Pesticides / Néonicotinoïdes
Ré-autorisation des néonics : un vote qui sacrifie les pollinisateurs, ignore la science et ne sauvera pas la filière betteravière
POLLINIS regrette que les députés aient voté ce jour la loi permettant aux betteraviers de déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes, ignorant au passage les études scientifiques des quinze dernières années, et donnant foi aux mensonges de la filière sucre et du gouvernement.
« Les députés sacrifient les pollinisateurs en ignorant délibérément la science et en acceptant les mensonges du gouvernement sur les véritables enjeux économiques de la filière betteravière, déplore Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS. Le retour des tueurs d’abeilles ne résoudra pas les difficultés structurelles de cette filière, et invoquer la “souveraineté” au sujet de l’exportation de sucre alors même qu’on sacrifie les insectes garants de notre sécurité alimentaire n’a aucun sens ».
En effet, les attaques de pucerons ne sont pas la cause réelle des difficultés de la filière betteravière. Celles-ci datent d’avant même la suppression en 2017 des quotas de sucre européens et des prix garantis jusque-là aux betteraviers, et n’ont fait qu’empirer avec la surproduction de sucre sur le marché mondial qui impose aujourd’hui des prix ridiculement bas aux producteurs de betteraves. « Ce sont des problèmes économiques structurels qui expliquent la crise de la betterave, pas les attaques de pucerons qui ont servi de prétexte à la réintroduction des néonicotinoïdes », analyse Nicolas Laarman.
Le gouvernement s’est appuyé sur des affirmations mensongères tirées de l’argumentaire de l’industrie de la betterave pour tenter de minimiser les risques sur l’environnement et assener qu’il n’y avait d’autre choix que la ré-autorisation des néonicotinoïdes pour sauver cette filière.
« La seule réponse adéquate pour garantir la souveraineté et la sécurité alimentaire est un plan de transition agricole ambitieux, sur un modèle agroécologique respectueux de la nature, résilient face au changement climatique, en accompagnant la conversion des agriculteurs et en les protégeant, insiste Nicolas Laarman. L’environnement fait encore les frais d’une politique à court-terme : on décide de soutenir à grand renfort de pesticides toxiques un système à bout de souffle, devenu une menace pour les agriculteurs eux-mêmes, alors qu’il faut développer les solutions économiques et agronomiques alternatives qui existent déjà ».
Une trentaine d’organisations – allant des associations environnementales aux syndicats agricoles et apicoles, en passant par les associations de défense des consommateurs – se sont mobilisées depuis l’annonce en plein été du détricotage de la loi de 2016 interdisant les néonicotinoïdes à partir de 2018. Plus de 70 000 sympathisants de POLLINIS ont écrit à leurs députés pour leur demander de ne pas ré-autoriser ces insecticides.
« Grâce à la mobilisation citoyenne, le gouvernement a dû circonscrire la possibilité d’utiliser ces produits uniquement aux betteraviers, quand le projet de loi initial permettait à tous les producteurs de demander ces dérogations, rappelle Nicolas Laarman, délégué général. C’est toujours ça… Mais on voit bien que les élus ne parviennent pas à résister aux pressions des tenants de l’agriculture intensive ».
S’il est confirmé par le Sénat, le vote de cette dérogation va autoriser la contamination de plus de 400 000 hectares de terres par des produits 7 000 fois plus toxiques pour les abeilles que le DDT, avec des conséquences dramatiques pour les pollinisateurs sauvages, les vers de terre, les oiseaux, les crustacés… Le retour des néonicotinoïdes ne peut qu’accélérer le vertigineux déclin des insectes : en 2017, une étude annonçait que plus de 80 % de la biomasse des insectes ailés avaient disparu en moins de 30 ans en Europe.