fbpx

Transparence et démocratie / Cellule Déméter

Procès de la cellule Demeter : les ONG apportent de nouveaux éléments

Jeudi 16 mars, POLLINIS et Générations futures ont déposé deux nouveaux mémoires qui démontrent à nouveau les problématiques de la Cellule Demeter. Pilotée par la gendarmerie nationale et chargée par le gouvernement de surveiller et poursuivre des actions critiquant l’agriculture conventionnelle, cette cellule est visée par deux recours en justice.

Date : 30 mars 2023

C’est un nouvel épisode dans le feuilleton judiciaire contre la Cellule Demeter condamnée une première fois en février 2022. Les associations POLLINIS, Génération Futures et L214, qui mènent deux recours contre cette cellule pilotée par la gendarmerie nationale pour « lutter contre l’agribashing et les intrusions dans les exploitations agricoles », viennent d’apporter dans le cadre des procès en appel de nouveaux éléments soulevant des problèmes dans le périmètre d’action de la cellule et dans son cadrage idéologique.

Fonctionnant en partenariat avec la FNSEA, le principal syndicat représentant les agriculteurs conventionnels, ainsi qu’avec les Jeunes Agriculteurs (JA), la Cellule Demeter a été enjointe à cesser ses activités de « prévention et de suivi des actions de nature idéologique » dans une décision du Tribunal administratif de Paris rendue en février 2022 et jugeant illégale l’attribution de ces missions à la gendarmerie. POLLINIS et Générations futures, qui auraient souhaité que cette décision aille plus loin et demandent la dissolution complète de la cellule, ont fait appel, tout comme le ministère qui refuse d’abandonner le suivi des actions de nature idéologique.

Dans le cadre de ces appels, POLLINIS et Générations futures ont soumis le 16 mars leurs arguments au tribunal dans deux mémoires. Parmi les nouvelles preuves démontrant les problèmes soulevés par le dispositif, un article de Marianne contenant une interview d’un conseiller politique de la Fédération Nationale de Chasse (FNC). Le lobbyiste y explique la façon dont la cellule Demeter intègre la chasse au cœur de son dispositif censé se limiter à l’agriculture, et éclaire la manière dont la gendarmerie semble fonctionner avec ses partenaires. « Bien sûr que Demeter sert aussi au monde de la chasse, c’est très pratique ! […] nous fournissons des informations, [les gendarmes] enquêtent, agissent, et nous tiennent au courant des avancées. Ça calme un peu les groupes violents. » déclare-t-il.

L’intégration de la chasse au périmètre des missions de la Cellule Demeter, présentée comme étant « intimement liée au monde agricole » dans un dossier de presse du ministère de l’Intérieur, montre que la cellule dépasse bel et bien le cadre agricole censé délimiter son périmètre d’action. Par ailleurs, le fonctionnement décrit dans cette interview laisse entendre que les partenaires initient les enquêtes de la cellule, en véritables donneurs d’ordre, alors qu’ils ne sont censés n’être des relais dans un système d’alerte. Ces deux signaux confirment que la cellule a pour rôle de protéger une vision de l’agriculture conforme à celle de ses partenaires et de brider la liberté d’expression des associations qui portent un discours différent.

Ce même article mentionne par ailleurs que la cellule est encore en fonctionnement, alors que le ministère avait indiqué « prendre acte » de la fin de certaines de ses activités. Un récent tweet, aujourd’hui supprimé, de la préfecture de la Haute-Marne au sujet d’une réunion de la cellule locale semble confirmer cette information.

POLLINIS dénonce ce dispositif depuis qu’il a été créé. Il risque d’entraver la liberté d’expression des opposants à l’agriculture industrielle et empêcher le changement nécessaire du modèle agricole dominant, principal responsable de l’effondrement des populations de pollinisateurs. Les clôtures d’instructions des deux recours sont respectivement fixées au 3 et 14 avril. Si elle n’est pas rouverte suite à des réponses de l’État, qui ne s’est toujours pas exprimé pour l’un des deux recours, une date d’audience sera alors fixée.