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Protéger les abeilles / Protection juridique de Groix

Jeff Pettis explique la coexistence entre les abeilles de Groix et le varroa

Mandaté en 2019 par POLLINIS, l’entomologiste américain Jeff Pettis, a étudié pendant trois ans la cohabitation entre les abeilles mellifères de Groix et Varroa destructor, un acarien qui décime les colonies partout dans le monde. Les particularités environnementales de l'île de Groix couplées aux mécanismes d'adaptation spécifiques développés par les colonies expliquent cet équilibre hors du commun.

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Date : 19 janvier 2023

Arrivé en France en 1982, Varroa destructor est un acarien d’Asie du Sud-Est qui décime les colonies d’abeilles presque partout dans le monde. Pour lutter contre ce parasite, les apiculteurs traitent habituellement leurs colonies avec des produits chimiques de synthèse (Apistan, Apivar…) ou organiques (l’acide oxalique, potentiellement toxique à haute dose).

Mais au large des côtes bretonnes, les abeilles mellifères de l’île de Groix cohabitent avec le varroa sans que les apiculteurs de l’île n’aient recours aux traitements chimiques. En 2019, le conservatoire d’abeilles noires ASAN.GX et POLLINIS ont donc mandaté l’entomologiste américain Jeff Pettis pour étudier les mécanismes de cette cohabitation inhabituelle. 

Les conclusions de cette étude rassemblées dans un rapport scientifique, qui sera bientôt rendu public, confirment que les abeilles mellifères groisillonnes présentent une résistance particulièrement forte au parasite. Une cohabitation qui s’explique à la fois par les pratiques apicoles respectueuses des abeilles, l’environnement préservé dans lequel elles évoluent et la mise en œuvre de complexes mécanismes d’adaptation au sein des colonies. 

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En déposant les abeilles pendant plusieurs minutes dans un verre de sucre glace, elles se débarrassent des acariens qui sont ensuite recueillis et comptabilisés.

Groix : la mortalité moindre des abeilles à miel en l’absence de traitement

Pour documenter les raisons qui sous-tendent ce fragile équilibre entre hôte et parasite, Jeff Pettis s’est rendu à cinq reprises sur l’île entre 2019 et 2022. À chacune de ses visites, au printemps et en automne, le biologiste a collecté 300 abeilles dans 36 ruches d’apiculteurs groisillons partenaires du projetL’ASAN.GX et ses apiculteurs militent depuis plus de dix ans pour la protection de l’abeille noire de l’île de Groix. Ils travaillent avec des chercheurs du CNRS et avec d’autres conservatoires de la Fédération européenne des conservatoires de l’abeille noire (FEdCAN), dont elle est, comme POLLINIS, l’un des membres fondateurs.. Les abeilles prélevées ont ensuite été déposées pendant plusieurs minutes dans un verre rempli de sucre glace, afin de les débarrasser des acariens, qui sont ensuite recueillis et comptabilisés. 

Ce suivi régulier a permis de mettre en évidence la stabilité du nombre d’acariens présents dans les colonies de Groix. En effet, leur nombre n’augmente pas entre le printemps et l’automne (entre 5 et 10 parasites pour 100 abeilles), contrairement à d’autres régions (en Europe, en Amérique ou encore en Australie) où l’on constate une hausse exponentielle du nombre de parasites sur la même période. « Cela prouve qu’à Groix, les abeilles mellifères et les acariens coexistent plus stablement que dans la majorité des régions où le varroa sévit », conclut Jeff Pettis.

La mortalité des colonies y est également plus faible. En deux ans, seulement 13 des 36 colonies étudiées n’ont pas survécu, soit un taux de mortalité d’environ 18 % par an, bien inférieur aux 30 % de mortalité observés dans de nombreuses régions du mondeDan Aurell et al., 2020. United States Honey Bee Colony Losses 2021 – 2022Bee Informed,Honey Bee Research Association.

Les mécanismes d’adaptation des abeilles noires de Groix

« Les abeilles noires de Groix ont adopté différents mécanismes d’adaptation. Nous croyons que c’est cette combinaison de mécanismes qui explique leur résistance au varroa », détaille Jeff Pettis. 

Parmi les mécanismes relevés dans l’étude figure notamment des comportements d’hygiène. Les abeilles vont ouvrir et fermer les alvéoles pour en ôter le couvain mort, se toiletter ou nettoyer la ruche plus régulièrement. Ces procédés hygiénistes ont été observés dans la moitié des colonies étudiées, contre 30 % en moyenne dans le monde.

De même l’étude établit que près d’un tiers des acariens sont endommagés physiquement par les abeilles. « En récoltant les parasites qui tombent des ruches grâce à des feuilles cartonnées collantes placées sous celles-ci, nous avons pu constater des traces de morsure sur le corps des acariens », commente l’entomologiste. Il s’agit, pour ce dernier, d’un mécanisme d’adaptation qui contribue à la résistance des abeilles locales.

Ces différents comportements ne sont pas l’unique raison expliquant la coexistence entre les abeilles groisillonnes et le Varroa destructor. L’insularité a probablement joué un rôle. En les préservant de l’hybridation avec d’autres sous-espèces d’abeilles mellifères, elle leur a permis de conserver la robustesse propre à Apis mellifera mellifera), seule sous-espèce du continent européen à avoir résisté à deux glaciations. 

Un environnement quasi-exempt de pesticides et l’abondance de ressources florales font également de l’île un environnement particulièrement favorable aux pollinisateurs. L’étude a uniquement révélé d’infimes traces de 6 pesticides parmi les 270 testés dans la cire d’abeille de 6 ruchers et de 3 ruches sauvages. De même, l’apiculture pratiquée à Groix, caractérisée par l’absence de traitement et le peu d’interventions sur les ruches, participe à cette cohabitation entre les abeilles et l’acarien. 

« Nous savons maintenant que les abeilles de Groix survivent au varroa. Il s’agit désormais de mieux comprendre comment elles s’y prennent pour, à terme, encourager les apiculteurs à utiliser moins de pesticides », résume Jeff Pettis. Pour ce faire, l’entomologiste envisage de comparer l’abeille mellifère de Groix avec d’autres populations d’abeilles résistantes au parasite. 

Cette étude, financée grâce au soutien des sympathisants de POLLINIS, permet de documenter et de faire connaître la capacité naturelle des abeilles mellifères à cohabiter avec le parasite, lorsqu’elles évoluent dans un environnement propice et bénéficient de pratiques apicoles respectueuses. Elle doit permettre de proposer des pistes à plus grande échelle pour aider les apiculteurs du monde entier à lutter contre ce redoutable prédateur sans recours à la chimie. 

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