fbpx

Pesticides / SDHI

SDHI : POLLINIS demande la suspension immédiate du boscalid au Tribunal de l’UE

Date : 14 février 2024

Ce vendredi 9 février, POLLINIS a déposé un recours contre la décision de la Commission européenne de prolonger, pour la 6e fois et pour trois années supplémentaires, l’autorisation de mise sur le marché du boscalid, l’un des fongicides SDHI les plus répandus en Europe. Alors que s’accumulent les études scientifiques démontrant les risques que ces substances font peser sur la santé et la biodiversité, la Commission continue à soutenir que le règlement l’oblige à prolonger, quoi qu’il en coûte, les pesticides en attente de réévaluation. L’ONG dénonce cette interprétation et demande à la justice européenne de suspendre l’autorisation du boscalid et de mettre immédiatement fin à ce système scandaleux qui détourne le règlement pour servir les intérêts de l’agrochimie.

Compte tenu de l’accumulation des preuves de la toxicité des pesticides SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase), POLLINIS avait demandé, en juin 2023, à la Commission de revenir sur sa décision du 4 mai 2023 prolongeant l’autorisation de mise sur le marché du boscalid pour la 6e fois consécutive. La Commission a rejeté la demande de POLLINIS dans un courrier du 1er décembre 2023 et a confirmé la prolongation de cette substance active jusqu’au 15 avril 2026 au moins. L’ONG, par un recours déposé ce vendredi 9 février, attaque ce refus devant le Tribunal de l’Union européenne et demande la suspension immédiate de l’autorisation du boscalid.

L’autorisation initiale délivrée en 2008 sous l’ancienne réglementation (directive de 1991) devant expirer en 2018, le fabricant, BASF, avait déposé dès 2015 une demande de réautorisation. A ce jour, plus de 8 ans après le dépôt du dossier, la procédure de réévaluation du boscalid est toujours à l’étude. C’est cette anomalie troublante du système administratif qui justifie, selon la Commission européenne, de prolonger systématiquement l’approbation du boscalid depuis 2018. Le fongicide phare de la multinationale BASF aura ainsi bénéficié en avril 2026 d’un sursis de 8 ans qui pourrait encore être prolongé au-delà de cette date, et ce sans tenir compte des risques pointés par la recherche. 

Car pendant ce temps, les études scientifiques indépendantes s’accumulent et alertent sur les risques que les fongicides SDHI, et le boscalid en particulier, font peser sur la santé et la biodiversitéPOLLINIS a identifié plus de 70 études mettant en évidence les effets/risques du boscalid et des SDHI (à disposition sur demande au contact presse). Il est par exemple démontré que le boscalid altère le microbiote, le comportement et la reproduction des abeillesCf. notamment ; DesJardins, N. S. et al. A common fungicide, Pristine®, impairs olfactory associative learning performance in honey bees (Apis mellifera). Environ Pollut 288, (2021); Fisher, A. et al. Field cross-fostering and in vitro rearing demonstrate negative effects of both larval and adult exposure to a widely used fungicide in honey bees (Apis mellifera). Ecotoxicol Environ Saf 217, (2021); Paris, L. et al. Honeybee gut microbiota dysbiosis in pesticide/parasite co-exposures is mainly induced by Nosema ceranae. J Invertebr Pathol 172, (2020); Pineaux M, Grateau S, Lirand T, Aupinel P, Richard FJ. Honeybee queen exposure to a widely used fungicide disrupts reproduction and colony dynamic. Environ Pollut. 2023 Jan 26;322:121131. doi: 10.1016/j.envpol.2023.121131. Epub ahead of print. PMID: 36709033, et que les SDHI ont des effets délétères sur la vie du sol (nématodes et lombrics)Cf. notamment Inserm, Pesticides et santé – Nouvelles données. Rapport de synthèse, 2021, p. 121; Inrae, Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques. Rapport de l’expertise scientifique collective, 2022, p. 1388, citant Santisima-Trinidad et al. (2018); Zhang et al. (2014); Yang et al. (2012); Sun et al. (2020). ainsi que sur les algues, les amphibiensCf. notamment Inserm, Pesticides et santé – Nouvelles données. Rapport de synthèse, 2021, p. 121

Qian, L. et al. Toxic effects of boscalid on the growth, photosynthesis, antioxidant system and metabolism of Chlorella vulgaris. Environmental pollution, 242, 171-181, (2018).
et les poissonsQian, L. et al. Environmentally relevant concentrations of boscalid exposure affects the neurobehavioral response of zebrafish by disrupting visual and nervous systems. J Hazard Mater 404, (2021).

Une situation inquiétante également relevée par des institutions comme la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnementCommission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CnDAspe), Avis relatif au signalement sur de possibles risques liés aux fongicides agissant par inhibition de la succinate déshydrogénase (SDHI), Novembre 2019., l’InsermInserm, Pesticides et santé – Nouvelles données, 2021. Cf. notamment, sur les SDHI, le rapport de synthèse, pp. 118-123., l’InraeInrae, Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques. Rapport de l’expertise scientifique collective, 2022, pp. 1387-1391. ou encore, dernièrement, par le groupe de travail SDHI de l’Anses dans un rapport publié en décembre 2023, qui recommande de renforcer l’évaluation des risques des SDHI sur la biodiversitéAnses, Actualisation des données relatives aux substances phytopharmaceutiques de la famille des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), Saisine n° 2019-SA-0202 : SDHI, Rapport d’expertise collective, April 2023 (published by Anses in December 2023), pp. 195-196/318.

Dans sa réponse à POLLINIS du 1er décembre 2023, la Commission déclare ne pas pouvoir prendre en compte ces données récentes. Elle soutient qu’elle est tenue de prolonger l’approbation des substances en cours de réévaluation, indépendamment de leurs risques pour la santé et l’environnement ou des retards pris dans la procédure de réévaluation.

« La réglementation actuelle et le principe de précaution imposent de ne pas garder sur le marché une substance pour laquelle les dernières connaissances scientifiques suggèrent qu’elle ne remplit plus les critères d’approbation. Pour les SDHI, l’alerte a été lancée par des chercheurs en 2017, il y a plus de 6 ans, et confirmée depuis par de nombreux rapports et études. L’urgence de l’effondrement de la biodiversité et les risques tout particuliers de cette famille de substances dont fait partie le boscalid, obligent la Commission européenne à agir. Nos actions en justice, en cas de victoire, pourraient mettre fin aux prolongations systématiques et répétées dont continuent de bénéficier ce fongicide et beaucoup trop d’autres pesticides en Europe. » a commenté Julia Thibord, responsable du contentieux stratégique de POLLINIS. 

Le boscalid est loin d’être un cas isolé. POLLINIS a recensé 187 substances actives (dont 125 pesticides de synthèse), sur 441 autorisées dans l’Union européenne, bénéficiant actuellement de prolongations systématiques et répétées – certaines pour des périodes excédant 10 ans. La grande majorité d’entre elles, comme le boscalid, ont été autorisées sous l’ancienne réglementation de 1991, moins protectrice, et sur la base d’études obsolètes, datant pour la plupart d’il y a plus de 20 ans. 

POLLINIS avait déjà attaqué la 5e et précédente prolongation d’autorisation octroyée au boscalid par la Commission européenne. Le recours est en attente d’être jugé.