fbpx

Pesticides

Pesticides : les pires déclarations du Salon de l’agriculture 2023

Après 80 visites officielles et 600 000 visiteurs, le Salon de l'agriculture vient de s'achever sur l'annonce d'un nouveau plan national de réduction des pesticides sans ambition. Alors que la transition vers un modèle agricole respectueux du Vivant est plus que jamais une urgence, POLLINIS revient sur les pires déclarations politiques de Christiane Lambert (FNSEA), d'Emmanuel Macron et d'Elisabeth Borne au cours de cette édition 2023.

CATÉGORIES :
Date : 7 mars 2023

Le Salon international de l’agriculture 2023 s’est clôturé ce dimanche 5 mars, après plus de 80 visites officielles et de nombreux débats sur le futur du secteur agricole français, dans la foulée des interdictions de certains pesticides toxiques (néonicotinoïdes et S-métolachlore).

Alors que l’ambition du nouveau plan Ecophyto de réduction des pesticides en agriculture annoncé lors du Salon reste incertaine, POLLINIS revient sur trois déclarations politiques qui véhiculent une vision préoccupante et inexacte de l’usage de la chimie en agriculture et de ses dommages sur la santé et l’environnement.

Des betteraves sans fleurs

Au sujet des insecticides néonicotinoïdes tueurs d’abeilles : « Les betteraves ne fleurissent pas, il n’y a donc pas de fréquentation par les abeilles. »

 

Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitant agricole (FNSEA), en conférence de presse trois jours avant le début du Salon – Public Sénat, 22/02/2023.

La déclaration de la présidente de la FNSEA sur la toxicité des néonicotinoïdes pour les abeilles méconnait le fonctionnement de ces insecticides particulièrement toxiques pour les pollinisateurs, que la Cour de Justice de l’Union européenne vient d’interdire définitivement, alors que la France continuait d’octroyer des dérogations pour les betteraviers. 

Si les 400 000 hectares de betterave sucrière en France sont considérés comme une culture non-attractive pour les abeilles, la floraison n’est pas le seul paramètre à prendre en compte pour mesurer l’exposition des pollinisateurs aux néonicotinoïdes.

Il faut notamment s’intéresser à la persistance et à la rémanence de ces molécules, qui peuvent rester plusieurs années dans certains sols. Les pollinisateurs sauvages, dont beaucoup nichent dans les sols (70 % des abeilles sauvages), sont ainsi particulièrement exposés, même en l’absence de culture mellifère.

L’exposition peut également avoir lieu en dehors du champ : concernant l’usage des néonicotinoïdes en enrobage de semence, la plante absorbe entre 1,6 et 20 % de la matière active utilisée – le reste se propage dans l’environnementRobin Sur, Andreas Stork, 2003. Uptake, translocation and metabolism of imidacloprid in plants. Bulletin of Insectology.

Bonmatin J-M., Giorio C., Girolami V. et al., 2015. Environmental fate and exposure; neonicotinoids and fipronil. Environ SciPollut Res.

Wood, T. J., et Goulson, D., 2017. The environmental risks of neonicotinoid pesticides: a review of the evidence post 2013. Environmental Science and Pollution Research
. Ces pesticides se retrouvent alors dans les sols, les eaux, la flore dans et aux abords du champ, affectant les lieux de vie et les sources d’alimentation de la faune, en particulier les pollinisateurs. 

Décisions autoritaires ou défaut d’anticipation ?

« On a eu récemment des décisions qui sont un peu tombées trop brutalement, on a mis des agriculteurs face à des oukasesDécision autoritaire, arbitraire et sans appel (Larousse), sans solution. »

 

Emmanuel Macron, lors de sa visite au Salon le samedi 25 février Le Monde, 28/02/2023. 

Le 15 février 2023, un avis de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) annonçait la prochaine interdiction des principaux usages de l’herbicide S-métolachlore en France, en raison de niveaux de contamination des eaux souterraines supérieurs aux critères fixés par la loi. Peu avant, le 19 janvier, la Cour de Justice de l’Union européenne déclarait illégales les dérogations octroyées par les États membres pour permettre l’usage de néonicotinoïdes dans les cultures de betterave.

Deux décisions certes récentes, mais non sans historiques. Dès 2004, rappelle Le Monde, la Commission européenne invitait les États membres de l’Union à « prêter une attention particulière au potentiel de contamination des eaux souterraines par le [S-métolachlore] et ses métabolites ». Concernant les néonicotinoïdes, ils sont interdits en France depuis 2016 (avec une tolérance jusqu’en 2018) et, pour la quasi-totalité, en Europe depuis 2018 (avec une tolérance jusqu’en 2020) en raison de leur toxicité pour l’environnement et la biodiversité. La décision de la CJUE est ainsi intervenue sept ans après la décision de la France d’interdire elle-même l’usage des néonicotinoïdes.

L’impossible surtransposition

« Je veux être claire : en matière de produits phytosanitaires, nous respecterons désormais le cadre européen et rien que le cadre européen » […] « Nous ne créerons aucune distorsion de réglementation pour nos producteurs, sauf en cas de force majeure, quand la santé publique est menacée (…) Notre approche est fondée sur la science et les avis des scientifiques. »

 

Elisabeth Borne, Première ministre, lors de sa visite au Salon le lundi 27 février – La Voix du Nord, 27/02/2023. 

L’idée d’une prétendue surtransposition en droit français de la règlementation européenne en matière de pesticides a largement circulé lors du Salon de l’agriculture. Propulsée par la présidente de la FNSEA, elle a été reprise par plusieurs personnalités politiques, dont la Première ministre Elisabeth Borne.

Si certaines substances pesticides – comme l’acétamipride, un néonicotinoïde – sont interdites en France alors que l’Union européenne les autorise, l’ONG Générations Futures souligne que la France fait partie des pays autorisant le plus grand nombre de substances actives sur son territoire. Si l’Union européenne permet l’usage de 455 substances, la France en autorise 291 et l’Allemagne 267. A titre d’exemple, le triallate, un herbicide, est utilisé en France pour différentes cultures (épinard, tournesol, betterave…), tandis qu’aucun produit contenant cette substance n’est autorisé en Allemagne

Les interdictions nationales vont parfois plus loin que le cadre réglementaire européen, insuffisamment protecteur en matières sanitaire et environnementale, et dont les processus d’évaluation des risques s’avèrent dévoyés. Plus du tiers des substances autorisées au niveau européen bénéficient actuellement d’extensions d’approbation, alors que leur autorisation initiale est parfois expirée depuis plusieurs années.

Suivre notre combat CONtre les pesticides tueurs d’abeilles