Pesticides / Néonicotinoïdes
LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE REJETTE LE RECOURS DE BAYER CONTRE L’INTERDICTION DES NÉONICOTINOÏDES
La Cour de justice de l’Union européenne a rejeté hier le recours de l’agrochimiste Bayer CropScience contre l’interdiction de trois néonicotinoïdes dans l’Union européenne en 2013. La CJUE a estimé que le principe de précaution justifait l’adoption de mesures restrictives en raison des risques que ces insecticides présentent pour les abeilles.
« Il s’agit d’une décision majeure pour l’avenir du système d’homologation des pesticides en Europe, analyse Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS. On constate que la seule fois où de nouveaux protocoles ont été utilisés pour connaître la toxicité réelle de pesticides – en l’occurrence les néonicotinoïdes – sur les pollinisateurs, ces tests ont mené à des mesures restrictives. On comprend bien pourquoi, en ce moment même, l’agrochimie fait tout son possible pour bloquer ou affaiblir ces “tests abeilles » ».
En effet, la Commission européenne, qui a étendu en 2018 l’interdiction des néonicotinoïdes, s’est fondée sur deux avis de l’EFSA, l’autorité sanitaire européenne, estimant que ces insecticides font peser des risques « inacceptables » sur les abeilles domestiques, les bourdons et les abeilles sauvages. Ces avis ont été rendus à la suite d’évaluations menées en suivant de nouveaux protocoles et lignes directrices établis en 2013 par un groupe d’experts indépendants mandatés par l’EFSA. Ces « tests abeilles » permettent de mettre en évidence la toxicité réelle des pesticides pour les pollinisateurs, notamment celle des molécules de nouvelles générations dont les effets ne sont pas pris en compte par les anciens protocoles.
Si l’arrêt de la CJUE vient confrmer la légalité de leur utilisation par l’EFSA pour rendre ses avis, les nouveaux tests, sous la pression de l’agrochimie et avec la complicité de certains États membres, n’ont jamais été adoptés offciellement, ce qui permet de garder sur le marché et d’autoriser de nombreux produits pourtant toxiques pour les pollinisateurs et dévastateurs pour la biodiversité.
Pour parvenir à un compromis et adopter enfn les « tests abeilles » de 2013, la Commission européenne orchestre actuellement leur « révision », qui permet à l’agrochimie de poursuivre ses manœuvres pour obtenir des tests plus permissifs, et ce dans une grande opacité. (POLLINIS a attaqué la Commission sur ce point : le procès est en cours d’instruction).
« Alors que la masse des insectes ailés a diminué de près de 80 % en moins de trente ans, l’Europe ne peut plus se permettre de céder face à l’agro-industrie, indique Nicolas Laarman. Les États membres doivent absolument s’opposer à ces manœuvres et doter l’Union européenne d’un système d’homologation en mesure de bloquer la commercialisation des pesticides qui précipitent l’extinction en cours des pollinisateurs ».