution drastique immédiate de l’activité du nid, et totale après quelques jours seulement a été observée.

    PHOTOS : ©POLLINIS, sauf 1/15 ©E. Cadé


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