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Restaurer les paysages

Recommandations pour une agriculture favorable aux pollinisateurs

Il n'y a pas d’agriculture sans pollinisateurs : pas moins de 84 % des plantes que nous cultivons aujourd’hui dépendent des insectes pollinisateurs. Sans eux, la plupart des fruits, des légumes et des épices que nous consommons pourraient disparaître de nos assiettes, pour laisser place à une mono-diète de céréales.

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Date : 9 mars 2020

Les pollinisateurs sont les garants de notre souveraineté alimentaire, et pourtant, abeilles sauvages, papillons, syrphes et autres coléoptères disparaissent à grande vitesse : en 30 ans, ce sont plus de 75 % des insectes volants qui ont disparu d’Europejournals.plos.org.

Afin de protéger la biodiversité, certaines pratiques et méthodes permettent aux agriculteurs et agricultrices de s’affranchir de l’agrochimie et mettre en place une agriculture favorable aux pollinisateurs.

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Plus de 84 % de notre alimentation dépend de la pollinisation, un service inestimable qui, s’il disparaît, mettrait en péril notre capacité à nous nourrir.
© V. Chapuis/POLLINIS

Sortir des pesticides

C’est le principal objectif à atteindre. Les pesticides sont toxiques pour les butineurs et conduisent à leur disparition. Planter des haies ou semer des prairies fleuries est inutile si ces infrastructures finissent contaminées par les pesticides, apportés depuis les sols voisins par le vent et l’eau.

Implanter des infrastructures agroécologiquesosez-agroecologie.org

Ces milieux semi-naturels, sans engrais ni pesticides, comprennent une large palette d’éléments : prairies, pré-vergers, arbres isolés ou alignés, haies et lisières, bosquets, estives, parcelles agroforestières, bandes enherbées ou fleuries, jachères écologiques, couverts végétaux… Ces zones offrent le gîte et le couvert aux pollinisateurs sauvages, insectes indispensables pour la pollinisation de la majeure partie des plantes cultivées.

Préserver et planter des arbres pour les pollinisateurs :

Les arbres hébergent la faune locale, améliorant ainsi la biodiversité. Ils sont particulièrement importants pour les pollinisateurs, qui s’alimentent dans leurs fleurs et offrent un habitat pour les espèces xylicoles. Ils créent un environnement favorable, protégé de la pluie et de la chaleur.

  • Planter des essences localesPar exemple les plantes labellisées « végétal local » : fcbn.fr/vegetal-local-vraies-messicoles, adaptées au territoire et aux pollinisateurs locaux ;
  • Diversifier les essences, nectarifères et pollinifères, dont les périodes de floraison s’étalent de mars à octobre (noisetier, prunus, érables, châtaignier, pommier, merisier, poirier, tilleul, aulnes, bouleaux, ormes, saules, tilleuls, robiniers faux acacia…) ;
  • Laisser le lierre se développer sur les vieux arbres pour fournir des ressources florales jusqu’au début de l’hiver ;
  • Privilégier les plantes à tiges creuses ou à moelle (sorbier, sureau, framboisier) pour offrir des sites de nidification aux espèces xylicoles.

Les  nombreux services rendus par les arbres
• Ils hébergent les auxiliaires de cultures, qui assurent une régulation naturelle des bioagresseurs, (insectes, champignons, maladies…).

• Leurs racines permettent l’infiltration des eaux de pluie, contribuant au remplissage des nappes d’eaux souterraines et réduisant les risques d’érosion des sols en surface.

• Sources de bois d’œuvre ou de chauffage, et de fruits (châtaignes, noisettes, prunes, framboises, mûres, groseilles, etc.), ils assurent un revenu supplémentaire.
• Dans certaines régions, ils font office de brise-vent, protégeant les cultures et les animaux des intempéries. Ils créent un micro-climat qui rafraîchit l’air le jour et restitue la chaleur la nuit, avec des impacts bénéfiques sur la santé des animaux.
• La présence d’arbres limite l’évapotranspiration : jusqu’à 30 % de l’eau qui s’évapore habituellement est maintenue dans les plantes et les sols lorsque des haies boisées délimitent les parcelles.

Un entretien spécifique des haies :

  • Tailler les haies le moins souvent possible (une fois tous les trois ans, par exemple) et en hiver, pour maintenir le potentiel de floraison et minimiser les perturbations pour les pollinisateurswww.biodiversityireland.ie;
  • Utiliser un lamier plutôt qu’une épareuse, qui déchiquette le bois et favorise les maladies cryptogamiques (champignons) ;
  • Laisser du bois mort et des plantes sèches (ronces, ombellifères) qui seront appréciés comme espaces de nidification pour les pollinisateurs ;
  • Faucher la strate herbacée au pied des haies le plus tard possible (septembre, octobre…).

Des prairies pour les butineurs
noe.org
 :

Elles fournissent des habitats et de la nourriture aux pollinisateurs. Certains utilisent les tiges comme dortoirs, d’autres creusent leurs nids dans le sol.

  • Semer des légumineuses (luzerne, trèfles violets, trèfles blancs, etc.) qui sont mellifères ;
  • Privilégier les prairies naturelles, dont la flore correspond aux besoins des pollinisateurs locaux ;
  • Plus la prairie est maintenue longtemps (minimum cinq ans pour les prairies permanentes), plus la biodiversité augmente et plus les sols se régénèrent ;
  • Faucher après la période de floraison pour permettre aux pollinisateurs de se reproduire.

Les services rendus par les légumineuses :

• Leur introduction permet de réduire l’utilisation d’intrants azotés, voire de s’en affranchir, car elles fixent l’azote atmosphérique grâce à leurs nodules racinaires. Elles mobilisent aussi le phosphore et maintiennent un bon équilibre carbone/azote, favorable à la flore microbienne et régulent le développement de bactéries et de champignons.
• Elles assurent une autonomie en protéines végétales : l’Europe importe 35 % de ses protéines végétales, principalement du soja OGM issu de la déforestation de la forêt amazonienne. La culture de légumineuses permet de s’affranchir de ces achats des tourteaux de soja, palmistes etc., tout en gagnant de la plus-value agricole.
• Plus les cultures sont diversifiées, plus le stock de semences adventices (plantes non désirées dans les cultures) se réduit.

Les plantes compagnes et la flore spontanéewww.fcbn.frwww.cbnbrest.fr :

Les messicoles, dont le nom signifie « qui habitent dans les moissons », sont considérées à tort comme des mauvaises herbes : elles contribuent au fonctionnement des agroécosystèmes et hébergent les auxiliaires des cultures, parmi lesquels de nombreux pollinisateurs. Ainsi, l’anthocope du pavot utilise des pétales de coquelicot pour tapisser les parois de son nid. Les messicoles sont aussi source de nectar (genres Centaurea, Consolida, Delphinium et Viola) et de pollen (famille des papavéracées), et leur floraison s’étale dans le temps, contrairement à celle de la plupart des cultures.

Les prairies fournissent des habitats et de la nourriture aux pollinisateurs. © P. Besnard/POLLINIS
Les prairies fournissent des habitats et de la nourriture aux pollinisateurs. © P. Besnard/POLLINIS

Pratiquer une agriculture de conservation

Paysages mosaïques et petites parcelles :

En diminuant la taille des parcelles, on augmente les zones d’interface entre deux cultures. Ces  bordures peuvent être constituées de haies, de talus ou de bandes enherbées et fleuries. Elles forment des corridors écologiques qui favorisent le déplacement des pollinisateurs et leur l’abondancerspb.royalsocietypublishing.org. La distance de vol des pollinisateurs étant proportionnelle à leur taille, au-delà de 100 mètres les sites de nidification et les zones de butinage seront trop éloignéesAntonia Zurbuchen, Andreas Müller et Silvia Dorn, EPF Zurich, La proximité entre sites de nidification et zones de butinage favorise la faune d’abeilles sauvages, 2010..

Rotations longues et diversifiées :

Allonger et diversifier les rotations limitent le développement des bioagresseurs et des adventices, tout en intégrant des cultures favorables aux pollinisateurs comme le sarrasin, la caméline, le lin ou le tournesol, des cultures intermédiaires mellifèreswww.interapi.itsap.asso.fr ou des couverts de légumineuses (trèfles, luzerne, sainfoin, lupin, féverole, etc.) et des prairies, nécessaires pour régénérer les sols.

L’élevage de pollinisateurs : une fausse solution
Largement utilisé dans les serres hors-sol en milieu clos, le recours à des insectes pollinisateurs d’élevage, comme les bourdons ou les osmies, conduit à dépendre d’un service payant, qui est moins complet et moins efficace que la pollinisation assurée naturellement par les écosystèmes.

Moindre travail du sol : 

Les espèces terricoles représentent jusqu’à 70 % des pollinisateurs : elles nidifient dans le sol, dans des cavités déjà creusées, comme les trous de lombrics ou de petits rongeurs. Les femelles y déposent un ou plusieurs œufs, ainsi que du nectar et du pollen nécessaires à l’alimentation de leur progéniture. Les techniques de non labour permettent à ces espèces de survivre et de se reproduire dans les parcelles cultivées. Elles comprennent les techniques de conservation des sols (travail uniquement sur les dix premiers centimètres du sol) et le semis direct.

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Haies, talus, bandes enherbées et fleuries forment des corridors écologiques qui favorisent le déplacement des pollinisateurs et leur abondance.
© V. Chapuis/POLLINIS

Créer des réseaux

Expérimentations, échanges entre pairs et avec la recherche :

La recherche sur les pollinisateurs sauvages en est encore à ses balbutiements. Collecter des données sur les expérimentations permet d’évaluer quelles pratiques ont un impact positif sur les pollinisateurs.

Alternatives aux pesticides :

Les alternatives aux pesticides et les expérimentations favorables aux pollinisateurs, qui émergent du terrain, doivent être encouragées et développées. Elles permettront au plus grand nombre d’effectuer une transition agroécologique.

Communiquer sur ses pratiques, échanger avec les acteurs du système alimentaire dans lequel on est impliqué, permet de faire évoluer le système, et de montrer aux décideurs que des alternatives existent.

POLLINIS est partie à la rencontre d’agriculteurs et agricultrices qui montrent, par la pratique, que l’on peut cultiver autrement, et produire une alimentation de qualité tout en préservant la biodiversité. Le projet Terres de pollinisateurs révèle quels outils, quelles pratiques et quels leviers politiques ont permis à ces alternatives de voir le jour et aux agriculteurs de changer de modèle.