Pesticides
76 ONG demandent la fin de l’exportation des pesticides interdits en Europe
Dans un courrier adressé à plusieurs commissaires européens et au vice-président de la Commission, 76 ONG demandent à l’Union européenne de bannir la vente de pesticides interdits en Europe aux pays tiers. Mais aussi de prohiber l’importation de produits agricoles contenant des résidus de ces substances nocives.
Aujourd’hui, des substances interdites par l’Union européenne à cause de leur dangerosité avérée pour l’environnement ou la santé humaine continuent d’être produites, stockées puis vendues à des pays non-européens, en grande majorité des pays en développement ou émergents. Ces pesticides interdits en Europe reviennent ensuite par la petite porte : on les retrouvent dans nos assiettes à la faveur de la mondialisation des marchés alimentaires.
Pour rompre avec ce cercle vicieux, 76 ONG, dont POLLINIS, demandent à la Commission européenne de mettre de l’ordre dans sa législation sur les pesticides.
En septembre dernier, les ONG Public Eye et Unearthed, la cellule d’investigation de Greenpeace UK, ont publié un rapport révèlant qu’en 2018, les pays européens avaient exporté de plus de 81 000 tonnes de pesticides contenant des substances interdites en EuropePesticides interdits : plus de 80 000 tonnes exportées depuis l’UE, dont un tiers par Syngenta.Public Eye. Bien qu’interdits au sein de l’Union européenne depuis 2007, des tonnes de paraquat, un herbicide extrêmement toxique, ou de dichloropropène, classé comme cancérogène probable, continuent donc d’être exportés vers de nombreux pays à législation moins protectrice contre les pesticides dangereux, mettant en danger la vie des agriculteurs et l’environnement.
Retour à l’envoyeur
Ces substances actives déversées dans les champs au Maroc, en Ukraine, en Russie, en Argentine ou encore aux États-Unis, reviennent en fin de chaîne dans les assiettes des Européens, qui importent massivement des denrées agricoles de ces mêmes pays. Au Brésil, ce sont plus de 500 tonnes de fipronil qui ont été exportées par la firme agro-chimique allemande BASF depuis la France, alors que cet insecticide interdit depuis 2013 en Europe a des effets catastrophiques sur les abeillesPhilippa J. Holder, Ainsley Jones, Charles R. Tyler, and James E. Cresswell, December 2018.Fipronil pesticide as a suspect in historical mass mortalities of honey bees.
Face à ce scandale, la Commission européenne a finalement adopté au mois d’octobre une stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques, un texte de cadrage qui s’engage à ce que les produits chimiques dangereux interdits dans l’Union européenne « ne soient pas produits pour l’exportation ».
Silence sur l’importation
Cet engagement, qui devra ensuite prendre la forme d’une législation, fait cependant l’impasse sur la question de l’importation des produits agricoles traités avec ses substances. Une lacune à laquelle la lettre des ONG adressée au vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, ainsi qu’aux commissaires européens Stella Kyriakides (santé), Janusz Wojciechowski (agriculture) Virginijus Sinkevičius (environnement) demande de remédier, citant l’exemple de la France.
En France, la loi Egalim adoptée en 2018 prévoit en effet l’interdiction à partir de 2022 de « la production, du stockage et de la vente de produits phytopharmaceutiques » contenant des substances interdites au sein de l’Union européenne, mais aussi la vente des « denrées alimentaires ou produits agricoles » contenant des substances prohibées en Europe.
Cette interdiction a été adoptée à l’issue d’une bataille serrée contre les lobbys de l’agro-industrie, qui n’ont eu de cesse de remettre en cause les dispositions de la loi pour pouvoir continuer d’exporter ces produits toxiques (plus de 7 600 tonnes en 2018).