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Pesticides / Tests abeilles

Tests abeilles : le nouveau Bee Guidance Document de l’EFSA n’est pas à la hauteur

Date : 12 mai 2023


Press release in english : Bee Guidance Document, new pesticide risk assessment protocols proposed by EFSA will not save pollinators from extinction

Ce jeudi 11 mai, l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, a dévoilé sa nouvelle proposition de document d’orientation censé définir les protocoles européens d’évaluation des risques des pesticides sur les abeilles. Ce nouveau « Bee Guidance Document » n’est pas à la hauteur des enjeux liés à l’effondrement en cours des abeilles et des pollinisateurs sauvages.

L’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) travaille depuis 2019 à la révision du Bee Guidance Document, le document décrivant les protocoles d’évaluation des risques des pesticides pour les abeilles (abeilles mellifères, bourdons et abeilles solitaires). Dévoilée à la presse le 11 mai, cette nouvelle version est un rendez-vous manqué dans la mise en place d’une véritable protection des pollinisateurs face aux risques des pesticides chimiques, et marque un recul des ambitions initiales de ce projet par rapport à la précédente proposition de l’EFSA.

Soumise en 2013, la première mouture du Bee Guidance Document n’a jamais été adoptée, faute de consensus politique au sein du SCoPAFF, le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale. Après l’avoir vu présentée une trentaine de fois à son ordre du jour, le comité avait demandé à l’EFSA de construire une nouvelle proposition. Pendant toutes ces années, des protocoles établis en 2002, complètement obsolètes, ont continué d’être appliqués.

Si la nouvelle proposition de Bee Guidance Document, le Revised guidance on the risk assessment of plant protection products on bees, constitue une avancée évidente par rapport aux protocoles de 2002, elle manque malheureusement de l’ambition nécessaire à la protection des abeilles et demeure moins ambitieuse que la version précédente de 2013. Parmi les lacunes et révisions problématiques de ce texte, POLLINIS dénonce les points suivants :

  • Le taux de mortalité acceptable (diminution du nombre d’individus d’une colonie) pour les abeilles domestiques a été augmenté à 10 % pour chaque utilisation d’un pesticide, alors que le Bee Guidance Document de 2013 fixait ce seuil à 7 %.
  • Les effets combinés, ou « effets cocktails », ne sont pas mesurés. S’il existe des difficultés techniques pour mesurer l’ensemble des effets des mélanges, il aurait été important d’inclure au moins une évaluation des combinaisons binaires et des mélanges intentionnels les plus courants (comme les mélanges effectués en cuve), en accordant une attention particulière aux effets synergiques entre certaines classes de fongicides et d’insecticides.
  • Le nouveau document d’orientation ne fixe pas de seuil de mortalité pour les abeilles sauvages, comme les bourdons ou les abeilles solitaires. L’évaluation des risques pour ces espèces a été affaiblie par rapport à la dernière version, notamment le premier niveau (tests en laboratoire)  n’est pas obligatoire pour les abeilles sauvages.
  • La plupart des effets sublétaux et les effets indirects sont ignorés. Les effets des pesticides sur la reproduction des abeilles mellifères ou sur leur système immunitaire ne sont par exemple pas pris en compte.
  • L’estimation des sources d’exposition des abeilles aux pesticides est incomplète. Si certaines voies d’exposition ont été ajoutées par rapport aux protocoles de 2002 utilisés aujourd’hui, d’autres pourtant cruciaux pour les abeilles solitaires manquent cruellement (contamination des sols, des matériaux de nidification, etc). De plus, certaines voies d’exposition incluses dans la version de 2013 ont été retirées, comme la contamination de l’eau.

Alors que l’EFSA Bee Guidance 2013 s’attachait à suivre un objectif général de protection en incluant un maximum de risques potentiels, la version de 2023 ignore certains effets, et ce même lorsque des projets de lignes directrices (OCDE) ou des études et des essais robustes existent.

« Si ce nouveau document d’orientation représente un progrès évident par rapport au schéma d’évaluation aujourd’hui en vigueur, il reste insuffisant pour garantir une véritable protection des abeilles et des pollinisateurs des risques des pesticides. Il est urgent d’adopter une approche qui prenne réellement en compte les connaissances scientifiques actuelles, sans limiter les essais aux seuls protocoles validés par l’OCDE. Malheureusement, l’extinction en cours va plus vite que la validation des protocoles » explique Barbara Berardi, directrice de la recherche et du plaidoyer de POLLINIS

Le processus entamé par l’EFSA en 2019 s’est voulu collaboratif. Une version du document avait été publiée et ouverte aux commentaires de la société civile en 2022. POLLINIS y a contribué en effectuant plusieurs propositions concrètes qui auraient permis une évaluation des risques réellement protectrice des pollinisateurs, en particulier des abeilles solitaires et des bourdons. La plupart n’ont malheureusement pas été retenues par l’autorité sanitaire européenne.

Le document aujourd’hui présenté à la presse apparaît à l’ordre du jour de la prochaine réunion de la section phytosanitaire du SCoPAFF. Le comité avait bloqué la mise en place du Bee Guidance 2013 pendant des années.

« Les défenseurs de l’environnement ont plaidé pendant des années pour un document plus ambitieux et proactif, véritablement protecteur des pollinisateurs. A présent, la balle est dans le camp du SCoPAFF, qui décidera en toute opacité du futur de ce nouveau document. Une chose est sûre, ces protocoles seront insuffisants pour enrayer l’effondrement en cours des pollinisateurs » déclare Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS