Avec l’omnibus « sécurité de l'alimentation », l’Union européenne sacrifie le principe de précaution
L’Union européenne se vante de disposer d’une des législations les plus sûres au monde en matière de mise sur le marché des pesticides. Ce mécanisme, régi par le règlement 1107/2009, impose actuellement un protocole en deux étapes : les substances actives sont d’abord évaluées et autorisées au niveau européen, puis les pesticides contenant ces substances sont ensuite approuvées par les autorités sanitaires nationales.
À l’échelle de l’UE, les premières autorisations de substances sont délivrées pour une durée de dix ans. Les fabricants peuvent ensuite procéder à une demande de renouvellement qui, si elle est accordée, peut permettre d’autoriser de nouveau le produit pour une durée maximale de quinze ans.
Emprise de l’agrochimie, mise à l’écart des études scientifiques indépendantes, évaluations des risques incomplètes… Depuis de nombreuses années, POLLINIS dénonce les failles de ce système, qui n’empêche pas la mise sur le marché de pesticides toxiques pour la santé humaine, la biodiversité et l’environnement.
En théorie, le réexamen régulier des autorisations de mise sur le marché des substances actives permet de retirer des pesticides de la vente s’ils s’avèrent trop nocifs. Mais, en pratique, ce système souffre d’un engorgement qui permet à de nombreux produits de rester autorisés de longues années, par dérogation, même après la péremption de leur autorisation. Un phénomène dénoncé par POLLINIS, qui a récemment fait condamner la Commission européenne devant le Tribunal de l’UE pour les prolongations abusives d’autorisation d’une substance toxique pour les abeilles.
Pour pallier cette situation, Bruxelles propose de supprimer le problème, en permettant la délivrance d’autorisations de mise sur le marché illimitées pour les les substances actives qui composent les pesticides. Ce projet politique dévastateur est porté par la Commission européenne, dans le cadre de l’omnibus « sécurité de l’alimentation », un texte visant notamment à « simplifier » la réglementation entourant les pesticides. Depuis début 2025, sous couvert de simplification, l’Union européenne utilise ces lois dites « omnibus » pour détricoter des avancées, notamment écologiques, parfois en vigueur depuis des décennies.
Avec cette mesure, l’omnibus s’en prend à l’essence même du règlement européen qui encadre la mise sur le marché des pesticides, censé reposer sur le principe de précaution. Si elles avaient fait l’objet d’autorisations illimitées, plusieurs substances actives aujourd’hui interdites en raison de leur toxicité seraient probablement toujours en circulation. À l’image du chlorpyrifos, associé à une altération du développement du cerveau du fœtus et de l’enfant, ou encore l’imidacloprid, un pesticide tueur d’abeilles de la famille des néonicotinoïdes.
Le projet de la Commission européenne ne s’arrête pas là. Le texte contient une série de mesures, toutes destinées à fragiliser la procédure d’évaluation des risques des pesticides. Si l’omnibus sécurité des aliments était adopté, les États membres de l’UE ne seraient plus tenus d’évaluer les risques de ces produits à la lumière des dernières connaissances scientifiques avant de leur délivrer une autorisation, par exemple. Les pesticides définitivement interdits seraient également maintenus deux fois plus longtemps dans les champs, même s’ils soulèvent des « préoccupations immédiates concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement ».
Les citoyens sont de plus en plus nombreux à se mobiliser pour un monde sans pesticides. En 2020, ils ont été plus d’un million à soutenir une initiative citoyenne européenne (ICE) demandant la sortie complète d’un modèle agricole dépendant de la chimie, d’ici à 2035. Encore récemment, à l’été 2025, plus de deux millions de Français se sont mobilisés en un temps record contre la proposition de loi Duplomb et le potentiel retour de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, qui menace les abeilles et l’ensemble de la biodiversité.
Cette même pression populaire doit pousser la Commission européenne à renoncer à son projet d’omnibus. Dans ce contexte, POLLINIS appelle à la signature d’une nouvelle pétition, contre l’autorisation illimitée des pesticides, et s’active en coulisse pour convaincre les institutions européennes de renoncer à ce projet.
Pour empêcher la mise sur le marché de substances toxiques et enrayer l’effondrement du Vivant, POLLINIS plaide aussi plus généralement pour une réforme du système d’évaluation des risques des pesticides. L’association agit, aussi bien auprès des décideurs publics que devant la justice, pour permettre la prise en compte des dernières connaissances scientifiques indépendantes, ou encore pour la mise en place de protocoles de tests qui garantissent la protection des pollinisateurs.