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Conserver les pollinisateurs

Sur l’Île de Groix, POLLINIS dresse l’inventaire des abeilles sauvages

Depuis 2020, POLLINIS et l'Asan GX mènent avec l'écologue Violette Le Féon un inventaire des abeilles sauvages de l’Île de Groix. L'objectif : mieux connaître les espèces présentes dans cet environnement unique et préservé, et étudier l'influence du type d'habitat sur la préservation de ces pollinisateurs.

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Date : 9 novembre 2021

Un inventaire des espèces sauvages d’abeilles

Qui sont les abeilles sauvages de l’Île de Groix ? Pour répondre à cette question, POLLINIS a confié à l’écologue Violette Le Féon, le soin de mener un inventaire des espèces sauvages d’abeilles sur l’île bretonne.

La scientifique, qui a précédemment mené une étude similaire sur l’archipel de Houat-Hoedic dans le Morbihan, conduit ce travail de terrain sur une période de deux ans, afin d’établir – pour la première fois – une liste des espèces présentes sur l’Île de Groix. Un travail de recensement qui permettra d’évaluer la diversité de ces pollinisateurs ainsi que la présence d’espèces menacées, à l’heure où l’établissement de la première liste rouge des abeilles de France devrait débuter prochainement.

Située à 5 km du continent au large de Lorient, Groix est un sanctuaire unique au monde pour les abeilles mellifères (domestiques ou sauvages). Elle abrite un conservatoire d’abeilles noires ASAN GX, qui travaille pour la préservation de l’abeille à miel locale, Apis mellifera mellifera, dans son milieu naturel.

Depuis 2019, POLLINIS y finance plusieurs projets, dont une étude sur le parasite Varroa destructor ainsi qu’une étude de suivi des colonies sauvages d’abeilles mellifères. Le projet mené par Violette Le Féon sur les espèces sauvages d’abeilles va compléter la compréhension de l’écosystème groisillon et établir un inventaire jusqu’alors quasi inexistant.  « À part quelques données naturalistes très parcellaires, je suis presque partie de zéro », raconte l’écologue.

Depuis septembre 2020, Violette Le Féon a réalisé trois séjours de collectes d’abeilles sur les deux groupes de sites sélectionnés pour fournir un panorama des différents milieux de l’île. D’une part, la réserve naturelle François Le Bail, qui s’étend sur près de 100 hectares et gérée par l’association Bretagne vivante. Constituée de deux secteurs aux extrémités sud-est et nord-ouest de l’île, elle abrite de nombreux oiseaux marins nicheurs. D’autre part, des potagers et des jardins privés en zone habitée, auxquels l’accès a été facilité par l’association ASAN GX, qui finance en partie l’inventaire des pollinisateurs sauvages.

Pollinis à Groix Philippe Besnard
Au sud-est de l’Île de Groix, le phare de la Pointe des chats se dresse à l’extrémité de la réserve naturelle François Le Bail, un des lieux retenus pour l’étude de Violette Le Féon. ©Ph. Besnard/POLLINIS

Xylocopes violets et collètes du lierre

Ces trois premiers séjours de collectes ont permis de capturer plusieurs centaines d’abeilles. Violette Le Féon a d’ores et déjà mis en évidence la présence, par exemple, d’andrènes (genre Andrena), de lasioglosses (genre Lasioglossum), d’halictes (genre Halictus), d’abeilles masquées (genre Hylaeus), de collètes (genre Colletes), d’anthidies (genre Anthidium), de bourdons (genre Bombus) ou de xylocopes (genre Xylocopa).

« Parmi les collètes, nous avons déjà identifié avec certitude la collète du lierre (Colletes hederae), l’une des espèces d’abeilles les plus tardives. Elle apparaît fin août – début septembre et peut être observée jusqu’à mi-octobre environ », explique Violette Le Féon. Les femelles de cette espèce spécialiste du lierre récoltent quasi-exclusivement le pollen de cette plante à la floraison tardive. Elles nidifient dans le sol et forment parfois des bourgades importantes, regroupant leurs nids à un même endroit favorable.

L’île de Groix recèle également des xylocopes violets (Xylocopa violacea), « l’une des plus grosses abeilles que l’on trouve en France. Elle est connue aussi sous le nom d’abeille charpentière, pour sa capacité à creuser le bois pour y installer son nid. Cette espèce peut être observée une grande partie de l’année, généralement d’avril à octobre ».

xylocope violet POLLINIS - Hugues Mouret

Le xylocope violet fait partie des espèces d’abeilles sauvages que l’inventaire a permis d’identifier. ©H. Mouret

Protocole précis

Pour établir – à terme – une liste aussi exhaustive que possible des abeilles sauvages de Groix, les collectes effectuées par Violette Le Féon suivent un protocole précis. Les abeilles sont récoltées lors de sessions de 20 minutes au cours desquelles l’ensemble des abeilles repérables sur un site sont prélevées à l’aide d’un filet, de type « filet à papillons ».

Ces collectes ont lieu à différentes époques de l’année afin de couvrir les périodes de vols variables propres à chaque espèce. « Les abeilles sauvages ont des périodes de vol de quelques semaines ou de quelques mois, certaines abeilles sont printanières, d’autres sont estivales, détaille Violette Le Féon. C’est donc important de venir à plusieurs périodes de l’année ».

Par ailleurs, le comportement des espèces diffère vis-à-vis des conditions météorologiques. « Parmi les abeilles sauvages, les bourdons peuvent voler par temps frais, et lorsqu’il y a un peu de vent… mais d’autres espèces ne sortent que par beau temps», explique l’écologue. Aussi, des conditions météorologiques minimales doivent être respectées lors d’une collecte, qui doit obligatoirement être effectuée « au cours d’un jour sans vent, avec une température supérieure à 15°C, et peu de nuages pour être dans des conditions optimales de vol des abeilles ». 

Processus d’identification

Après la collecte de terrain, le travail de laboratoire permet d’identifier précisément les spécimens capturés, parmi les quelques 1000 espèces d’abeilles sauvages connues en France, et dont certaines possèdent des caractéristiques très ressemblantes. Si les papillons, les libellules ou les sauterelles figurent parmi les insectes pouvant être identifiés sur le terrain après un rapide examen avant d’être relâchés, l’identification des abeilles nécessite un examen plus poussé impossible à réaliser in situ. Il est nécessaire de collecter des spécimens et de les préparer pour qu’ils puissent être examinés par des spécialistes.

 

Violette Le Féon
L’écologue Violette Le Féon prépare les abeilles capturées lors des collectes avant d’entamer le processus d’identification des spécimens. ©Arnaud Le Nevé

« Les échantillons sont préservés dans l’alcool ou au congélateur, raconte l’écologue, puis je les prépare en positionnant l’insecte sur épingle afin de mettre en évidence les parties du corps qui doivent être examinées pour l’identification ».

Violette Le Féon procède ensuite à un premier examen à la loupe binoculaire qui permet d’observer des caractéristiques comme la nervation des ailes ou la pilosité, et de déterminer à quel genre appartient chaque spécimen. Les spécimens sont ensuite envoyés à des spécialistes pour l’identification au niveau de l’espèce. « En France, ou même à l’échelle européenne, les personnes capables d’identifier à l’espèce les abeilles sauvages sont très peu nombreuses, détaille la chercheuse. De plus, chacun n’est expert que d’un ou de quelques groupes d’abeilles bien précis ». L’identification des espèces s’effectue alors à l’aide de clés dichotomiques, un outil reposant sur une succession d’alternatives portant sur les caractères physiques observés. Enfin, la comparaison avec des collections de référence permet de corroborer l’identification.

À l’issue d’un dernier séjour de collecte prévu printemps 2022, l’étude permettra de déterminer si Groix héberge des espèces en danger, répertoriées sur la liste rouge des abeilles d’Europe de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). « Les îles sont des milieux relativement préservés en termes d’urbanisation et d’agriculture intensive, par rapport au continent, explique Violette le Féon, elles peuvent être des refuges pour certaines espèces menacées ailleurs. Nous verrons si Groix abrite ce type d’espèces, comme cela était le cas sur l’archipel de Houat-Hoedic ».

En 2022, la chercheuse devrait présenter à Groix les résultats de cette étude. Un inventaire précieux, tant manquent les données sur les abeilles sauvages, bien moins étudiées que les abeilles domestiques.Liste rouge européenne des abeilles


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