Transparence et démocratie / Opacité de l'UE
Transparence de l’UE : POLLINIS remporte un procès majeur contre l’opacité des délibérations sur les pesticides
Ce jeudi 16 janvier, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt capital pour la transparence de l’UE. Cette décision favorisera l’accès à l’information sur les délibérations concernant la régulation des pesticides et réduit l’opacité qui couvre aujourd’hui ces décisions. POLLINIS a lancé ce recours contre le refus de la Commission européenne de transmettre des documents du SCoPAFF, comité permanent au sein duquel des experts des États membres arbitrent des questions essentielles liées aux pesticides. POLLINIS dénonce l’influence de l’industrie sur ce comité qui, par ses décisions, participe à l’effondrement des pollinisateurs et de la biodiversité.
La Commission européenne ne pourra plus refuser, sans justification réelle, de donner accès à des documents sur les délibérations des États membres au sujet de la régulation des pesticides en Europe. Ce jeudi 16 janvier, la Cour de justice de l’Union européenne a donné raison à POLLINIS dans le cadre du recours qui l’opposait à la Commission européenne pour l’obtention de documents issus du SCoPAFF, et révélant les raisons du blocage de l’adoption de nouvelles procédures d’évaluation des risques des pesticides sur les pollinisateurs.
Ce comité permanent en charge des questions agricoles et alimentaires, présidé par la Commission et composé de représentants des États membres, occupe un rôle central dans les politiques européennes sur les pesticides, mais s’avère foncièrement opaque : les comptes rendus résumés ne donnent pas le détail des négociations, et les votes des États comme leurs positions sont tenus secrets. L’opacité du SCoPAFF permet aux États membres de ne pas rendre des comptes à leurs citoyens et fait du comité une cible stratégique pour l’influence des lobbys industriels.
Concluant une longue bataille administrative et juridique, cette décision de justice rappelle le principe d’un droit d’accès du public aux documents le plus large possible. La Commission ne pourra plus refuser l’accès aux documents sans justifier en détail les raisons d’un tel refus. Un verdict important pour la transparence européenne, qui permettra de limiter le secret qui entoure le SCoPAFF, d’accroître sa redevabilité et de freiner l’influence de l’industrie sur les politiques européennes.
Cette action en justice visait en effet à obtenir des documents pour lever le voile sur l’influence de l’industrie des pesticides sur le SCoPAFF dans le cadre du blocage de nouveaux protocoles d’évaluation des risques des pesticides pour les abeilles. Présentés par l’EFSA en 2013, ces nouveaux tests qui auraient pu mieux protéger les abeilles n’ont jamais été adoptés. La Commission avait fait appel d’un premier arrêt du Tribunal de l’UE qui avait déjà donné raison à l’ONG en septembre 2022.
CONSULTER LA DÉCISION DE LA COUR DE JUSTICE (résumé – décision complète)
CONSULTER LA NOTE D’INFORMATION SUR LE SCOPAFF
Selon la Cour de justice, la Commission n’avait pas de raison de refuser les demandes de l’ONG d’accéder aux documents révélant les positions des États membres sur ce sujet, cette demande ne risquant pas de porter atteinte au processus décisionnel. Dans le résumé de sa décision, la Cour précise notamment :
- Qu’il incombe à l’institution qui refuse l’accès à un document “de fournir des explications sur la manière dont l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception”. […] “Le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique”
- Que “la notion de « processus décisionnel » doit être comprise comme se rapportant directement à la prise de décision sans couvrir l’intégralité de la procédure administrative ayant abouti à celle-ci.”
- et que “la notion de « question sur laquelle [une institution] n’a pas encore pris de décision » ne saurait recevoir une interprétation si large qu’elle couvrirait tout document ayant trait à une question donnée”.
“C’est une véritable boîte noire qui s’ouvre. La Commission européenne ne pourra plus refuser sans justification les demandes d’accès aux documents concernant les délibérations portant sur la régulation des pesticides. Le SCoPAFF, ce comité technique aux pouvoirs surdimensionnés, ne doit plus continuer à prendre des décisions cruciales pour la protection des abeilles et de l’ensemble de la biodiversité dans l’opacité. La transparence est un préalable indispensable à la démocratie, elle doit permettre de renforcer la redevabilité des décideurs face aux citoyens européens et de mettre fin aux connivences d’un trop grand nombre d’entre eux avec l’agrochimie”, commente Barbara Berardi, directrice de la recherche et du plaidoyer à POLLINIS.
Cette décision de justice constitue une avancée cruciale. POLLINIS, et les 125 000 citoyennes et citoyens signataires de sa pétition, demandent à ce que l’exécutif européen aille plus loin et rende publics les votes et les arguments des États membres dans le cadre des négociations du comité. La transparence des travaux du SCoPAFF est un préalable indispensable à une démocratie européenne fonctionnelle et à des politiques environnementales et de santé publique efficaces.
Ayant obtenu 78 documents après le jugement en première instance, et s’appuyant sur d’autres fichiers et emails, POLLINIS a pu démontrer dans une enquête les accès privilégiés de l’industrie au SCoPAFF et l’influence exercée par l’agrochimie sur les positions de certains États membres dans le cadre du blocage des nouveaux “tests abeilles”.