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Pesticides

Mythes et mensonges de l’agro-industrie pour bloquer la transition agricole

On utilise de moins en moins de pesticides ? Le bio, incapable de nourrir 10 milliards d’humains ? Les agriculteurs, responsables du désastre écologique ? Alors que la transition agricole est désormais une urgence, le discours bien rôdé de l’agro-industrie rend bien souvent inaudibles les arguments en faveur de modèles de production vraiment durables et efficaces. Voici le « Top 10 » de ces arguments mensongers, et comment y répondre.

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Date : 23 mai 2020
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MYTHE N° 1 : « LES PESTICIDES FONT L'OBJET DE TESTS SCRUPULEUX, CEUX QUI SONT AUTORISÉS NE SONT PAS TOXIQUES »...


Nombre de pesticides ont été autorisés, avant d'être retirés du marché, des années ou des décennies plus tard, quand leurs dégâts sur l'environnement ou la santé humaine sont devenus irréfutables. Ces retraits démontrent que les évaluations réalisées en amont de leur commercialisation sont insuffisantes ou inadaptées. Elles reposent en outre sur des données fournies par les industriels eux-mêmes.
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Le système d’homologation des pesticides de l’Union européenne est présenté comme le plus strict au monde. Pourtant, ce système opaque présente de multiples conflits d’intérêts et de très nombreuses failles qui permettent aux firmes agrochimiques de continuer à placer des produits toxiques sur le marchéCommission PEST, 2018. Rapport sur la procédure d’autorisation des pesticides par l’Union Européenne..

Un processus partial

Lors d’une demande d’autorisation de mise sur le marché au niveau européen, ce sont les entreprises agrochimiques elles-mêmes qui fournissent aux autorités sanitaires les études réglementaires, c’est-à-dire les données qui permettent d’évaluer la toxicité de leurs propres substances.

On imagine dès lors la tentation qui existe à minimiser les effets toxiques potentiels d’une molécule et l’ensemble des biais scientifiques qui peuvent jalonner le processus d’homologation… Récemment, un scandale a d’ailleurs révélé que l’un des plus grands laboratoires agréés d’Allemagne, avait durant 15 ans au moins, multiplié les fraudes lors des évaluations et falsifié les résultats afin de « correspondre aux attentes »…Pesticide Action Network, Corporate Europe Observatory, 2020. Dangerous Confidence in “Good Laboratory Practice”.

Le culte du secret et de l’ignorance

Ces études réglementaires sont par ailleurs « confidentielles », considérées par les firmes et les autorités comme des secrets des affaires. Les parties les plus « sensibles » sont inaccessibles au public ou aux scientifiques, qui ne sont donc pas en mesure de fournir de contre-expertise indépendante.

Lorsque des chercheurs se penchent sur une substance et révèlent ses effets délétères, le règlement européen prévoit que la Commission européenne puisse prendre en compte ces résultats, mais dans les faits, les études indépendantes sont rarement versées au dossier, sauf éventuellement au moment de la réévaluation de cette substance, c’est-à-dire tous les dix ans.

Des tests insuffisants et inadaptés

Par ailleurs, les protocoles de tests demandés dans les études réglementaires, qui sont censés détecter la toxicité d’un pesticide pour la santé et l’environnement, sont lacunaires et obsolètes face aux modes d’action des nouvelles générations de pesticides.

De nombreux effets toxiques notoires ne sont toujours pas examinés, comme l’incidence des cocktails de pesticides utilisés simultanément dans les champs, les modifications épigénétiques (l’altération du fonctionnement des gènes), ou encore l’impact des nanoparticules (technologies en pleine expansion)…Santé et travail, 2019. « Des nanos dans les pesticides. » La détection des pesticides agissant comme perturbateurs endocriniens n’en est qu’à ses balbutiements, alors même qu’un règlement européen les interdit depuis 2009Règlement (CE) No 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil..

Quant aux impacts des pesticides sur les pollinisateurs, les tests obligatoires actuellement en vigueur ne permettent pas de les détecter réellement : seuls des tests de toxicité aigüe (effets néfastes après une exposition unique à une forte concentration de substance) sont réalisés systématiquement, mais uniquement sur les abeilles domestiques et pas sur les milliers d’autres espèces de pollinisateurs sauvages indispensables à la reproduction des plantes à fleurs.

La toxicité chronique d’une substance (effets néfastes après une exposition répétée sur une longue durée et à une faible concentration) et la toxicité de ses métabolites (molécules issues de sa dégradation) ne sont toujours pas testées de façon systématique. Ni son impact sur les larves, ni ses effets sublétaux (qui ne tuent pas immédiatement), comme la perte de l’orientation, l’affaiblissement du système immunitaire, les troubles de la reproduction, etc.

Ravages sur les écosystèmes et maladies graves

Ces failles du système d’homologation expliquent largement l’accumulation d’études montrant les dégâts infligés par les pesticides autorisés sur les écosystèmes : déclin des insectes, disparition des oiseaux, contamination des milieux aquatiques et de l’air, stérilisation et pollution des sols…

La population elle aussi est exposée à toutes sortes de substances chimiques dont les dangers restent mal évalués. Au fil des ans, la liste des pathologies imputées à l’exposition aux pesticides ne fait que s’allonger : maladie de Parkinson, cancer de la prostate, cancers hématopoïétiques, myélomes multiples…

Les « doses journalières autorisées » de résidus dans les aliments, censées protéger le consommateur, n’ont pas de sens puisque des cocktails de molécules s’accumulent dans l’organisme avec des effets encore méconnus, et que les perturbateurs endocriniens sont dangereux à des doses infimes.

L’impact de ces contaminations multiples est d’autant plus inquiétant qu’elles commencent in uteroGuldner et al., 2015. Exposition aux polluants de l'environnement des femmes enceintes et de leurs enfants in utero.. Le chlorpyrifos, un insecticide connu pour être un perturbateur endocrinien, a été interdit en 2020, après des décennies d’utilisation et des dégâts considérables : il est nocif pour le cerveau du fœtus et des jeunes enfants et peut provoquer retard de développement, troubles autistiques, déficits intellectuels…

Début 2020, un fonds d’indemnisation officiel destiné aux professionnels victimes des pesticides a même été créé en France, comme pour les victimes de l’amiante. Cette création se justifie notamment par la responsabilité de l’État, qui délivre et maintient des autorisations de mise sur le marché des produits commercialisés (quand l’Union européenne permet l’homologation des seules substances actives). Les indemnisations de ce fonds pourraient atteindre 53 millions d’euros d’ici à 2022. Des sommes censées compenser les failles du système d’homologation.

Lobbying agressif et guerre d’usure

De son côté, l’agrochimie déploie en coulisse un lobbying acharné pour maintenir ses produits sur le marché et éviter toute réforme du système d’homologation défavorable à ses intérêts financiers. Elle fait pression sur les institutions et les représentants politiques, infiltre les cercles de décisions scientifiques, influence la conception des protocoles de tests… L’agrochimie est ainsi parvenue à faire bloquer depuis 2013 l’adoption par l’Union européenne de nouveaux tests efficaces, les « tests abeilles », bien plus efficaces et appropriés pour évaluer réellement la toxicité des pesticides sur ces insectesPOLLINIS, 2019. Pesticides et pollinisateurs : la Commission et les États membres sont-ils en train de céder aux pressions de l’agrochimie ? Note de synthèse.

Et lorsque les méfaits d’un pesticide deviennent trop évidents, l’agrochimie pratique la « stratégie du doute », calquée sur celle de l’industrie du tabacLe Monde, 2019. « La confrérie des insectes, ces scientifiques indépendants qui enquêtent sur la disparition des abeilles. »:  financement d’ « études scientifiques » favorables, recherches pointant d’autres causes que les pesticides pour faire diversion, diffamation des chercheurs qui critiquent leurs produits… Une propagande menée tambour battant, jusqu’aux forums sur internet et aux réseaux sociaux, où les lobbyistes de l’agrochimie répandent la désinformation.

Le combat pour faire retirer des produits du marché revient alors souvent aux citoyens et à la recherche indépendante qui doivent faire pression sur les autorités. Dans le cas des néonicotinoïdes, les plus connus des « tueurs d’abeilles », il aura fallu attendre 24 ans en France !

Le fait même que les autorités sanitaires retirent régulièrement des pesticides du marché est tout sauf rassurant : ces retraits révèlent les déficiences du processus d’homologation qui n’a pu déceler en amont la dangerosité des produits.

MYTHE N° 2 : « DE TOUTE FAÇON, ON UTILISE DE MOINS EN MOINS DE PESTICIDES »...


Contrairement aux engagements des gouvernements successifs, l'usage de pesticides en France est loin d'avoir diminué, il a même augmenté ces dernières années. Et cette hausse, quantitative, se double d'une augmentation de la puissance des dernières générations de produits.
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Entre 2017 et 2018, le marché mondial des pesticides a augmenté de 6 %, pour atteindre 51 milliards d’eurosIHS Markit, 2018. Crop Science Market Insights and Forecasting.. En France, première bénéficiaire des aides agricoles européennes (avec des exploitations agricoles qui sont les plus vastes d’Europe)Heinrich Böll Foundation. Agriculture Atlas 2019., la consommation de ces produits n’a fait qu’augmenter malgré les plans successifs lancés par le gouvernement depuis 2008Note de suivi Écophyto, 2017.: le plan Ecophyto I avait fixé pour objectif de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2018 ; le plan Ecophyto II a repoussé cet objectif à 2025 et un plan Ecophyto II+ a été annoncé en 2019.

Selon la Direction régionale et interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Driaaf) d’Île-de-France, l’usage des produits phytosanitaires a augmenté de 22 % entre 2008 et 2015. L’indicateur NODU (Nombre de doses unités) révèle une moyenne de 76 doses unités par hectare en 2008, passée à 94 en 2015.

De plus, alors que les volumes ne baissent pas, les dernières générations de molécules ont des effets plus puissants que les précédentes. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae, ex INRA, Institut national de la recherche agronomique) a ainsi constaté l’apparition, au début des années 2000, de nouvelles substances actives utilisées à de très faibles doses à l’hectare (quelques dizaines de grammes voire même quelques grammes)Inrae, 2011. Expertise scientifique collective..

Les néonicotinoïdes, en particulier, agissent à des doses minimes : un gramme d’imidaclopride peut tuer autant d’abeilles que 7,3 kilogrammes du célèbre DDTLe Monde, 2018. « Pourquoi les pesticides sont bien l'une des causes du déclin des oiseaux. »! Ce sont les insecticides les plus puissants jamais synthétisés et ils ont été utilisés pendant un quart de siècle (ils sont désormais interdits en France, mais toujours partiellement autorisés en Europe).

Quant aux agriculteurs, ils se retrouvent piégés dans une spirale de dépendance à la chimie. Les organismes ciblés (insectes ravageurs, champignons et mauvaises herbes) parviennent au fil des ans à développer des résistances, et lorsque les produits ne sont plus efficaces, l’agrochimie propose alors de nouvelles substances pour les remplacer.

La chimie de synthèse n’est pourtant pas un mal indispensable. L’agriculture biologique s’en passe très largement, en privilégiant des techniques culturales (rotation des cultures…), des techniques mécaniques pour le désherbage, certaines variétés de semences adaptées, la lutte biologique contre les nuisibles, etc. Les intrants de synthèse sont limités strictement à des cas exceptionnels.

Selon une étude menée en France pendant quatre ans sur des parcelles de colza, les cultures peuvent s’avérer bien plus rentables avec une forte pollinisation, grâce à la présence de nombreux insectes pollinisateurs, qu’avec l’usage de pesticides, qui tend à les éradiquerPOLLINIS, 2019. Entretien avec Vincent Bretagnolle..

MYTHE N° 3 : « UTILISÉS CORRECTEMENT, LES PESTICIDES NE SONT PAS DANGEREUX »...


Par cette affirmation, l'agrochimie cherche à se défausser de ses responsabilités et à incriminer les agriculteurs. Les études montrent pourtant que les pesticides, même utilisés correctement, se retrouvent dans l'air, l'eau, la terre et que des effets collatéraux sont inévitables.
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D’un côté, l’industrie agrochimique conçoit et commercialise des substances dangereuses. De l’autre, les autorités politiques (et les agences sanitaires sous leur tutelle) décident des règles d’homologation et prennent la responsabilité d’autoriser la vente de ces produits.

Pourtant, ce sont les agriculteurs qui sont pointés du doigt face aux ravages des pesticides sur l’environnement et la santé humaine…

Les produits qu’ils utilisent sont parfois si dangereux qu’il faut porter, pour les appliquer sur des aliments et dans la nature, des combinaisons de protection imperméables renforcées et des masques respiratoires avec filtre. Certains sont identifiés comme CMR : cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. Des substances dont la notice à rallonge annonce déjà tous les impacts nocifs qu’ils auront sur la santé et l’environnement une fois déversés en extérieur. Dans le catalogue de BASF (l’une des plus grandes entreprises d’agrochimie au monde), la notice d’utilisation du fongicide Voxan annonce par exemple que ce produit est à la fois « susceptible de provoquer le cancer », « susceptible de nuire à la fertilité et au fœtus », et qu’il « entraîne des effets néfastes à long terme ».

Pas étonnant que les exploitants et ouvriers agricoles soient victimes des pesticides qu’ils utilisent Sciences et avenir, 2015. « Les agriculteurs sont bien victimes des pesticides. ». L’impact potentiel de ces produits sur leur santé est désormais connu et reconnu : développement de certains cancers et maladies neurodégénératives…Inserm, 2013. Pesticides : effets sur la santé.. (Voir Mythe N°9 : « LES AGRICULTEURS ONT FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE ET EN SONT LES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES ».

Imaginer, comme c’est le cas sur les notices et les règlements, que les agriculteurs peuvent circonscrire ces produits dans un espace restreint relève de la pure fiction puisqu’ils sont destinés à être épandus en extérieur. Ils se dispersent ensuite inévitablement dans l’environnement, s’infiltrent dans les sols, ruissellent dans les cours d’eau et voyagent dans l’air que nous respirons…

Selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), la déperdition des produits lors de leur application par pulvérisation sur les feuillages « est de l’ordre de 10 à 70 % vers le sol et de 30 à 50 % vers l’air ».  Et ce, jusque dans les zones urbaines : une étude d’AirParif, association agréée par le ministère de l’Environnement pour surveiller la qualité de l’air en Île-de-France, a relevé des traces de plus de 80 pesticidesAirparif, 2016. Les pesticides dans l'air francilien..

Quant aux pesticides dits systémiques, ils se diffusent dans toutes les parties de la plante au fur et à mesure de sa croissance : feuilles, pollen, nectar, eaux de guttation (« transpiration » des plantes). Les plantes propagent alors en continu ces poisons dans l’environnement, affectant la fauneF. Sánchez-Bayo et K. Wyckhuys, 2019. Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers. Biological Conservation. , en particulier les pollinisateurs.C. Lu et al., 2020. A Review of Sub-lethal Neonicotinoid Insecticides Exposure and Effects on Pollinators. Biology and Pollution. S. Tosi et J. Nieh, 2019. Lethal and sublethal synergistic effects of a new systemic pesticide, flupyradifurone (Sivanto®), on honeybees. Proceedings of the Royal Society B-Biological Sciences. Même en respectant scrupuleusement toutes les notices et les recommandations, les agriculteurs ne peuvent pas contrôler les interactions des pesticides avec le vivant, leurs ravages sur la faune, la flore et la santé humaine. Ils ne peuvent donc pas en être tenus pour responsables.

MYTHE N° 4  : « SEULE L'AGRO-INDUSTRIE POURRA NOURRIR UNE PLANÈTE QUI COMPTERA BIENTÔT 10 MILLIARDS D'HABITANTS »...


L'agriculture mondiale produit d'ores et déjà plus qu'il n'en faut pour nourrir l'humanité, mais un tiers de cette production est gaspillé. Qui plus est, l'agro-industrie représente davantage une menace qu'un bienfait pour les futures  générations : elle détruit la vie des sols, épuise les ressources en eau, contamine l'environnement et contribue au réchauffement climatique.
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Selon l’agronome Marc Dufumier, « on peut largement nourrir 10 milliards de personnes avec une agriculture intelligente et durable »Le Monde, 2019. « L’agroécologie peut parfaitement nourrir 10 milliards d’humains ».. Demain, il ne serait pas nécessaire de produire excessivement plus.

La priorité réside davantage dans la réduction drastique du gaspillage alimentaire. En effet, le tiers des denrées alimentaires produites mondialement n’est même pas consommé : problèmes de stockage et de réfrigération dans les pays à faible revenus, gaspillage par les consommateurs dans les pays occidentauxFAO, 2015. Vibrant appel du chef de la FAO : changeons notre façon de produire la nourriture. .

Par ailleurs, un tiers de la surface agricole mondiale sert actuellement à produire des céréales pour le bétail. Une diminution de la consommation de viande permettrait de libérer les terres agricoles aujourd’hui destinées au bétail et à son fourrage, pour y produire des aliments destinés directement aux humains.

Un rapport, publié début 2019 dans la revue médicale The Lancet, qui a mobilisé pendant trois ans 37 experts de 16 pays, établit un « régime de santé planétaire ».The Lancet, 2019. Food in the Anthropocene: the EAT–Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems. Son but : garantir un « équilibre entre les besoins en matière de santé humaine et les impacts environnementaux ». Ce régime alimentaire sain permettrait d’éviter 11 millions de morts par an à partir de 2030, tant les améliorations en matière de santé seraient importantes.

« Aujourd’hui, 820 millions de personnes souffrent de sous-nutrition, alors que 2,4 milliards d’autres consomment trop de calories », notent les auteurs. Les problèmes d’obésité à travers le monde, source de nombreuses maladies, remettent drastiquement en question la qualité de l’alimentation produite par l’agro-industrie, notamment les produits transformés, malsains et à faible valeur nutritionnelle.

Avec l’épuisement des sols, la contamination de l’air et de l’environnement, l’agriculture conventionnelle fait partie du problème, et non de la solution. Elle dilapide les ressources en eau et contribue à aggraver le réchauffement climatique. Or, les dérèglements du climat pourraient à leur tour provoquer une hausse de 20 % du nombre de personnes souffrant de la faim d’ici 2080. Les habitants de la planète, quelque soit leur nombre, auront besoin avant tout de systèmes alimentaires durables.

MYTHE N° 5 : « AVEC SES RENDEMENTS FAIBLES ET SES COÛTS ÉLEVÉS, L'AGRICULTURE BIO EST INCAPABLE DE NOURRIR LE MONDE »...


En réduisant le gaspillage alimentaire et en remplaçant une partie de la consommation de produits d'origine animale par des alternatives végétales, il serait possible de nourrir tous les habitants de la planète avec l'agriculture biologique, sans même augmenter les surfaces agricoles.
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« L’agriculture biologique ne produira jamais assez pour nourrir le monde », assenait en 2017 Erik Fyrwald, le patron du géant suisse de l’agrochimie Syngenta, dans le journal genevois Le TempsLe Temps, 2017. « L’agriculture bio ne produira jamais assez pour nourrir le monde. ». Pourtant, une étude publiée la même année dans la revue Nature affirme le contraire : ce serait tout à fait possible, et ce, sans même augmenter la superficie de terres agricoles et tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. À condition toutefois de réduire le gaspillage alimentaire et la consommation de produits d’origine animale.

« Les tenants de l’agrochimie brandissent toujours le rendement à l’hectare comme argument massue. Ce qui est important […] c’est de prendre en compte ce qu’on produit, mais aussi ce qu’on détruit. L’agriculture productive produit certes beaucoup, mais elle est aussi destructrice puisqu’elle emploie des produits chimiques toxiques et des carburants fossiles. Son bilan net est très faible, de l’ordre d’un cinquième du produit brut », estime Marc Dufumier, ancien professeur d’agronomie à AgroParisTechLe Monde, 2019. « L’agroécologie peut parfaitement nourrir 10 milliards d’humains »..

L’agriculture conventionnelle détruit dangereusement les sols (appauvrissement, contaminations, compactage) et les ressources en eau. Elle est également responsable du déclin vertigineux des pollinisateurs, pourtant indispensables à la production de 75 % des cultures vivrières. À terme, elle représente donc une menace pour la sécurité alimentaire mondiale, et non une solution pour nourrir le mondeAizen et al., 2019. Global agricultural productivity is threatened by increasing pollinator dependence without a parallel increase in crop diversification. Global Change Biology..

L’agroécologie, en revanche, permet de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes tout en préservant les ressources naturelles. Ces techniques permettent à la fois d’utiliser au maximum la nature comme facteur de production et de maintenir ses capacités de renouvellement en diminuant les pressions sur l’environnement, les émissions de gaz à effet de serre et en limitant le recours aux produits phytosanitaires.

En 2018, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a publié un plan de transition vers l’agroécologie à l’échelle européenne qui permettrait de nourrir l’Europe sans pesticides d’ici trente ansIddri, 2018. Une Europe agroécologique en 2050.. Seul un tel modèle de production durable pourra assurer la sécurité alimentaire, en n’affectant pas davantage l’environnement et le climat.

Mais en 2017, ce modèle ne représentait que 1,1 % de l’ensemble du territoire agricole mondial. En France, 6 % des surfaces sont cultivées en bio, contre 23 % en AutricheAgence Bio, 2017. La bio dans l'Union européenne. . Pour engager cette transition, l’impulsion des politiques publiques reste indispensable. La recherche publique, par exemple, doit rapidement porter sur l’innovation en agroécologie pour la soutenir.

MYTHE N° 6 : « L'AGRICULTURE INDUSTRIELLE EST UN MODÈLE COMPÉTITIF ET PEU COÛTEUX, QUI GARANTIT UNE ALIMENTATION BON MARCHÉ »...


Une telle affirmation fait volontairement l'impasse sur les coûts cachés de l'agriculture conventionnelle. Ces coûts exorbitants – dépollution, prise en charge des maladies liées aux pesticides... – ne sont pas pris en compte dans le prix des produits. Ils sont néanmoins payés par les citoyens, à travers leurs impôts et cotisations sociales.
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Lorsque le consommateur achète des produits de l’agro-industrie, il les paie en réalité bien plus que le prix affiché en supermarché. En effet, les nombreux « coûts cachés » de la production conventionnelle sont couverts par les finances publiques et donc par les impôts.

Ainsi, l’agriculture conventionnelle en Europe bénéficie de subventions massives dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), dont le budget s’élève à 58 milliards d’euros annuel (soit 40 % du budget de l’Union européenne). Les aides de la PAC sont captées par les plus grandes exploitations et ne sont pas suffisamment conditionnées à des critères environnementaux.

Par ailleurs, les dommages causés par l’agriculture conventionnelle sont supportés par la collectivité. La sécurité sociale doit prendre en charge les maladies provoquées par l’exposition aux pesticides via l’air, l’eau et l’alimentation (notamment maladie de Parkinson, certains types de cancers, impacts sur le développement des bébés in utero, troubles cognitifs, problèmes de fertilité…)Inserm, 2013. Pesticides, Effets sur la santé..

La réparation des dégradations des milieux naturels incombe aussi à la collectivité, comme l’épuration des eaux : l’impact de l’agriculture sur la pollution de l’eau en France est estimé entre 0,9 et 1,5 milliards d’euros par an, selon le Commissariat général au développement durableCGDD, 2011..

La destruction de la biodiversité, la disparition des pollinisateurs, l’appauvrissement des sols, font clairement peser une menace sur la sécurité alimentaire, tout comme le montre un rapport parlementaire français publié en 2018, qui s’inquiète officiellement de ces impacts dévastateursAdeme, 2018..

En février 2020, des scientifiques lancent un « avertissement à l’humanité », et préviennent qu’un demi-million d’espèces d’insectes sont menacées d’extinction, à cause principalement de la dégradation de leurs habitats et des pesticides.P. Cardoso et al, 2020. Scientists’ warning to humanity on insect extinctions. Biological Conservation. Leur disparition aurait des conséquences catastrophiques. De nombreuses espèces d’insectes sont des fournisseurs de services vitaux qui sont irremplaçables, notamment la pollinisation, le cycle des nutriments et la lutte contre les parasites.

À l’échelle mondiale, les cultures qui nécessitent une pollinisation par les insectes ont une valeur économique d’au moins 235 à 577 milliards de dollars par an, selon l’IPBES, plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.

Selon une étude publiée par l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), les pesticides ont coûté en moyenne 40 milliards de dollars par an à l’économie américaine dans les années 1990, pour un gain de seulement 27 milliards de dollarsLe Monde, 2016. « Et si les pesticides coûtaient plus qu’ils ne rapportent ? ». Les coûts sanitaires et environnementaux de l’agriculture conventionnelle sont en réalité exorbitants. S’ils étaient inclus dans les prix, ce modèle s’effondrerait rapidement et l’agriculture biologique se révèlerait bien plus compétitive.

Une répartition plus juste des aides agricoles, leur conditionnement à des pratiques agroécologiques et à une sortie progressive des pesticides, permettraient de faciliter l’accès de tous à des aliments plus sains, dans le respect de l’environnement.United Nation – Human Rights Council, 2017. Report of the Special Rapporteur on the right to food. Enfin, le poids de l’agro-industrie dans le captage de la valeur doit être diminué, par la mise en place de filières courtes et équitables, assurant à la fois un revenu digne aux agriculteurs et un prix accessible aux consommateurs. Une étude de l’Insee de 2017 montre que l’agriculture bio est plus rentable pour les paysans que le modèle agrochimique, leurs dépenses étant bien moindres (économies d’engrais, de pesticides…)Insee, 2017. Les exploitations en agriculture biologique : quelles performances économiques ?.

MYTHE N° 7 : « PRODUIRE PLUS GRÂCE À L'AGRO-INDUSTRIE EST LE SEUL MOYEN DE RÉSOUDRE LE PROBLÈME DE LA FAIM DANS LE MONDE »...


Changements climatiques, catastrophes naturelles, guerres et conflits, inégalités, déséquilibres des échanges commerciaux... La faim dans le monde n'est plus une question de quantité produite, mais un problème multifactoriel d'accès à une alimentation de qualité.
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La production alimentaire actuelle est déjà largement suffisante pour nourrir la planète. Elle dépasse même les besoins : 2 800 calories (kcal) par personne et par jour en moyenne, soit 300 kcal de plus que nécessaireS. Rebulard, 2020. Nourrir 9 milliards de personnes en 2050.. La production mondiale de céréales est d’environ 330 kilos par personne et par an, alors que 200 suffiraient.

Pourtant 820 millions de personnes souffrent actuellement de la faim, soit plus d’une sur dix. En cause, la mauvaise distribution des ressources alimentaires, liée notamment à la pauvreté et aux inégalités sociales selon un rapport des Nations unies de 2019Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 2019. The state of food security and nutrition in the world.. Il s’agit d’un problème économique et politique d’accès à la nourriture et non de production.

Toujours selon les Nations unies, l’insécurité alimentaire touche actuellement 20 % de la population sur le continent africain, 12 % en Asie, 7 % en Amérique latine. Elle sévit dans les situations de conflits armés ou de catastrophes naturelles, souvent liées au changement climatique en coursUN – Human Rights Council, 2020. Critical perspective on food systems, food crises and the future of the right to food. .

Mais les pays où la faim a le plus augmenté ces dernières années sont des États émergents spécialisés dans des monocultures agricoles d’exportation (cacao, coton, huile de palme, soja et maïs), productions exposées à la spéculation et à la volatilité des prix sur les marchés internationaux. Ainsi, les principales victimes de la faim sont, paradoxalement, des populations paysannes.

Pour remédier à cette situation, chaque pays devrait pouvoir assurer sa souveraineté alimentaire grâce à la valorisation des cultures vivrières locales. L’inverse de ce que prônent l’agro-industrie et les tenants de l’agriculture conventionnelle mondialisée.

MYTHE N° 8 : « L’AGRICULTURE INDUSTRIELLE PEUT ET DOIT COEXISTER AVEC SES ALTERNATIVES »...


Déverser des pesticides chimiques dans un champ, sans contaminer les terres avoisinantes, reste illusoire. Continuer à détruire la nature et à menacer la santé humaine alors qu'il existe des alternatives est une position insoutenable.
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Selon l’un des arguments brandi haut et fort par l’agro-industrie, différents modèles devraient coexister au sein d’un même pays. Pourtant, maintenir un système agricole désastreux pour la santé et l’environnement, en lieu et place d’un modèle durable et sain, n’a pas de sens.

La coexistence des deux modèles est aussi problématique sur le terrain : comment cultiver une parcelle en bio, lorsque la parcelle voisine est imprégnée de pesticides chimiques qui se disséminent aux alentours ? Une étude menée sur les champs en agriculture biologique du plateau suisse a ainsi montré que 90 % d’entre eux étaient contaminés par des pesticides….Humann‐Guilleminot et al., 2019. A nation‐wide survey of neonicotinoid insecticides in agricultural land with implications for agri‐environment schemes. Journal of Applied Ecology.Le modèle dominant permet aussi à l’agro-industrie de s’approprier le vivant, notamment les semences, rendant difficile l’existence de modèles alternatifs. En effet, seules les semences inscrites au catalogue officiel des espèces et variétés sont autorisées à la commercialisation. Ce catalogue n’accepte que des semences « homogènes et stables ».

Ces critères n’admettent que des cultivars, sélectionnés par l’industrie semencière, et obligent les agriculteurs à renouveler leurs semences chaque saison. Les semences naturelles, capables de s’adapter aux aléas climatiques ou à la diversité des sols notamment, en sont exclues. Ce processus dépossède les paysans de leur savoir-faire et de la maîtrise de leur matière première. Sans semences adaptées à des modèles plus extensifs et résilients, il s’avère difficile de développer des modèles alternatifs.

L’urgence est aussi environnementale : en novembre 2019, cinq organisations scientifiques, représentant 2 500 experts, ont adressé une lettre ouverte à la présidente de la Commission européenne, intitulée « Réformer la PAC : une agriculture néfaste qui détruit la nature »Lettre ouverte au Parlement européen, 2019. Reform the CAP: harmful agriculture is destroying nature.. Ils  dénoncent l’intensification agricole comme cause majeure de la diminution effarante du nombre d’oiseaux en Europe (les populations ont été divisées par plus de moitié entre 1980 et 2015), et du déclin de plus des trois quarts des insectes dans certaines régions.

Jérôme Dehondt, agriculteur et cofondateur du Miramap (mouvement inter-régional des AMAP) rappelle que « l’agriculture dite dominante ne l’est que dans nos pays industrialisés, puisque ce qui continue de nourrir le monde, c’est encore la paysannerie. L’agriculture industrielle est pour moi une anomalie, développée par la volonté politique. Elle n’est performante à aucun point de vue : elle ne permet ni de nourrir les habitants de la planète, ni de préserver notre écosystème et encore moins de répondre aux enjeux sociétaux. » Selon cet agriculteur, prôner la coexistence, « c’est refuser de voir la faillite annoncée [de l’agriculture conventionnelle] et nier à la population agricole une transition qui sera d’autant plus rude si elle n’est pas anticipée »Transrural initiatives, 2017. Pour ou contre la coexistence des systèmes agricoles ?.

Et d’un point de vue sociétal, il semble injustifiable qu’une alimentation saine, sans résidus chimiques, ne soit accessible qu’à une partie de la population, tandis que les moins favorisés devraient se contenter de produits de moins bonne qualité sanitaire.

MYTHE N° 9 : « LES AGRICULTEURS ONT FAIT LE CHOIX DE CE MODÈLE ET EN SONT LES PRINCIPAUX BÉNÉFICIAIRES »...


L'industrialisation de l'agriculture a eu des effets dévastateurs dans le monde rural. Nombre de paysans n'ont eu d'autre choix que d'abandonner leurs exploitations et de déserter les campagnes. Beaucoup de ceux qui restent croulent sous les dettes et survivent sous perfusion d'aides publiques... quand ils ne sont pas acculés au suicide.
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La soi-disant « révolution verte », impulsée par les politiques d’après-guerre, a radicalement transformé le monde rural français. Les agriculteurs ont été sommés d’engager les investissements considérables essentiels à l’intensification de l’agriculture : foncier, produits phytosanitaires (pesticides et engrais chimiques de synthèse) pour « booster » et protéger les semences industrielles, agro-équipement (tracteurs, etc.) de plus en plus imposants pour cultiver des surfaces de plus en plus vastes. Ceux qui n’ont pu se conformer aux nouvelles orientations ont été contraints d’abandonner leur exploitation.

Soixante ans plus tard, le bilan de l’industrialisation agricole est dramatique en matière d’emploi : les paysans, qui représentaient 20 % de la population française active en 1950, ne sont plus que 2 % aujourd’hui. Plus de 55 % des exploitations agricoles ont disparu entre 1988 et 2013, et leur taille augmente en revanche continuellement.

Ces exploitations surdimensionnées dépendent principalement des banques et des subventions publiques pour survivre. Loin des promesses de la révolution verte, les agriculteurs se retrouvent aujourd’hui les grands perdants de ce modèle. Ils sont pris en étau, entre l’amont de la filière (banques, semenciers, agro-chimie et agro-fourniture) et son aval (industries agro-alimentaires, négociants et grande distribution).

Désormais, l’essentiel de la valeur de l’alimentation est capté par l’agro-industrie, la grande distribution et les spéculateursBasic, AScA, Ademe, 2018. Analyse des effets économiques et sociaux d'une alimentation plus durable.. Les prix et la valeur ajoutée des produits agricoles diminuent depuis 20 ans. Ainsi en 2013, pour 100 euros dépensés en alimentation, la part perçue par les agriculteurs n’était que de 6,2 €.

Paupérisés, la majorité des agriculteurs ne survivent que grâce aux subventions, qui peuvent représenter jusqu’à 80 % de leur revenu direct. Cette manne est cependant captée en grande partie par les exploitations les plus vastes (1,8 % des bénéficiaires d’aides récupèrent 32 % des subventions), ce qui encourage l’intensification et désavantage les petits producteurs. Et, malgré ces aides, en 2010, l’endettement moyen des exploitations couvertes par le Réseau d’information comptable agricole s’élevait en moyenne à 159 700 euros.

La responsabilité d’avoir incité les agriculteurs à une consommation effrénée de pesticides de synthèse incombe aux autorités, qui orientent la politique agricole. Les « conseillers agricoles », souvent employés des chambres d’agriculture, sont également en cause : chargés de prodiguer des recommandations d’usage, ils vendent aussi les produits (pesticides, engrais…), un conflit d’intérêt évident. Par leurs interventions, ils ont ancré depuis des décennies la pratique d’un usage intensif dans le monde rural. À partir de janvier 2021, les activités de conseil et de vente devraient enfin être séparées.

Les exploitants et ouvriers agricoles peuvent aussi être victimes des pesticides qu’ils utilisent dans les champs Sciences et avenir, 2015. « Les agriculteurs sont bien victimes des pesticides. ». L’impact potentiel de ces produits sur leur santé, bien qu’encore tabou dans les campagnes, est désormais reconnu (notamment le développement de certains cancers et maladies neurodégénératives)Inserm, 2013. Pesticides : effets sur la santé.. Un fonds pour les victimes des pesticides a été créé le 1er janvier 2020, pour une indemnisation dans le cadre d’une exposition professionnelleAssemblée nationale, 2019. Fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. . La création de ce fonds est justifiée « par la responsabilité de l’État qui a délivré et maintenu des autorisations de mise sur le marché des pesticides », selon le rapport de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée. Les citoyens sont donc contraints de financer en partie la réparation des dégâts causés par les pesticides, tandis que l’agrochimie continue de vanter de façon mensongère l’innocuité de ses produits.

Au mythe selon lequel l’agriculture conventionnelle profite aux agriculteurs, s’oppose une réalité tout autre : celle d’une profession en souffrance (endettement, faibles revenus, exposition aux pesticides et taux de suicide tristement médiatisés…). Une profession que les tenants du modèle conventionnel prétendent pourtant encore et toujours défendre.

MYTHE N° 10 : « LA 'HIGH TECH' VA PERMETTRE À L'AGRO-INDUSTRIE DE DEVENIR DURABLE »...


Remplacer les pollinisateurs décimés par l'agriculture conventionnelle par des robots ou créer des abeilles transgéniques résistantes aux pesticides ne sont pas des solutions d'avenir. Ces propositions ne feront que rendre les agriculteurs plus dépendants de l'industrie, en privatisant un service gratuit rendu par la nature.
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Grâce à des « innovations techniques », l’agro-industrie promet de devenir « durable » et de répondre aux défis du changement climatique. Mais la technologie ne résoudra pas les problèmes de fond de ce modèle, son usage de la chimie de synthèse, son impact destructeur et son joug sur le monde paysan.

Des capteurs, des satellites et des robots permettraient peut-être d’appliquer des doses moins importantes de pesticides… mais cela ne mettra pas un terme à leur toxicité sur la nature et la santé. Et peut-on parler de « progrès » quand le maïs et le soja OGM « Roundup Ready », de Monsanto, sont destinées à être arrosés de l’herbicide en question…

Par ailleurs, cette technologie, qui coûtera sans doute très cher aux agriculteurs, les piège un peu plus dans la dépendance vis-à-vis des banques et des multinationales agro-industrielles, qui les fournissent en pesticides… et en semences qu’ils doivent racheter chaque année.

Pour remplacer les pollinisateurs anéantis par les cocktails chimiques répandus dans les champs, des laboratoires du futur mettent au point des prototypes de drone-abeille, comme le minuscule RoboBee X-Wing, en cours de développement à l’université de Harvard…

Autre piste envisagée, la création d’abeilles transgéniques résistantes aux pesticides : « Des efforts seront donc bientôt déployés pour créer des abeilles domestiques possédant des caractéristiques bénéfiques sur le plan industriel, telles que la résistance aux pesticides », indique ainsi une étude récenteAlison McAfee et al. 2019. Feminizer and doublesex knock-outs cause honey bees to switch sexes. PLOS Biology..

Ces technologies serviront donc, par du bricolage high tech, à maintenir le système conventionnel à bout de souffle et destructeur, dans le but de préserver coûte que coûte les profits de l’agro-industrie. Voire même de les augmenter, puisqu’il s’agit de privatiser et de vendre des services normalement gratuits rendus par la nature. L’urgence est donc de sortir de cette impasse et d’affranchir les agriculteurs de l’emprise de ces firmes.

Les modes de production alternatifs (agroécologie, permaculture, agroforesterie, sortie des monocultures…) sont les seuls modèles durables capables de répondre au changement climatique, à la dégradation des sols et à l’effondrement de la biodiversité.