SDHI : Une bombe à retardement

Le contexte

Produits phares de l’agrochimie, les fongicides SDHI sont déversés depuis les années 2000 en quantité industrielle en Europe pour tuer champignons et moisissures dans les cultures. Tomates, céréales, pommes, raisins… quasiment tous les produits alimentaires sont contaminés. En France par exemple, 70 % des cultures de blé tendre et 80 % des cultures d’orge sont traitées avec des SDHI. Ce sont les résidus de pesticides les plus souvent quantifiés dans nos aliments1. Ces molécules agissent sur les mitochondries des cellules en inhibant une enzyme, la succinate déshydrogénase (SDH), ce qui bloque la respiration cellulaire et provoque la mort de la cellule. Ces fongicides ont passé les tests d’évaluation règlementaire avant leur mise sur le marché – tests censés garantir que ces produits ne poseront pas de risques majeurs – mais des expériences en laboratoire menées en 2017 par Pierre Rustin, directeur de recherche au CNRS/INSERM, et Paule Bénit, ingénieure de recherche à l’INSERM, révèlent que les molécules SDHI n’agissent pas uniquement sur les champignons, mais peuvent bloquer également la respiration des cellules humaines et des vers de terre.

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Le scandale

En dépit des découvertes alarmantes sur la dangerosité des SDHI, l’alerte sanitaire n’a toujours pas été donnée. Le comité d’experts saisi par l’ANSES a finalement rendu son avis3 en janvier 2019, concluant à l’absence d’éléments pour enclencher l’alerte sanitaire, alors même qu’il subsiste « un fort degré d’incertitude sur nombre de questions ». Selon Pierre Rustin et Paule Bénit, le mécanisme d’action très particulier des SDHI sur les cellules n’a pas été pris en compte par les experts missionnés par l’agence, dont aucun n’est spécialiste des maladies mitochondriales. Les chercheurs soulignent aussi que le processus d’évaluation des pesticides sur lequel le comité de l’ANSES s’est appuyé est totalement obsolète. Les tests issus de ces processus ne recherchent pas, entre autres, les possibles dérégulations épigénétiques que les SDHI pourraient provoquer, ni les effets d’une exposition à long terme à ces molécules.

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Les solutions

Alors qu’il est désormais prouvé scientifiquement que les SDHI peuvent agir sans discrimination sur la respiration cellulaire de nombreux organismes, POLLINIS exhorte les autorités publiques à prendre des mesures d’urgence. Avec les chercheurs qui ont lancé l’alerte, POLLINIS a déposé une pétition au Parlement européen (une démarche administrative particulière, différente des pétitions de mobilisation citoyenne) demandant un moratoire sur les SDHI et une réévaluation de ces molécules.

Après son examen en septembre 2020, la commission des pétitions a souhaité conserver ce dossier à l’agenda européen en gardant la pétition ouverte et en demandant sa transmission à l’autorité sanitaire européenne (EFSA) ainsi qu’aux États membres. POLLINIS espère ainsi susciter un débat plus large au sein du Parlement européen sur les failles du système d’homologation des pesticides.

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Pour en savoir plus

Voir toutes nos publications sur les sdhi
Toutes nos Actus sur ce thème
16 février 2023

POLLINIS a déposé un recours à la CJUE contre la cinquième extension d’approbation autorisée par la Commission européenne au boscalid, un fongicide SDHI de la firme BASF.

2 juillet 2022

POLLINIS adresse une demande de réexamen interne à la Commission européenne pour faire révoquer la prolongation de l’autorisation du boscalid dont l’approbation initiale a expiré en 2018. Cette substance active de la classe des SDHI est l’un des pesticides les plus détectés dans l’environnement et l’alimentation.

15 juin 2022

À Bruxelles, POLLINIS remet sa pétition, signée par plus de 400 000 citoyens, à la Commission européenne et au Parlement européen. L’ONG organise aussi une campagne de « tests cheveux » auprès d’une trentaine d’eurodéputés pour détecter les résidus de pesticides.

1er avril 2022

La présidente de la commission des pétitions du Parlement européen informe POLLINIS que des informations complémentaires et actualisées sur les SDHI ont été demandées à la Commission européenne.

15 mars 2022

La pétition de POLLINIS et des scientifiques Paule Bénit et Pierre Rustin, est examinée à nouveau par la commission des pétitions du Parlement européen.

9 septembre 2021

Notre Affaire à Tous et POLLINIS lancent la première étape d’une action en justice sans précédent contre l’État français pour manquement à ses obligations de protection de la biodiversité. Les deux associations visent notamment les défaillances notoires du processus d’autorisation et de mise sur le marché des pesticides.

12 avril 2021

Une nouvelle étude, que POLLINIS a contribué à financer, met en évidence la toxicité renforcée du mélange entre un insecticide, le sulfoxaflor, et un fongicide SDHI, ainsi que la grande vulnérabilité des abeilles sauvages face à ces pesticides.

24 septembre 2020

La commission des pétitions du Parlement européen a décidé de maintenir ouverte la pétition déposée par POLLINIS et les deux scientifiques Pierre Rustin et Paule Bénit et l’a transmise à l’EFSA, ainsi qu’aux États membres.

7 novembre 2019

Publication d’une étude scientifique indépendante financée en partie par POLLINIS, en partenariat avec l’INSERM, sur la toxicité des fongicides SDHI pour les cellules des abeilles et les cellules humaines.

4 juin 2019

Dépôt d’une pétition au Parlement européen (procédure administrative particulière), avec les chercheurs Pierre Rustin et Paule Bénit, demandant un moratoire sur les SDHI.

30 octobre 2018

Lancement d’une pétition adressée à la Commission européenne et aux États membres, pour demander le retrait immédiat des SDHI. Résultat : plus de 380 000 signatures en un an.

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