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Restaurer les paysages

Terres de pollinisateurs : rencontre avec Véronique Sandelion de la bergerie Enlauze

Véronique Sandelion se lance à 38 ans dans le métier d'agricultrice, en reprenant une exploitation de 48 hectares. Dans cette ferme du Tarn, à une vingtaine de kilomètres de Castres, Véronique élève des brebis Romane en pâturage tournant. Les cultures céréalières, les légumineuses et les prairies garantissent l'autosuffisance alimentaire de son troupeau.

Date : 9 mars 2020

Après une période en « agriculture raisonnée », la bergerie a acquis le label AB en 2018 pour rassurer les clients, un atout important pour la vente directe, atout clé de la ferme. « Je voulais à la fois voir naître mes agneaux et les livrer chez le client », explique Véronique.

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Véronique Sandelion a obtenu son brevet de technicien agricole à 16 ans, mais ce n’est qu’en 2009, à 38 ans, qu’elle se lance dans le métier d’agricultrice.
© V. Chapuis/POLLINIS

En dix ans d’exploitation, Véronique a vu le paysage se transformer sous ses yeux,  grâce à de nouvelles pratiques qui sortent du carcan conventionnel : « ici, l’environnement de la ferme a évolué, les brebis ont nettoyé, elles ont ouvert certaines zones. Quand il n’y a pas de brebis, ce sont des espaces qui se referment et il faut y aller avec des broyeurs après ».

Entretien réalisé en octobre 2018 par Victoria CARIO et Aurélie DELPY, étudiantes à Montpellier Sup’Agro, dans le cadre d’un PEI (Projet d’étudiant Ingénieurs) commandé par POLLINIS.

Devenir agricultrice

Comment s’est faite votre installation ?

Au départ, j’ai passé un brevet de technicien agricole. Mais à 16 ans, mon projet n’était pas du tout abouti, cela traduisait juste un rapport avec la nature, les animaux, la culture… Et puis après, j’ai fait un BTS en agroalimentaire et biotechnologie. C’est là que j’ai découvert le monde du « traitement des eaux ». Au travers de mes stages, j’ai été recrutée dans une entreprise qui, à l’époque, s’appelait la Compagnie générale des eaux – l’ancien nom de Veolia. Donc je suis allée là et ensuite dans une filiale chez Suez.

J’ai démissionné vers 35-36 ans parce que mon compagnon de l’époque avait trouvé du boulot à Castres. Pendant quelques années, on a fait des allers-retours, moi à Lyon, lui à Castres mais j’ai fini par démissionner pour le rejoindre. À Castres, je suis restée une période sans travail, puis j’ai fini par en retrouver dans un bureau d’études, où je travaillais sur toutes les problématiques de légionellose. Mais je n’ai pas réussi à me réintégrer dans un emploi salarié et cela m’a conduit à réfléchir à ma carrière professionnelle. Il se trouve que le département du Tarn se prêtait bien à l’installation en ovin. J’avais déjà la capacité agricole, de ce côté-là, il n’y avait pas de souci.

J’ai donc repris une formation agricole au lycée La Cazotte, en Aveyron. J’ai fait des stages chez des éleveurs et puis je me suis mise à chercher ma structure. J’avais 38 ans quand je me suis installée, j’étais un petit peu à une charnière au niveau professionnel.

L’agriculture, c’est quelque chose qui était dans la famille ?

Oui, bien sûr, il y avait des bases en Saône-et-Loire. Mes grands-parents étaient agriculteurs, mon frère est agriculteur, mes oncles, certains de mes cousins… J’ai vraiment été élevée dans un environnement où l’agriculture était présente. Les vacances c’était chez papi-mami, sur un tracteur, au milieu des moutons, des poules et des lapins…. Du coup c’est un métier dont je connaissais le quotidien, la difficulté mais aussi les avantages – parce qu’il y en a quand même !

C’était de l’élevage aussi dans la famille ?

Oui, c’était des éleveurs. Je suis née dans une région viticole, le Beaujolais ; j’ai travaillé dans les vignes quand j’étais étudiante, pour gagner ma vie, mais cela ne m’a jamais plu. Moi, ma motivation première, c’est l’élevage. Les cultures, j’en fais pour nourrir mes troupeaux mais ce qui compte avant tout, ce sont mes brebis.

Quand s’est faite votre installation ?

Je me suis installée officiellement le 1er novembre 2009, même si je suis arrivée sur place de façon informelle en septembre 2008. De septembre 2008 à novembre 2009, j’étais là, je découvrais les lieux sans être couverte par un contrat. Et puis début janvier 2009, j’ai fait un CEFIContrat Emploi Formation Installation, un contrat avec formation/installation que l’on signe avec les précédents exploitants. Eux s’engagent à transmettre leur savoir, et nous on a un projet d’installation.

Au bout de 10 mois de CEFI, je me suis dit qu’il était temps de m’engager dans ce métier en officialisant mon inscription au centre de formalités des entreprises. Le CEFI est un très bon compromis qui permet au repreneur de prendre connaissance des lieux et au cédant de se détacher progressivement même si, dans mon cas, le cédant n’était pas vraiment prêt à partir. C’était difficile de quitter un lieu de travail, mais aussi un lieu de vie où il avait grandi.

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Véronique a été élevée dans un environnement où l’agriculture était présente, avec des grands-parents, un frère, des oncles et des cousins agriculteurs. © V. Chapuis/POLLINIS

Présentation de la ferme

Quelle est la taille de votre exploitation ?

Je suis installée sur une exploitation de 48 ha certifiée en bio, même s’il n’y en a que 44 qui sont primables en PAC. Le troupeau est de 180 brebis, ce qui est inférieur à la moyenne départementale, qui est de 320. J’élève des brebis de la race Romane, qui ont une prolificité de 2,2 à 2,4 agneaux par brebis. Mais en réalité, la productivité, c’est-à-dire le nombre d’agneaux vendus, n’est que de 1,6 à 1,8 agneaux par brebis car il faut tenir compte de la mortalité, qui peut être importante dans un système en agriculture biologique. Je vends à peu près 250 à 300 agneaux chaque année, en vente directe car je ne travaille pas avec des grossistes mais uniquement avec des clients particuliers ou sur les marchés.

Quelle est la taille moyenne de vos parcelles ?

J’ai 48 hectares, divisés en 12 parcelles de 4 ha en moyenne. Mais ce n’était pas comme cela quand je suis arrivée, il n’y avait plus d’élevage sur l’exploitation. Il y avait eu des vaches avant, des vaches laitières puis des vaches à viande, des blondes d’Aquitaine. Et puis en 2003, il y a eu l’année de la sécheresse, et l’exploitant a rencontré des problèmes de santé, et donc il a liquidé les bêtes. Puis il a arraché des haies et regroupé les parcelles pour faire de la culture.

Et moi, quand je suis arrivée, j’ai récupéré de grandes parcelles, plus quelques petites. En revanche, j’ai intégré 8 ha de bois, de bois pâturés, clôturés. Petit à petit, ce dont je me suis rendue compte – et dont je n’avais pas forcément conscience au début –, c’est que Rome ne s’est pas faite en un jour, et qu’une exploitation agricole, une ferme, ça ne se met pas en place tout de suite.

Au bout de 10 ans, j’arrive à stabiliser un peu le troupeau, et avoir le temps et la disponibilité intellectuelle, matérielle, financière, pour réfléchir un petit peu mieux sur le parcellaire… Mais je n’ai pas planté de haies multi-étagées pour l’instant. Peut-être qu’à un moment donné, cela viendra. Les brebis ont énormément nettoyé de zones, donc peut-être que maintenant, là où avant il y avait des ronces, il serait possible de replanter des arbres pour avoir des haies.

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Le troupeau de Véronique compte 180 brebis, de race Romane, certifiées bio. Elle vend 250 à 300 agneaux chaque année. Cela se fait par vente directe uniquement.
© V. Chapuis/POLLINIS

Quels sont vos principaux ateliers ?

D’abord la viande ovine. Pour le reste, je suis en autosuffisance alimentaire, sauf une année comme celle-ci. Une année normale, je cultive orge, féverole et un méteil composé de seigle, triticale, orge, pois, vesse et féverole. Les agneaux comme les brebis mangent le méteil, que je réajuste en fonction de la ration, soit avec de la féverole pure soit avec de l’orge pur. Et puis il y a des moments où je ne distribue que de l’orge parce qu’au niveau azote, elles ont ce qu’il faut dans le pâturage.

Vous faites des rotations de culture ?

Alors je pratique le pâturage tournant, c’est un bien grand mot mais j’essaie. Par contre, comme les brebis pâturent l’hiver, elles dépriment les prairies, la pousse de l’herbe est décalée. Là où certains commencent à faucher le 15 mai, moi je commence vers le 10 juin. Je fauche et après, on est sur une herbe séchante. La deuxième fauche est réalisée par les brebis. C’est la ration sèche, c’est à dire foin, paille et grains ; orge, féverole, méteil. Il n’y a pas d’enrubannéHerbe conservée sous un film plastique à l’abri de l’air et présentée sous forme de brins longs., pas d’ensilageHerbe conservée en silo sous forme de brins fins.
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Quels types de semences ou de plants utilisez-vous ?

Ce sont des semences fermières, les miennes ou celles de mes collègues. On essaie de faire tourner. Pendant longtemps j’ai utilisé mes propres semences et puis maintenant j’essaie de réintégrer de nouvelles graines. Mais dans tous les cas ce sont des semences fermières. Ce sont des semences locales.

Et pour les brebis, c’est local aussi ?

Je n’ai qu’une race de brebis, la Romane, et ce n’est pas une locale. Elle s’appelait avant INRA 401, c’est dire… Bon, elles ne sont pas OGM non plus, il ne faut pas exagérer ! En fait, c’est un croisement de deux races: Romanov et Berrichon du Cher. La Romanov, c’est une brebis qui est très prolifique et très maternelle. La Berrichon du Cher, c’est une race bouchère, donc beaucoup plus ronde, plus adaptée mais une race plus lourde, plus herbagère. Ils ont croisé ces deux races et sélectionné les filles les plus productives. Ils ont commencé ce travail-là dans les années 70, 75. Ça répondait à un besoin de produire des agneaux. Ils ont stabilisé la race une vingtaine d’années après. Moi, je suis dans un département où on a beaucoup de race Lacaune, mais je ne voulais pas m’installer avec des Lacaunes, j’avais besoin d’une race qui soit rustique, qui soit maternelle et comme j’étais sur une petite structure, j’avais besoin de sortir beaucoup d’agneaux avec un petit troupeau. Donc la race Romane, sur le papier, elle répondait à tous mes critères.

Après, en pratique, c’est une race dont le gabarit me convient, elle fait 65-70 kg. En gestation, elles peuvent monter à 80, mais on n’est pas sur des Rouges de l’ouest qui peuvent monter à 80 kg hors gestation. On est sur des brebis qui s’adaptent parfaitement bien à la bergerie ou au plein air, qui vont pâturer dans les bois, ça ne leur pose pas de souci… C’est vrai que leur premier nom de baptême n’est pas super, je ne rentre pas vraiment dans la case du bio comme avec des races rustiques type Rouge du Roussillon mais bon… La diversité, elle peut être dans la nature mais aussi dans les structures qu’on rencontre…

Comment organisez-vous vos rotations ?

J’ai une rotation sur 7 ans : 4 années de prairies et 3 années de cultures. Quand je sème une prairie, c’est une multi-espèces : graminées, légumineuses avec, encore, multiplication des espèces pour chaque graminée et chaque légumineuse. En général, c’est une année de féverole, une année d’orge et une année de méteil. La féverole améliore beaucoup la structure du sol en fait donc, derrière, quand on travaille sur un orge, c’est plus souple, beaucoup plus agréable. Si on sème un orge derrière la prairie, il faut travailler énormément pour avoir un lit de semence correct. En revanche, le problème, c’est que la féverole laisse beaucoup de place aux adventices, donc c’est une culture qui « salit » beaucoup plus mais elle laisse de l’azote dans le sol qui va bénéficier à l’orge. La brebis n’aime pas les féveroles sur pied mais tout ce qu’il y a autour elle le mange, donc elle arrive un petit peu à nettoyer.

Après, la problématique de la culture de féverole, c’est que j’ai l’impression qu’elle n’est pas toujours pollinisée correctement. On peut avoir un champ magnifique au moment de la floraison, mais après ça ne donne pas de gousses… Est-ce que c’est parce qu’il y a eu du vent, parce qu’il y a eu un coup de froid, de la pluie ? Je ne sais pas. Après, c’est vrai que quand on fait du méteil, le fait qu’il y ait pois et féverole, ça limite un petit peu la pression… Et puis les étages ne sont pas les mêmes aussi, les hauteurs, les densités, la sensibilité… Il n’y a pas deux graines qui soient sensible à la même maladie. Donc forcément, on limite un petit peu les problématiques sur les méteils.

Une année, j’ai voulu essayer de faire des bandes de féverole au milieu de l’orge, mais ça a été trop compliqué à moissonner derrière, le moissonneur avait un peu râlé quand même… Cette année je vais intégrer une autre céréale dans mon méteil : c’est le grand épeautre, là c’est vraiment une tige qui est très dure, très haute, qui va servir de tuteur au pois. En revanche, la vescePlante herbacée grimpante souvent cultivée comme fourragère, je vais arrêter d’en semer, parce que ça envahit et c’est compliqué à la moisson.

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Rien n’est utilisé sur les cultures de la ferme, produits naturels et pesticides homologués AB non plus. © V. Chapuis/POLLINIS

Gérer les pressions

Sur l’ensemble de vos ateliers, quelles sont vos techniques de gestion des pressions ?

Je ne laboure pas et une fois que j’ai semé, je ne touche plus à ma culture, je ne passe pas de herse, pas de désherbage, rien du tout. Ce qui veut dire qu’il faut que je travaille entre la moisson, la récolte et le semis. Donc, je fais des faux semisTechnique agricole consistant à préparer un futur semis par un travail superficiel du sol, favorisant la germination des « mauvaises herbes » qui pourront être retirées avant le « vrai semis ». , je gratte, je gratte et je fais pâturer les brebis sur les chaumes. Elles retirent de la biomasse, elles en laissent un petit peu derrière, cela me permet quand je passe avec les cultivateurs de ne pas être trop embêtée avec toutes ces herbes et d’utiliser des outils plus petits car, au niveau matériel, je n’ai qu’un seul tracteur qui fait 85 chevaux. J’ai un cultivateur, après tout le reste est en CUMACoopérative d’utilisation de matériel agricole. Ça a un coût de facturation et de passage : faire fonctionner un tracteur de 160 chevaux coûte plus cher qu’un tracteur de 85. Du coup, en général, je passe un gros outil à disque qui est à la CUMA après la moisson, ce qui fait que ça casse un peu le chaume, ça assouplit un petit peu la terre et, derrière, je passe mon cultivateur, plus les brebis.

Pour l’instant, ça reste comme ça. Du moment que j’arrive à l’autosuffisance de mes bêtes, ça me va.

Utilisez-vous des produits naturels ou des pesticides homologués AB ? 

Alors sur les cultures, rien du tout ! Par contre sur les brebis, j’utilise de l’homéopathie, de la phytothérapie et après j’utilise de l’argile ou de la terre de diatomée. Les agneaux à la naissance sont désinfectés, le cordon et les oreilles sont traités avant la pose de la boucle avec des huiles essentielles, c’est systématique. Ah oui, j’ai aussi essayé la levure de bière, l’année dernière. C’est censé ensemencer la flore de l’agneau à la naissance et ne pas laisser sa place à d’éventuels pathogènes.

L’été, j’utilise pas mal d’huiles essentielles contre les œstres respiratoires, les mouches qui pondent dans les narines. Je le fais une fois par semaine en « pschitt » dans le nez et, après, au cas par cas. Les huiles essentielles sur mammites, c’est aussi au cas par cas. Après, je me rends compte quand je fais des formations avec des éleveurs en conventionnel au sein de l’EDE que je n’ai pas tant de maladie que ça, en fait. Ma problématique est sur les agneaux. Je peux avoir des problèmes de parasitisme, d’entérotoxémie, il peut y avoir beaucoup de casse, de mortalité.

Utilisez-vous d’autres techniques, telles que le biocontrôle ou les associations d’espèces qui se protègent l’une l’autre ?

Non. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de laisser en périphérie de l’exploitation une bande de haie – au minimum 1 mètre, au maximum c’est quand même 3 mètres d’arbres – pour me protéger des traitements des voisins mais aussi parce que les brebis ne cherchent pas à aller au-delà quand elles ont une clôture avec une haie derrière qui n’est pas franchissable. Elles s’arrêtent, elles broutent tranquillement. Voilà, ça c’est de la configuration de clôture, après, au niveau cultural, franchement, je ne fais pas grand-chose.

Pouvez-vous estimer le pourcentage de SIE Structures d’Intérêt Écologique par rapport à votre SAUSurface Agricole Utile ?

Eh bien… Sur les 48 ha, il y a déjà 8 ha de bois et 4 ha de prairie naturelle, donc ça, ça compte dedans… Puis on peut rajouter 1 ha de zone en bordure de champs. En tout, on arrive à 13 hectares, quelque chose comme ça.

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La vente directe était une condition à l’installation de Véronique, qui ne souhaite pas vendre ses agneaux à un groupement mais veut les voir naître et les livrer chez le client.
© V. Chapuis/POLLINIS

L'eau et les sols

Y a-t-il des enjeux liés à l’eau sur votre territoire ?

Ah oui ! Le Tarn est un département séchant donc, forcément, les enjeux sont importants. Exemple type, je ne sais pas si vous avez fait attention : il y a une réserve d’eau un petit peu en contrebas de la ferme. C’est le propriétaire d’à côté qui l’a faite. Ça peut paraître totalement démesuré, mais c’est pour arroser son jardin ! Cela illustre bien, je pense, les manques d’eau qu’il a dû subir ici.

Cette année, il a arrêté de pleuvoir le 10 juin, et il a replu la semaine dernière, c’est-à-dire le 10 octobre ! Donc 4 mois où on n’a pas eu d’eau, mis à part 1 mm qui tombait de temps à autre, même pas de quoi mouiller la poussière. Je pense qu’il y a des gens qui ont été traumatisés par ces périodes de carence, même si cela ne justifie pas forcément que l’on fasse des retenues d’eau au début de la création d’un ruisseau quand même…

Du coup, le manque d’eau, bah on fait avec. J’ai trois puits sur l’exploitation mais les équiper pour sortir de l’eau pendant trois semaines, pour moi, ça n’a pas de sens. Les brebis boivent dans les mares tant qu’il y a de l’eau, et ensuite je les bascule sur l’eau du réseau. Si je n’imagine pas faire une retenue pour avoir de l’eau et irriguer du soja, je réfléchis quand même à mettre des cultures ou des assolements qui me permettraient de pouvoir passer ce cap de 4 mois sans eau…

Et en termes de qualité, l’eau, ça va ?

L’eau des mares, je n’ai jamais analysé mais à mon sens, elle est limpide… Bon après c’est vrai que ça draine le plateau là-haut et qu’il y a peut-être des résidus de nitrates, des choses comme ça.

Et comment qualifieriez-vous l’état de vos sols ?

Alors, ça, c’est compliqué à gérer. Sur la ferme, on a plein de sols différents, même au sein d’une même parcelle. Sur le plateau on a du sable. Ensuite le coteau, ce sont d’anciennes terres de vignes, avec des galets. Après, en contrebas, on arrive sur de l’argilo-calcaire, des terres où on pourrait cultiver de l’ail, même si elles ne sont pas très profondes, on est vite sur de la lause, du rocher. Et puis vient une zone où là, c’est ce que j’appelle de la glaise, de la terre qui colle aux chaussures et avec laquelle on pourrait faire de la poterie.

Cette diversité de terrains complique le travail du sol bien sûr. Je n’arrive pas à trouver un outil qui pourrait me permettre de passer un peu partout dans toutes les conditions. Donc il y a des sols où il faut intervenir dès qu’ils sont un peu humides, sinon ça se colmate, d’autres où il faut attendre un peu… Cela faisait partie de ma difficulté d’installation, et l’ancien exploitant ne m’avait pas vraiment expliqué tout ça. Disons que j’ai découvert avec le temps, avec l’expérience et donc je me suis cassée un petit peu les dents de temps en temps. Mais maintenant, ça commence à aller mieux…

Moi, je qualifierais mon sol de « vivant » car quand je sème, il y a quand même une capacité de lever derrière. Même les féveroles démarrent très bien. Par contre, c’est sûr que je ne produis pas beaucoup de fumier de brebis parce qu’elles ne restent pas tant de temps que ça en bergerie et donc ce sont certainement des sols un peu pauvres. J’espère qu’avec une rotation de quatre ans, avec des prairies où je pourrais mettre pas mal de légumineuses, du trèfle, du sainfoin, faire des dérobéesCulture mise en place entre deux cultures principales.
en cultures d’été, je pourrais améliorer les choses… Bon, à voir, à réfléchir encore tout ça.

Utilisez-vous des engrais ?

Non. Juste du fumier de brebis, qui n’est pas composté. Il sort de bergerie mi-février pour la première partie, et la deuxième partie sort mi-juillet et il est épandu en septembre.

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Le Tarn est un département séchant avec parfois des périodes de plusieurs mois sans pluie. Il y a donc des enjeux importants liés à l’eau. © V. Chapuis/POLLINIS

Priorité à la vente directe

Transformez-vous vos produits sur la ferme ? 

Oui, je les transforme sur un atelier. La vente directe était une condition à mon installation, je ne me serais jamais installée si c’était pour vendre mes agneaux à un groupement. Je voulais à la fois les voir naître et les livrer chez le client.

Quels sont vos différents débouchés ?

Je vends entre février et novembre en caissettes de demi-agneau. Je livre deux fois par mois à un magasin à Castres. Et en été, je fais les marchés de producteurs de pays, où je propose de la viande d’agneau grillé. Cela me fait connaître des clients qui peuvent goûter la viande et commander des colis. C’est comme ça que je me suis fait une clientèle.

Ensuite, je vends des agneaux vivants pour la communauté musulmane, les fêtes religieuses, les mariages, etc. A Castres, je passe par la RAGT Rouergue Auvergne Gévaudan Tarnais, société de distribution agricole comptant une trentaine de magasins entre Aurillac et Toulouse.
. J’ai été souvent sollicitée par les magasins de producteurs, mais je n’y vais pas car on doit récupérer nos invendus. Récupérer les invendus alors que ce n’est pas à moi de mettre l’énergie pour les vendre, je ne suis pas d’accord ! La RAGT, elle, n’a jamais eu d’invendus.

Faites-vous de la vente ou des échanges de produits avec d’autres agriculteurs du territoire ?

Je fais uniquement de l’échange de semences.

Du coup, quelle part de votre production est consommée dans un rayon de 150 kilomètres ? 

Tout est vendu en local, même si je réalise quand même une livraison à Lyon. Je suis originaire de Lyon, et il se trouve que l’élevage ovin dans le Rhône est quasiment inexistant !

Êtes-vous intégrée dans une démarche de commerce équitable local ?

Non, pas pour l’instant mais je vais devoir y réfléchir pour toucher un autre type de clientèle.

Pouvez-vous évaluer votre maîtrise des débouchés sur une échelle de 0 à 10 ?

Je dirais 9/10.

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« Rome ne s’est pas faite en un jour, et une ferme, ça ne se met pas en place tout de suite. Au bout de 10 ans, j’arrive à stabiliser un peu le troupeau et avoir le temps et la disponibilité intellectuelle, matérielle, financière, pour réfléchir un petit mieux à l’organisation des parcelles. »
© V. Chapuis/POLLINIS

Bilan économique

Quel est le poste qui représente les charges les plus importantes ?

J’ai 52 000 € de charges. Là-dedans, le plus gros poste, c’est l’abattage, la découpe des agneaux et la transformation.

Vous le faites faire par un organisme extérieur ?

Ils sont abattus à Puylaurens et, après, découpés dans un atelier collectif entre éleveurs, sous forme de CUMA. Il y a plusieurs salariés et ils s’occupent aussi du conditionnement en sachets. Donc le premier poste c’est la CUMA, ensuite les cotisations MSA et les assurances des bâtiments qui arrivent ensuite. Ah oui, il y a aussi le fermage quand même : sur les 44 ha, j’en ai 10 en propriété et 33 en fermage.

Donc dans l’ordre, je dirais : l’atelier, le fermage, la MSA Groupama puis les charges courantes d’exploitation (eau, électricité…).

Touchez-vous des aides financières ?

Oui je touche la PAC, environ 20 000 € par an.

Touchez-vous l’ICHNIndemnité compensatoire de handicaps naturels (concerne les agriculteurs installés dans des territoires difficiles à exploiter). ?

Oui, mais l’indemnité été diminuée de moitié en 2017 parce que l’enveloppe PAC était plus importante. Ils ont augmenté certaines réversions et donc il a fallu en diminuer d’autres. Ils ont considéré qu’ici nous étions en zone de moindre handicap.

Parvenez-vous à vous dégager un revenu ?

Non.

Est-ce que vous pensez que vous y parviendrez dans les prochaines années ?

Alors en 2017 pas de revenu, et pour 2018 … J’ai bouclé toutes mes ventes, il me reste juste un agneau à abattre. Et la PAC a été versée la semaine dernière, donc je pense que je vais réussir à me dégager 200 € par mois.

Est-ce que, sur 10 ans, vous avez quand même vu vos résultats augmenter ?

Durant les 10 années passées, il y a eu des incidents de parcours, de vie de famille, qui ont eu une incidence sur l’exploitation. Donc ça, c’est soldé maintenant et, depuis 2 ans, j’augmente le troupeau. L’idée est d’arriver quand même à sortir un revenu. Avant, j’avais 150 brebis, aujourd’hui, j’en ai 180. Travailler c’est bien, mais avoir un revenu de son travail c’est quand même une valorisation sociale. Et puis il n’y a pas de raison que l’on travaille pour rien.

D’autres personnes travaillent-elles sur la ferme ?

En termes de salariés, non. Il y a la famille qui intervient de façon ponctuelle, généreuse et bénévole. J’ai aussi quelques stagiaires mais très peu.

En moyenne, combien d’heures travaillez-vous par semaine ?

On a évoqué notre temps de travail avec d’autres éleveurs…. Moi, je disais que je ne travaillais pas à plein temps, que je m’occupais aussi de mes trois enfant… Et puis je me suis dit que j’allais noter mes heures, et donc ça va de 25 à 60 h par semaine. Et sur l’année en moyenne je travaille 45 h par semaine. Donc en fait, oui, je suis bien à plein temps !

Parvenez-vous à prendre des congés ?

Non.

Pouvez-vous évaluer la pénibilité de votre travail ?

La pénibilité regroupe plein d’aspects : la pénibilité physique, intellectuelle, émotionnelle, financière…

Il y a des moments qui sont fatigants, pénibles et d’autres très agréables donc tout ça c’est mélangé. Et j’irais même plus loin : physiquement, c’est pénible, mais intellectuellement c’est agréable. Par exemple un agnelage qui dure pendant 1 mois, ça va être physiquement très dur, ça demande beaucoup mais je me régale à chaque fois, de les voir sortir, de les voir se lever et aller à la tétine…

Pour moi, ce qui est le plus pénible, ce sont les heures de tracteur, les heures de fauche, de travail du sol, où il faut accumuler des heures et les faire sur un créneau très défini ; ça pour moi c’est assez pénible. Mais globalement, si je faisais un métier que je qualifierais de pénible, j’arrêterais de le faire. Et quand je trouverai ça trop pénible au quotidien, il faudra que j’arrête !

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Véronique travaille en moyenne 45 heures par semaine et ne prend pas de congés. « Si je faisais un métier que je qualifierais de pénible, j’arrêterais de le faire. Et quand je trouverai ça trop pénible au quotidien, il faudra que j’arrête ! » © V. Chapuis/POLLINIS

 

Êtes-vous satisfaite de vos rendements ?

Ah, pour 2018 pas du tout non, mais habituellement oui.

Et êtes-vous satisfaite de la rémunération de vos productions ?

Les céréales ne sont pas vendues, elles sont autoconsommées. Pour la viande, je ne suis pas totalement satisfaite… Mais il y a une adéquation entre le prix de vente et le pouvoir d’achat des clients, il ne faut pas non plus faire n’importe quoi…

En travaillant avec le groupe d’éleveurs sur les coûts de production, j’ai constaté qu’il faudrait que je vende ma viande à 29 €/kg pour faire du revenu, c’est-à-dire un SMIC horaire sur la ferme. Actuellement, en caissette, je suis autour de 15 €/kg et après, sur les marchés, je vends de la viande cuite et là j’arrive à la valoriser à 30 €/kg mais ça ne représente que 20 % de la production.

Je trouve que ce n’est pas très cher …

Je n’ai pas encore appliqué les tarifs bio car je n’ai mon agrément que depuis le mois de mai. L’année prochaine, j’augmenterai peut-être de 50 centimes ou 1 € mais je n’imagine pas aller au-delà de 16 ou 17 € le kilo.

L’agneau est une viande qui coûte cher à produire : les ovins, c’est ceux qui font le moins de viande par rapport à ce qu’ils mangent ! Mais on ne peut pas se permettre de vendre trop cher car ça reste une viande particulière et on ne mange pas de l’agneau comme on mange du poulet ou du porc.

Selon vous, y a-t-il quand même d’autres critères que le rendement pour évaluer la performance d’un système agricole ?

Pour l’instant, c’est sûr que la performance d’un système agricole n’est évaluée que par rapport à des éléments comptables… Or, derrière une ferme, il y a une économie. Les agneaux sont abattus à Puylaurens et découpés à Laboutarié par des salariés. C’est le plus importants en terme de charges, donc ça veut bien dire que ça finance une certaine économie. Après, il y a effectivement des éléments environnementaux à prendre en compte. Ici, en 10 ans, j’ai vu l’environnement de la ferme évoluer, les brebis ont nettoyé, elles ont ouvert certaines zones et, quand il n’y a pas de brebis, ce sont des espaces qui se referment et il faut y aller avec des broyeurs après… Alors effectivement, on fait le même boulot mais, au niveau environnemental, on n’a pas le même impact. Il faut considérer des paramètres environnementaux, sociaux aussi ; c’est une famille qui vit ici, il y a 3 enfants qui vont à l’école. Et puis, une bergère qui est heureuse d’être là !

Au final, vous êtes plutôt satisfaite de votre projet, alors ?

Oui, je suis satisfaite, malgré des résultats économiques qui ne sont pas encore super intéressants, je reste globalement satisfaite.

Qu’est-ce qui contribue le plus à votre bien-être au travail ?

Voir mes brebis qui pâturent dans les prés et qui agnèlent tranquillement, voir mes cultures qui poussent, voilà… Voir la vie qui tourne autour, sans forcément que j’ai besoin d’intervenir. Juste quand je peux l’observer simplement, c’est bien.

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Dans l’assolement de la ferme, il y a 1/3 de céréales, 1/3 de légumineuses et 1/3 de méteil.  La moitié dépend des pollinisateurs.
© V. Chapuis/POLLINIS

La place des pollinisateurs

Vos cultures dépendent-elles des insectes pollinisateurs ? 

Et oui, me semble-t-il ! Pour qu’une fleur soit fécondée, il faut bien un insecte, non ? Sauf pour celles qui peuvent compter sur le vent. Dans l’assolement, il y a 1/3 de céréales, 1/3 de légumineuses et 1/3 de méteil. Je dirais que la moitié dépend des pollinisateurs.

Avez-vous des ruches sur votre ferme ?

Non. Mais je pourrais accepter sans problème qu’un apiculteur vienne mettre ses ruches. Après, la question que je me suis posée est de savoir si mes cultures étaient suffisamment mellifères. Parce que sur la fèverole – ça, je regarde quasiment chaque année –, il n’y a pas énormément d’abeilles. Il peut y avoir des bourdons, des choses comme ça, mais des abeilles, j’en vois très peu.

Valeurs et limites du label bio

Vos produits sont-ils labellisés ? 

Oui, en bio depuis mai 2018. Pourquoi la labellisation ? Comme je suis en vente directe, je n’appartiens à aucun cahier des charges et je sais qu’un label, ça rassure certains clients. C’est paradoxal mais à un moment donné, je souffrais de ne rentrer dans aucune case. Et même quand je disais que c’était de l’« agriculture raisonnée », il n’y avait pas de label, pas de preuve. Maintenant c’est du bio, mes clients ont la preuve !

Après, fondamentalement, ça n’a pas changé ma façon de produire, si ce n’est qu’avant il y avait un passage d’azote en février et parfois un passage de désherbant en février que je ne fais plus, du coup. Mais au niveau du troupeau j’ai rien changé.

Selon vous, le cahier des charges de l’AB est-il satisfaisant ? 

Pas totalement… Regardez pour les déchets : le cahier des charges n’intègre pas cette gestion, qu’on balance les ficelles dans un trou du bois ou qu’on les mette dans un sac à recycler, ça ne change rien. Mais au-delà du cahier des charges ; le problème, c’est surtout au niveau des contrôles.

Un vrai contrôle ; ça devrait prendre en compte des analyses de sol, de viande, de céréale. Ça devrait passer par l’épluchage des classeurs de comptabilité. Mais pour faire ça, encore faut-il avoir les compétences comptables et le temps ! Aujourd’hui, les contrôles sont faits juste sur des déclarations, sur la bonne foi de l’agriculteur. Ça marchait peut-être il y a 10 ans mais aujourd’hui, on se retrouve vachement nombreux à être passés en bio et – même si je ne veux pas critiquer mes collègues – avec des enjeux comme les primes PAC, il y a forcément des filous. Le système est mal foutu.

Moi, j’ai le souvenir d’une fois où le contrôleur m’avait mis une remarque sur du Past-onglons, un produit de l’Alliance pastorale à base de cuivre qui n’est pas labellisé en bio et que j’utilisais au tout début pour le soin des pieds. Il a vu cette fin de bidon qui était là dans la bergerie, et il l’a mis en non-conformité, mais seulement parce qu’il l’a vu, sans même me demander si je l’utilisais encore  !

Le problème, pour moi, c’est que le consommateur a confiance dans ce label, mais je pense qu’à un moment donné, il va se rendre compte de sa véritable valeur. Et là, pour moi, la vraie relation de confiance, elle est dans la vente directe. Je dis à mes clients qu’ils peuvent venir voir la bergerie quand ils veulent. C’est comme ça qu’on fidélise les clients, en les faisant venir, en leur montrant comment on travaille, pas avec des papiers ou des cahiers des charges. Mais ce système impose que l’on ait une clientèle locale. Ce sont de nouvelles habitudes de consommation, mais ce sont aussi celles que nos grands-parents avaient et qui doivent se réinstaurer dans les familles. Et ce n’est pas facile…

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Véronique est en bio depuis mai 2018. « C’est paradoxal mais à un moment donné, je souffrais de ne rentrer dans aucune case. Et même quand je disais que c’était de l’« agriculture raisonnée », il n’y avait pas de label, pas de preuve. Maintenant c’est du bio, mes clients ont la preuve ! » © V. Chapuis/POLLINIS

Intégration dans le territoire

Êtes-vous intégrée dans un réseau d’entraide d’agriculteurs ? 

Oui, intégration formelle avec la CUMACoopérative d’Utilisation de Matériel Agricole mais aussi avec ce groupe d’éleveurs avec qui je travaille depuis 3 ans maintenant. On se voit deux fois par an et on fait le point sur des chiffres économiques. On essaye aussi de voir ce qui est bien chez l’un et si c’est possible de transposer ça chez l’autre. Cela génère aussi de l’entraide quand on a une difficulté sur nos fermes, de l’échange sur des informations techniques.

Quels autres acteurs vous conseillent ou vous accompagnent ?

Il y a la chambre d’agriculture, la maison de l’élevage de l’EDEÉtablissement départemental d’élevage du Tarn et le syndicat à la Confédération paysanne.

Êtes-vous soutenue par votre famille, vos amis, votre voisinage ?

La famille et les amis, oui. Mais le voisinage… Non, je pense que mon arrivée s’est mal passée, a été mal perçue. Ils ont dû se dire que je ne passerai pas l’hiver mais cela fait 10 ans que je suis là maintenant… C’était une petite structure que j’ai reprise et les voisins auraient bien aimé récupérer les terres en bordure de la ferme et ils n’étaient pas contents.

Proposez-vous des formations sur la ferme ? 

Non. Parfois des formateurs peuvent venir pour illustrer, mais ce n’est pas moi qui organise.

Proposez-vous du tourisme à la ferme ? 

Non. Au début, on voulait faire une maison d’hôtes mais ma vie personnelle a changé et je n’ai pas envie d’avoir des touristes.

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Selon Véronique, éviter les gros industriels, est un moyen de soutenir positivement l’agriculture locale et de manger mieux. © V. Chapuis/POLLINIS

L'avenir de l'agricultutre

Une critique citoyenne des systèmes agricoles et alimentaires vous semble-t-elle légitime ?

Toute observation est légitime à mon sens. Je suis d’accord avec les consommateurs qui ne veulent plus que l’on utilise de pesticides ou d’herbicides. Mais si l’une de mes bêtes est malade, je vais quand même lui donner des antibiotiques. Je respecterai derrière des délais de non-vente, mais se passer de ces produits-là, dans certains cas, c’est aussi mettre en danger nos animaux et notre mode de production. Cela, le consommateur doit aussi en tenir compte.

La catastrophe du système agroalimentaire, pour moi, ce ne sont pas les petits éleveurs mais les gros industriels. Les arrivées de camions entiers d’agneaux de Roumanie qui ne sont même pas bouclésNécessaire à leur identification, le bouclage électronique des agneaux est devenu obligatoire pour tous les agneaux nés après le 1er juillet 2010. ; ça, c’est un problème pour la traçabilité de la viande… Alors que nous, on vient nous compter nos boucles pour être sûr que chaque brebis a bien ses 2 boucles, et s’il en manque une, attention !  Mais si le consommateur arrive à éviter les gros industriels, c’est un moyen de soutenir positivement l’agriculture locale et de manger mieux. Même si je sais que c’est difficile : j’ai 3 enfants et ils aiment la pâte à tartiner et les bonbons à la gélatine de je ne sais quoi…

Selon vous, quels sont les principaux freins à la transition agro-écologique ?

C’est tout un système qui a été ancré. Les produits agrochimiques ont été créés par des industriels, qui ont aussi développé tout le réseau technique qui va avec… Nous, dans le bio, on n’est pas de gros clients pour cela et donc il n’y a rien dans le réseau technique de conseil. Un technicien qui ne vend rien mais qui ne vient faire que du conseil, ça, personne ne le fait dans le bio.

L’autre frein ; c’est le fonctionnement de la chambre d’agriculture, qui préfère avoir une grosse ferme plutôt que de conserver 3 petites exploitations. La chambre d’agriculture ne privilégie pas les exploitations à taille humaine, celles qui sont en cohérence avec l’économie et la valorisation locales.

Et puis il y a évidemment le poids d’une formation agricole fondée sur un discours intensif. Pendant ma formation, on ne nous parlait pas de transition en agriculture biologique, de préservation des sols ou de l’eau… On était dans un schéma où il fallait cultiver plus, sans se préoccuper des sols puisque que la chimie était là.

Enfin, au niveau des politiques, dans le discours, tout le monde est pour maintenir une agriculture locale. Mais, dans les faits, les engagements sont remis en cause et les les aides PAC supprimées. L’alternative qui nous est proposée, c’est la Ferme des mille vaches ! Mais ça, ce genre de solutions, c’est la perte de tout un terroir, de toute une forme de culture.

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