Biotechnologies génétiques / Forçage génétique
L’INGÉNIERIE GÉNÉTIQUE CONTESTÉE LORS DU CONGRÈS MONDIAL SUR LA NATURE
Alors que la société civile demande un moratoire mondial sur les organismes génétiquement forcés, le Congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a voté une motion controversée questionnant l'utilisation des modifications génétiques pour la conservation de la nature.
Les membres de l’UICN ont approuvé cette motion décisive, qui ouvre la voie à un dialogue mondial sur l’avenir des nouvelles formes de cette ingénierie, appelée biologie synthétique, incluant les organismes génétiquement forcés. Ces organismes sont conçus de manière à pouvoir exterminer ou modifier définitivement les espèces, et pourraient altérer de manière significative les écosystèmes, avec des menaces imprévues et permanentes pour la conservation de la nature, la biodiversité, les peuples autochtones et les communautés locales.
« Le forçage génétique a la capacité d’exterminer ou d’altérer des espèces pour toujours, et de perturber ou de modifier de manière significative les écosystèmes dont l’humanité et la biodiversité dépendent pour leur survie », déclare Dr. Ricarda Steinbrecher, conseillère scientifique de ProNatura, membre de l’UICN. «Toute dissémination d’organismes génétiquement forcés risque de déclencher des effets domino écologiques aux conséquences négatives imprévisibles. »
En raison des restrictions de voyage imposées par le COVID-19 et du manque d’accès aux vaccins, de nombreux membres des pays du Sud n’ont pas pu participer au Congrès de l’UICN. « Cela est d’autant plus scandaleux que ce sont l’environnement et les habitants du Burkina Faso qui risquent de devenir les cobayes des tout premiers essais sur le terrain de cette dangereuse technique de forçage génétique. Les groupes de la société civile du Burkina dénoncent l’utilisation du forçage génétique pour la santé publique ou la conservation de la nature. Nous avons notre propre approche locale sur ces questions et nous ne soutenons pas le forçage génétique dans notre pays », déclare Ali de Goamma Tapsoba, président de l’ONG Terre À Vie, basée au Burkina Faso.
En adoptant d’importants amendements à la résolution 075, les représentants internationaux de la conservation ont reconnu qu’il existe d’importantes lacunes dans les données et les connaissances, ainsi que des problèmes éthiques, sociaux, culturels et écologiques non résolus concernant les technologies développées pour modifier génétiquement des espèces sauvages. La résolution 075 stipule que ces incertitudes nécessitent l’application du principe de précaution et doivent être prises en compte pour toute position que l’UICN pourrait décider d’adopter sur le sujet. À cet égard, les membres de l’UICN ont également convenu de donner la priorité aux perspectives, aux connaissances et aux droits des populations autochtones et des communautés locales dans leurs délibérations sur ces technologies au cours des trois prochaines années.
Mareike Imken, coordinatrice de la campagne européenne Stop Gene Drives, se félicite de l’engagement de l’UICN en faveur du principe de précaution et de son intention de favoriser une meilleure compréhension et un meilleur débat entre ses membres sur l’utilisation des techniques d’ingénierie génétique à des fins de conservation de la nature. « Un processus de discussion large et inclusif au sein de l’UICN sera crucial pour sensibiliser les membres de l’UICN au fait que l’altération des règles de l’évolution naturelle par l’application de la technique du forçage génétique apportera une nouvelle dimension d’intervention – et de changement irréversible – sur le monde naturel que l’UICN elle-même vise à préserver ».
Les négociations litigieuses autour de cette résolution ont provoqué une division entre les groupes de la société civile qui ont demandé à l’UICN de ne pas laisser le champ libre aux lâchers dans l’environnement des applications de la biologie synthétique, et les partisans du forçage génétique qui ont plaidé pour que la biologie synthétique, y compris le forçage génétique, soit acceptée comme un outil de conservation de la nature. L’un des partisans du forçage génétique, Island Conservation, membre de l’UICN, préconise d’utiliser le forçage génétique pour éradiquer les souris invasives sur les îles.
« Les promoteurs du forçage génétique prévoient de forcer génétiquement les mauvaises herbes résistantes aux pesticides afin de les rendre à nouveau sensibles à ces derniers. Ces informations, ainsi que des rapports sur le financement de la recherche sur le forçage génétique par la DARPA, indiquent que les principaux intérêts qui sous-tendent en réalité cette technologie sont ceux de l’agriculture industrielle et les intérêts militaires pour la biologie synthétique et le forçage génétique. Les propositions de conservation sont, en fait, des chevaux de Troie », déclare Dr Joann Sy, de l’ONG française POLLINIS, qui lutte pour la conservation des pollinisateurs et des insectes.
« Les communautés locales et les chercheurs ont besoin de ressources pour aider l’UICN à réaliser ce que la résolution exige – la pleine participation des populations locales à l’évaluation de cette technologie d’extermination potentiellement extrême », déclare le Dr Tom Wakeford, directeur pour l’Europe d’ETC Group, un groupe de réflexion qui a réalisé un important travail critique sur le forçage génétique.