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Pollinisateurs

« Le Parc de forêts et ses pollinisateurs ont complètement surpassé mes attentes »

En juin 2024, les équipes de POLLINIS se sont rendues au Parc national de forêts, entre la Haute-Marne et la Côte-d’Or, pour y rencontrer George Allen. Ce doctorant et spécialiste de l'écologie des pollinisateurs – avec un intérêt particulier pour les abeilles – a été mandaté par l'association pour étudier les butineurs de la zone et, au terme de sa thèse, adresser une liste de recommandations aux gestionnaires du Parc pour protéger et favoriser la diversité de ces insectes floricoles.

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Date : 27 août 2024

Après un premier recensement des pollinisateurs sauvages dans le Parc national de la Vanoise, POLLINIS a mandaté George Allen, doctorant et spécialiste de l’écologie des pollinisateurs à l’université de Reading (Royaume-Uni), pour étudier les insectes butineurs du Parc de forêts. Ce dernier-né des parcs nationaux, dont le cœur s’étend sur plus de 56 000 hectares entre la Haute-Marne et la Côte-d’Or, abrite l’une des plus importantes diversités d’essences d’arbres de France – environ 15 par hectare –, ainsi que de nombreux pollinisateurs, à l’instar du Damier du frêne (Euphydryas maturna) considéré menacé dans l’Hexagone, ou encore plusieurs colonies d’abeilles à miel (Apis mellifera) évoluant en liberté et loin de toute intervention humaine.

En juin 2024, l’association s’est ainsi rendue aux abords de Leuglay, village situé au cœur du Parc national où George Allen allait effectuer des relevés, accompagné de ses deux superviseurs – l’entomologiste Ben Woodcock et l’écologiste spatiale Lucy Ridding, tous deux affiliés au Centre britannique d’écologie et d’hydrologie. « J’ai commencé mon travail préparatoire en octobre 2023 [en Angleterre]. Les six premiers mois se sont centrés sur l’analyse des données existantes pour me faire une idée de la répartition des pollinisateurs, connaître le personnel du Parc, et cadrer mes questions de recherche », explique le doctorant qui a découvert les forêts du Parc en avril 2024.

Pour cette première année, George Allen s’intéresse plus particulièrement à l’influence des clairières sur la diversité des pollinisateurs. « Le Parc compte trois forêts principales, et chacune est sensiblement différente, mais je voulais trouver des sites similaires dans ces trois forêts, détaille-t-il. J’ai donc commencé par chercher des zones ouvertes dans les bois où je pourrais récolter des données sur les fleurs, les pollinisateurs et leurs interactions ». Le doctorant a ainsi retenu 18 clairières se ressemblant, et consacré les semaines suivantes à leur étude. Comme pour la Vanoise, deux méthodes – détaillées en légende des images ci-dessous – ont été employées pour y recenser les pollinisateurs, à savoir les transects et les coupelles colorées.

  • Pollinis

    (1/8) George Allen marche ici dans une des 18 clairières qu’il a identifiées lors de ses premiers jours au Parc national de forêts. Pour le chercheur, ces sites constituent différentes répétitions d’une même expérience.

    ©Philippe Besnard

  • Pollinis

    (2/8) Le doctorant finalise ici l’une des étapes de cette expérience en récoltant, dans des coupelles colorées déposées la veille, les insectes tombés dans l’eau savonneuse qu’elles contiennent. Comme l’explique Ben Woodcock, cette méthode permet de lisser les variations locales ou de météo et de « comprendre quelles espèces sont présentes dans un paysage, dans une zone d’environ cinq ou six cent mètres [autour] ». Bémol : elle ne donne aucune indication sur les interactions entre plantes et pollinisateurs.

    ©Philippe Besnard

  • Pollinis

    (3/8) Les insectes collectés dans chaque coupelle sont ensuite transférés dans une solution permettant de les préserver pour, plus tard, les identifier. Si certains arthropodes s’avèrent relativement simples à reconnaître, à l’instar de ces deux Citrons (Gonepteryx rhamni), d’autres nécessitent un examen plus approfondi, comme pour les nombreuses mouches collectées. « Ce qui justifie nos travaux, ce sont les recommandations que nous pourrons à terme donner aux gestionnaires du Parc pour mieux protéger les pollinisateurs », commente Ben Woodcock.

    ©Philippe Besnard

  • Pollinis

    (4/8) Non loin des coupelles, un autre Citron (Gonepteryx rhamni) mâle se pose quelques instants sur une feuille. Les Citrons, plus rarement dénommés Limon ou Piéride du Nerprun, peuvent être observées presque toute l’année au stade adulte. Ces derniers, décrit le Muséum national d’Histoire naturelle, visitent un grand nombre de fleurs avant d’hiverner dans des arbustes ou des fourrés à feuillage persistant.

    ©Philippe Besnard

  • Pollinis

    (5/8) La réalisation de transects – à savoir la traversée d’un paysage selon une ligne imaginaire afin d’en analyser les composantes – dans chacun des sites permet de pallier les failles des coupelles colorées. Si les transects ne durent que quelques dizaines de minutes, ils permettent en effet de recenser les pollinisateurs de la zone ainsi que les plantes avec lesquelles ils interagissent : il s’agit, comme le résume Ben Woodcock, d’un « aperçu de haute résolution de ces communautés dans un lieu donné et à un moment donné ». 

    ©Philippe Besnard

  • Pollinis

    (6/8) « Il existe plusieurs définitions mais, pour moi, un paysage correspond à une zone avec différentes composantes spatiales et différents types d’habitats. Ici, nous avons les forêts de feuillus, les prairies et les clairières, les champs… Un paysage, c’est justement cette mosaïque et les interactions qui la composent », explique Lucy Ridding, impressionnée par la diversité florale du Parc. Pour l’écologiste spatiale, qui s’intéresse donc à « toutes les données écologiques rattachées à un point géographique », les travaux du doctorant s’avèrent particulièrement pertinents pour mesurer « le degré de protection – et pas seulement la protection ou non – sur une échelle allant de la réserve intérieure aux zones situées dans le parc et à l’extérieur. C’est une chance de pouvoir comprendre cela ».

    ©Philippe Besnard

  • Pollinis

    (7/8) Exemple de la diversité florale du Parc, cette orchidée du genre Ophrys dont la fleur et son odeur visent à tromper les insectes mâles. Ces derniers, en voulant s’accoupler, en récupéreront effectivement le pollen sans que l’orchidée ait à produire du nectar : les malheureux, s’ils sont trompés à nouveau, permettront alors à la plante de se reproduire.

    ©Philippe Besnard

  • Pollinis

    (8/8) « Je ne savais pas à quoi m’attendre avant d’arriver ici », avoue George Allen, « mais le Parc a complètement surpassé mes attentes, tout comme ses pollinisateurs. C’est la plus belle forêt où j’ai jamais été : elle est extrêmement grande, et la biodiversité y est très élevée ». De retour en Angleterre, le doctorant devra attendre le printemps 2025 pour s’y rendre à nouveau. 

    ©Philippe Besnard

De retour au Royaume-Uni, George Allen analyse à présent les données récoltées sur le terrain. Il s’agira ensuite, explique-t-il, de combler les failles identifiées lors de l’analyse. « Je pourrais par exemple étudier les accotements de route, et m’intéresser à l’influence de ces berges abruptes et de ces fleurs murales sur les pollinisateurs et la connectivité qu’elles offrent potentiellement au sein du Parc. Je pourrais aussi me pencher sur l’usage des terres, et à l’impact des différentes terres agricoles ou des forêts de chasse sur la communauté de pollinisateurs au sein du Parc ».

Pour l’association et les chercheurs, l’objectif à terme reste inchangé : établir une liste de recommandations concrètes à destination du personnel du Parc pour y favoriser la diversité des pollinisateurs. Plus largement, cette recherche doit permettre de mieux comprendre non seulement les pollinisateurs sauvages soutenus par le Parc national de forêts, mais aussi la manière dont tous les parcs nationaux contribuent à la conservation de la diversité et de l’abondance des espèces sauvages pollinisatrices.