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Pesticides / Tests abeilles

L’embarrassant mutisme des États lors d’une conférence sur la protection des abeilles

Habitués à l'opacité qui règne sur les prises de décisions concernant les pesticides et les pollinisateurs, les pays européens se sont retrouvés sous le feu de projecteurs lors d’une conférence en ligne. Sommés de justifier le blocage des « tests abeilles », des protocoles permettant d'évaluer la toxicité des pesticides, une majorité de représentants a piteusement gardé le silence.

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Date : 22 octobre 2021

Pendant sept ans, les États membres ont gardé un silence coupable sur les raisons de leur blocage de la réforme des « tests abeilles », un ensemble de protocoles et d’instructions qui permettrait de connaître la toxicité réelle des pesticides avant leur mise sur le marché. Mais le 27 septembre, il a fallu sortir de l’opacité confortable qui règne sur ce dossier. Lors d’une conférence en ligne sur les pollinisateursConférence : « Bee Political: High quality environment for pollinators. », organisée par le Parlement européen, il a été demandé publiquement aux États membres de justifier de l’enlisement de ce dossier depuis 2013.

Invités avec insistance par le modérateur, l’eurodéputé Martin Hojsík, à exprimer leur position sur cette réforme indispensable pour enrayer l’extinction des pollinisateurs, les représentants des États membres présents n’ont pipé mot. « Il y a eu un silence total, personne ne s’est manifesté, personne n’a activé sa vidéo… », rapporte un observateur de POLLINIS, présent à la conférence.

Malaise palpable

Devant ce mutisme groupé, le modérateur relance à plusieurs reprises sans succès les représentants politiques, suscitant à la longue des commentaires ironiques de la part des autres participants, tels que l’association Buglife : « Quelle surprise, aucun des États membres n’est prêt à expliquer pourquoi ils ont bloqué la protection des abeilles pendant la dernière décennie ! », moque son représentant Matt Shardlow.

Acculés, trois pays (Belgique, Irlande, France) prennent finalement la parole pour détailler des mesures adoptées au niveau national sur la protection des pollinisateurs, mais sans s’aventurer sur les raisons du blocage des « tests abeilles ».

Faute d’interventions, la conférence a été clôturée trente minutes plus tôt que prévu.

« Je pense que les États membres avaient peur de la polémique car la société civile et des journalistes étaient présents, constate l’observateur de POLLINIS. Ils ne voulaient pas dire quelque chose qui aurait pu leur être reproché, et qui serait sorti dans la presse ».

Le malaise perceptible est à la hauteur de l’opacité qui entoure le processus de réforme depuis sept ans. Sous pression de l’industrie agrochimiquePOLLINIS, 2019. Pesticides et pollinisateurs : la Commission et les États membres sont-ils en train de céder aux pressions de l'agrochimie ?, inquiète de voir la commercialisation de ses produits toxiques entravée, les gouvernements européens n’ont jamais adopté ces nouveaux « tests abeilles », prolongeant jusqu’à aujourd’hui l’usage de tests obsolètes, et la mise sur le marché de pesticides toxiques pour les pollinisateurs.

Rendre des comptes

Malgré l’importance du dossier, les États membres n’ont jamais eu à justifier ce blocage devant les citoyens, grâce à la règle de confidentialité du vote en vigueur au sein du ScoPAFFPour Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed. , le comité technique européen en charge des questions liées aux pesticides. POLLINIS a demandé à la Commission l’accès aux minutes du SCoPAFF, mais celle-ci a plusieurs fois refusé, malgré le soutien de la Médiatrice européenne, arguant qu’il était important de « préserver le processus décisionnel ». En derniers recours, POLLINIS a donc attaqué la Commission pour tenter d’obtenir enfin ces documents – ce procès est en cours.

Afin de sortir le dossier des « tests abeilles » de son enlisement, la Commission européenne a finalement demandé en 2019 à l’agence sanitaire européenne (EFSA) de revoir son document de 2013, même si aucun élément scientifique ne justifiait une telle décision.

Les discussions ont depuis principalement porté sur le taux de « mortalité acceptable » des abeilles au contact d’un pesticide, l’EFSA recommandant un seuil maximal de 7 %. La décision a finalement été prise en juin 2021, non plus au sein de l’obscur SCoPAFF, mais lors d’une réunion officielle – et publique – des ministres de l’Agriculture européens, auquels la Commission avait transféré la discussion pour débloquer le dossier. Cette obligation de transparence a sans doute conduit au consensus sur un taux de 10 %, alors que certains États comme la Hongrie, la Grèce et la Belgique, espéraient obtenir 23 % , le chiffre réclamé par l’agrochimie.

Le processus de révision des « tests abeilles » se poursuit. En novembre, l’EFSA présentera un document d’orientation sur les objectifs de protection des pollinisateurs sauvages (abeilles solitaires et bourdons). Avec une nouvelle bataille de chiffres en perspective. Et peut-être un peu moins d’opacité.


Cet article vous a intéressé ? Vous pouvez signer notre pétition pour une adoption immédiate des tests abeilles tels qu’ils ont été préconisés par l’EFSA en 2013 :

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