Pollinisateurs / Protection juridique de Groix
Protection des pollinisateurs de Groix : l’Appel des scientifiques
À l'initiative de POLLINIS, une vingtaine de chercheurs de renommée mondiale signent un Appel au gouvernement français pour faire de l'Île de Groix un havre de paix pour les pollinisateurs. Ils demandent une protection juridique de l'île pour les pollinisateurs sauvages et les abeilles mellifères locales, ainsi que la protection des pratiques associées à leur préservation.
Le texte original de l’Appel a été rédigé en anglais, voici un résumé en français :
Contexte
Nous assistons à l’échelle mondiale à un déclin considérable des insectes pollinisateurs. En Europe, la masse des insectes ailés a diminué de 80 % en moins de trente ans (Hallmann 2017). Les abeilles à miel (espèce Apis mellifera) domestiques et sauvages, mais aussi les abeilles solitaires, toutes sauvages, font partie intégrante de ce groupe. Elles jouent un rôle essentiel pour la biodiversité végétale et la production agricole. Pourtant, ces abeilles demeurent méconnues : selon l’UICN, il n’existe pas assez de données scientifiques pour 56,7 % des abeilles solitaires d’Europe (1 101 espèces). Des études scientifiques ont montré que les causes du déclin des pollinisateurs sont les pesticides et les facteurs de stress environnementaux, notamment la dégradation des habitats, mais aussi pour les abeilles mellifères, la perte de diversité génétique, les ravageurs et les agents pathogènes. L’acarien Varroa destructor constitue une menace mondiale majeure. En France, il est classé dans les dangers sanitaires de 2e catégorie.
Dans ce contexte, l’Île de Groix présente une situation unique et doit bénéficier d’une protection spécifique pour trois raisons principales :
1. Un site précieux
À Groix, l’environnement naturel est préservé par plusieurs types de protection (Réserves naturelles nationales, Natura 2000, Conservatoire du Littoral, Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique dite ZNIEFF). Il n’y a pas d’agriculture intensive. La flore est principalement endémique et plus de 70 % de la superficie de l’île est exempte de culture. L’île serait une zone de conservation naturelle idéale pour les pollinisateurs.
2. Une apiculture naturelle
L’Association pour la Sauvegarde de l’Abeille Noire (ASAN.GX) se consacre à la préservation de l’abeille noire indigène. Les apiculteurs interviennent très peu sur les ruchers : contrairement à la plupart des autres régions du monde, ils ne traitent pas contre le varroa et ne nourrissent pas les abeilles avec du sirop. À Groix, les abeilles noires vivent et meurent sans intervention humaine, une situation rare.
3. Des abeilles exceptionnelles
Les abeilles mellifères de Groix, qu’elles soient domestiques ou sauvages, appartiennent à la sous-espèce indigène d’Europe du Nord-Ouest, Apis mellifera mellifera, souvent appelée abeille noire. Ailleurs, l’introduction continuelle par l’Homme d’abeilles mellifères non indigènes menace le caractère unique de cette sous-espèce. Une étude menée par le CNRS a confirmé que « la population de l’Île de Groix faisait partie des populations les plus pures d’Apis mellifera mellifera » (Garnery 2018). Selon une étude en cours de publication, les abeilles mellifères de Groix ont co-évolué avec Varroa destructor, l’acarien parasite qui décime les colonies ailleurs en Europe si elles ne sont pas traitées. À Groix, cet acarien et la population d’abeilles mellifères ont atteint une relation hôte-parasite stable, un fait rare, très peu documenté à travers le monde.
Comment protéger les pollinisateurs de l’Île de Groix ?
- Préserver l’environnement et les paysages propices aux pollinisateurs sauvages, y compris aux colonies d’abeilles mellifères sauvages.
- Protéger l’île contre toute introduction d’abeilles mellifères non indigènes.
- Sensibiliser et maintenir les pratiques durables des apiculteurs locaux.
La mise en place d’un sanctuaire français pilote pour les pollinisateurs sur l’Île de Groix protégera les abeilles mellifères locales ainsi que les pollinisateurs sauvages dans l’intérêt de la science. Cette action pionnière a également pour objectif le maintien de la diversité génétique et des facultés d’adaptation des abeilles noires de Groix. Sans une protection juridique spécifique, nous risquons de perdre ce qui pourrait être le meilleur exemple d’Apis mellifera mellifera résistante au varroa en Europe.