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Pesticides / Tests abeilles

Révision des lignes directrices de l’EFSA : trois notions clés sous le feu de l’agrochimie

Avec la révision en cours des « tests abeilles », l’agrochimie veut rendre plus permissifs ces protocoles censés évaluer l'impact réel des pesticides sur les pollinisateurs avant leur mise sur le marché. « Objectifs de protection », « mortalité naturelle », « valeurs seuils » : de ces enjeux techniques dépend la survie des pollinisateurs en Europe.

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Date : 17 novembre 2020

Avec la révision en cours des lignes directrices de l’EFSA, l’autorité sanitaire européenne, l’agrochimie s’attache à rendre plus permissifs ces protocoles censés évaluer l’impact réel des pesticides sur les pollinisateurs avant leur mise sur le marché. « Objectifs de protection », « mortalité naturelle », « valeurs seuils » : de ces enjeux techniques essentiels, actuellement débattus, dépend la survie des pollinisateurs en Europe. Les États membres dont la France doivent exiger des procédures d’évaluation rigoureuses et complètes, avec des niveaux de protection fondés sur la science et non sur les exigences des firmes de l’agrochimie.

Connaître la toxicité réelle des pesticides

Pour pallier les graves lacunes de l’actuel système européen d’homologation, l’EFSA a publié en 2013 des « lignes directrices » : des protocoles et recommandations permettant d’évaluer les risques réels posés par les substances actives pour les pollinisateurs dans le cadre des autorisations de mise sur le marché des pesticides.

Ces « tests abeilles » représentent une avancée majeure pour la protection des pollinisateurs en Europe. Ils ont été commandités par la Commission européenne, établis par des scientifiques indépendants et sont défendus par la société civile et le Parlement européen. Ils permettraient par ailleurs aux États membres de se doter d’un système d’homologation conforme au règlement européen.

En effet, le règlement européen sur les procédures de mise sur le marché des pesticides (n°1107/2009) établit depuis 2009 qu’aucun pesticide provoquant un effet « inacceptable » sur les abeilles ne peut-être autorisé. Restait à définir « inacceptable », ce qu’a fait l’EFSA en 2013 dans ses lignes directrices, dont le blocage a permis aux pays de l’Union européenne de ne pas appliquer le règlement.

Opacité et blocage

Seule l’agrochimie conteste officiellement les lignes directrices de l’EFSA, arguant que leur mise en œuvre remettrait en cause la commercialisation de la plupart des pesticides actuellement sur le marché. Cette position est visiblement soutenue par certains États membres au sein du SCoPAFFComité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale – en anglais le Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed., le comité de l’Union européenne qui doit valider l’adoption « tests abeilles ».

En effet, depuis sept ans maintenant, ce comité a mis à l’ordre du jour les lignes directrices une trentaine de fois, mais a systématiquement bloqué leur adoption lors de réunions à huis clos : il est impossible de connaître le nom des experts y siégeant (représentants des États membres et de la Commission européenne) ou leurs positions sur ce dossier, et les votes sont tenus secrets.

Exemples de tests abeilles contestés par l’agrochimie et actuellement non pratiqués :

→ Tests sur les bourdons et abeilles solitaires (et non plus seulement sur les abeilles domestiques, non représentatives) ;
→ Tests sur les larves d’abeilles domestiques ;
→ Tests systématiques de toxicité chronique (exposition à faible dose sur le long terme) ;
→ Tests systématiques de toxicité des métabolites (les molécules issues de la dégradations des substances actives) ;
→ Tests sur les effets sublétaux (entraînant une mort différée) ;
→ Tests sur les effets cumulés (mélanges intentionnels).

Un compromis à haut risque

Face au blocage du SCoPAFF, et suite aux pressions de l’industrie qui demande la modification des lignes directrices, la Commission européenne a mandaté l’EFSA en mars 2019 pour qu’elle revoit ses propres lignes directrices. Huit mois auparavant, celle-ci avait pourtant fait valoir qu’aucun élément scientifique ne justifiait une telle révision.

Durant la durée de cette révision (la nouvelle version des lignes directrices devrait être publiée au printemps 2021), les firmes de l’agrochimie s’attachent à faire modifier trois critères fondamentaux retenus par l’EFSA :

  • La mortalité naturelle ;
  • Les objectifs de protection ;
  • Les valeurs seuils.

Ces critères sont cruciaux pour la survie des pollinisateurs car ils permettent de déterminer le niveau à partir duquel une substance est considérée comme dangereuse ou non pour ces insectes. S’ils sont établis à des seuils trop permissifs, comme le souhaite l’industrie, la réglementation, aussi stricte soit-elle, n’aura aucun effet sur la protection des pollinisateurs. Cette décision aura de graves conséquences sur la biodiversité et le vivant, ainsi que sur la sécurité alimentaire des Européens.

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